Les artisans n’arrivent plus à vendre leurs produits et même si certains se sont orientés vers une autre alternative, à savoir la vente en ligne, le problème persiste toujours…
Le secteur de l’artisanat connaît depuis longtemps des difficultés pour la promotion, la vente et l’export des produits typiquement tunisiens, pour plusieurs raisons, dont notamment le manque d’organisation et de formation dans le secteur… Les artisans n’arrivent plus à vendre leurs produits et, même si certains se sont orientés vers une autre alternative, à savoir la vente en ligne, le problème persiste toujours… Nous avons contacté deux femmes artisanes, spécialisées dans la création et la vente de produits artisanaux. Elles ont bien voulu témoigner, en mettant l’accent sur les problèmes qui entravent l’évolution du secteur et la promotion du produit tunisien à l’échelle nationale et même internationale.
Jihène Jouini, qui est à la base designer et artiste plasticienne dans le secteur semi-industriel (les pierres fines marbrées, les cristaux, les calcites…) fait également de l’art plastique et conceptuel (le verre soufflé)…
Pour elle, le problème de la vente des produits tunisiens existe bien avant la pandémie de la Covid-19. «Personnellement, j’ai dépassé tout cela, j’ai monté mon projet et j’ai trouvé mon chemin : le façonnage et le traitement de la pierre fine tