Le sélectionneur national U20 nous a confié qu’il consacrerait le reste de sa carrière à la formation. Entraîner les seniors ne fait plus partie de ses choix professionnels. Un choix qu’il dit assumer.
Quel est le profil de cette sélection U20 ? Est-ce une future sélection olympique ?
Vous le savez, ce sont les tranches d’âge à l’échelle internationale qui définissent les catégories des sélections chez les jeunes. Le groupe que j’ai sous la main est l’actuelle sélection nationale junior. Ils sont natifs de 2001 et plus. Comme nous ne sommes pas qualifiés aux JO de Tokyo, l’actuelle équipe nationale junior correspond à la future sélection olympique, et ce, en prévision de la prochaine édition de 2026. Mais avant de se projeter sur la prochaine édition des Jeux olympiques, il faut s’attaquer à la campagne junior qui a aussi son lot d’importance, vu que nous nous ne sommes jamais qualifiés à la CAN junior.
Y a-t-il des éléments susceptibles d’alimenter la sélection ?
Bien entendu, il y a des jeunes prometteurs dans les catégories jeunes des équipes nationales et pas seulement en sélection U20. Mais tout dépendra d’eux, des moyens mis à leur disposition dans les mois et les années à venir pour pouvoir progresser individuellement. Si cette sélection U20 va loin en Coupe d’Afrique des nations et parvient à se qualifier à la Coupe du monde, il y a des profils de joueurs susceptibles d’alimenter l’équipe nationale première et devenir même de futurs cadres. Par ailleurs, notre stratégie a été toujours de cibler les joueurs qui ont le potentiel d’intégrer un jour la sélection nationale A.
Parmi les joueurs que vous avez sous votre houlette, y a-t-il des noms à révéler ?
La qualité y est, mais je préfère ne pas révéler des noms pour ne pas créer de la susceptibilité entre les joueurs. Mais j’aimerais insister sur une chose : ils sont tous susceptibles d’intégrer un jour la sélection nationale première. Mais comme je vous l’ai dit, ça dépendra de ce qu’ils accompliront plus tard, de ce qu’ils vont réussir.
Quelle est la différence, au niveau du travail, entre l’équipe nationale A et la sélection U20 ?
Il y a déjà la différence d’âge qui nous oblige à ne pas travailler de la même façon, notamment au niveau de la charge physique. Toutefois, comme ils ont un âge proche de la catégorie senior, nous les préparons d’une manière similaire. L’approche pédagogique diffère par rapport au travail accompli avec les seniors, car il s’agit de les préparer à faire le grand saut, sachant qu’à leur âge, il y a certains d’entre eux qui jouent déjà dans le très haut niveau, notamment ceux qui ont intégré déjà l’équipe senior dans leurs clubs. C’est pourquoi nous les faisons travailler dans les conditions du haut niveau.
Vous puisez dans les championnats des jeunes, notamment l’élite. Que pensez-vous du travail accompli dans les catégories des jeunes ?
C’est un dossier épineux. Je ne veux pas dire qu’au niveau des clubs, ils ne sont pas en train de travailler convenablement. Je ne prétends pas non plus être plus connaisseur que mes collègues qui travaillent dans les centres de formation. Mais il faut dire les choses telles qu’elles sont : chacun travaille selon les moyens du bord. Mais c’est toujours insuffisant par rapport au travail accompli dans le monde du football professionnel. Nous nous adaptons comme nous pouvons aux conditions du travail que ce soit au niveau de la sélection U20 ou en clubs. Chacun fait de son mieux.
Parlons à présent de l’impact du Covid-19. Les stages se succèdent, mais il n’y a pas de matches à l’horizon…
Evidemment que cela nous dérange beaucoup. Car qu’on le veuille ou pas, les matches internationaux ont leur importance. Nous ne pouvons pas nous contenter des matches amicaux qui représentent un complément de travail, sans oublier que les championnats locaux, toutes catégories confondues, sont à l’arrêt. Bref, la compétition représente 30 à 40 % du travail accompli. Nous essayons de nous adapter à cette crise sanitaire qui touche le monde entier.
Que pensez-vous du niveau du championnat tunisien ?
En toute franchise, le niveau technique a beaucoup régressé ces dernières années. Toutefois, nous parvenons à maintenir un niveau respectable et toujours meilleur par rapport à d’autres nations de football qui ont un niveau proche du nôtre. Notre championnat n’est pas mauvais. Ce qui nous manque par contre, c’est la qualité des joueurs. Ce qui nous manque au fait, c’est une pépinière de qualité. Ce qui nous empêche de travailler convenablement, notamment au niveau des centres de formation, c’est l’état délabré de notre infrastructure sportive. A part deux ou trois stades conformes aux normes, nous ne disposons pas de terrains de qualité qui favorisent un jeu fluide. Même au niveau des sélections nationales, nous trouvons des difficultés à trouver un terrain d’entraînement. Quand je planifie un stage, la première chose que je cherche c’est le terrain qui va abriter les entraînements. Il nous arrive parfois de nous entraîner à l’Ariana, à La Marsa, à El Menzah, à Radès ou à Borj Cédria. Ces pépins, nous les rencontrons au niveau des sélections nationales. Que dire alors au niveau des clubs ?
Y a-t-il encore des révélations dans notre football ?
Franchement, nous n’avons pas vu grand-chose ces quatre, voire ces cinq dernières années. Pour être honnête, il n’y a plus vraiment des révélations dans notre championnat.
Que pensez-vous de l’EST en cette période de fin de cycle ?
Parfois, il faut accepter de passer une ou des années blanches durant lesquelles le club ne remporte pas de titres, ce qui n’est pas, d’ailleurs, la fin du monde. Si l’Espérance de Tunis a dominé le football ces dernières années, c’est que toute une stratégie a été mise en place. Je peux en parler, car j’étais un acteur principal dans l’entreprise «sang et or». Quand Hamdi Meddeb, a pris la présidence du club, nous avons formé une bonne équipe. Nous avons fait jouer 16 à 17 jeunes du cru. Nous n’avons pas fait de gros recrutements, sauf peut-être Michael Eneramo. Nous avons gardé seulement trois anciens : Mouïne Chaâbani, Kamel Zaïem et Hamdi Kasraoui. Le reste du groupe senior était essentiellement composé de jeunes. Nous avons connu une saison difficile. Mais après, la machine s’est mise à carburer. Notre travail a fini par porter ses fruits et nous avons monté une équipe qui a dominé la scène nationale, mais aussi continentale pendant une décennie. Mais ce cycle-là est bel et bien terminé, et il faut l’accepter. Je ne veux pas me mettre à la place des décideurs actuels, mais il est venu le temps d’accepter l’idée qu’on passe par une saison à l’issue de laquelle on ne remporte pas de titres. Je sais que c’est difficile dans la tête des supporters. C’est pourquoi on se met à recruter pour remplir les postes vacants et au final, on passe à côté de la formation, mais surtout de l’objectif primordial : reconstruire une équipe. Partout dans le monde, on accepte l’idée de sacrifier une saison en injectant un sang neuf. Il faut faire intégrer 11 à 12 jeunes à l’équipe première. La fin d’un cycle : voilà une idée qu’on n’accepte pas dans le football tunisien, particulièrement à l’EST et cela met une pression de plus sur les responsables du club.
Comment le CAB en est- il arrivé là, alors qu’il n’y a pas si longtemps, il disposait d’une bonne équipe et jouait le rôle d’outsider ?
Le CAB est un grand club. C’est une équipe qui a eu toujours son mot à dire dans le championnat tunisien. Personnellement, je sais que le CAB fera une bonne saison cette année. Les dirigeants cabistes vont compter sur les enfants du club. Ils n’ont pas beaucoup de pression. Ce qui s’est passé, c’est que le CAB a formé une bonne équipe en 2009, 2010, quand elle s’est trouvée dans une situation similaire du temps de Arbi Zouaoui. Six jeunes au moins se sont distingués par la suite et sont devenus les piliers de l’équipe. Avec deux ou trois recrutements ciblés, le CAB a pu jouer les outsiders. Il est arrivé au CAB de disputer le titre de champion de Tunisie jusqu’à la dernière minute avec l’EST. La stratégie sportive actuelle qui consiste à compter sur les jeunes du cru s’est imposée car le club n’a pas les moyens financiers pour faire de grands recrutements. C’est un mal pour un bien. Je vous le redis : le CAB fera une belle saison cette année.
Vous avez fait partie du staff technique national A. La sélection A a-t-elle les moyens d’aller loin ?
Toutes les conditions de réussite sont réunies pour que la sélection A aille loin. Elle est dirigée par un staff technique 100% tunisien. L’effectif est composé de bons éléments. Les conditions de haut niveau, que ce soit les stages ou les matches internationaux, sont assurées. Tout ce que nous demandons, nous l’obtenons. Nous sommes en mesure d’atteindre nos objectifs, à savoir la qualification à la prochaine Coupe du monde et, pourquoi pas, remporter un autre titre continental.
Après avoir entraîné l’EST et été pressenti à cette époque-là pour le poste de sélectionneur national A, vous voilà vous contenter d’entraîner les jeunes. Est-ce une régression, un choix personnel ou un peu les deux ?
Pour être honnête, il y a un peu des deux. Aujourd’hui, je fais le choix d’entraîner les jeunes. La formation des jeunes est devenue ma passion. J’ai fait ce choix aussi, car il n’y a plus les conditions requises, à part deux ou trois clubs pour travailler dans des conditions dignes d’un football professionnel avec les seniors. De plus, j’avais toujours l’idée de revenir un jour entraîner les jeunes. Comme je vous l’ai dit, c’est ma passion et je compte, à 90 %, y consacrer le reste de ma carrière et peut-être un jour, je créerai ma propre institution privée de formation des jeunes footballeurs. Avec les jeunes, on ne travaille que le football, sans pression nocive. Un jeune footballeur est comme une pâte à modeler. On peut faire beaucoup de choses avec, et ça me fait énormément plaisir.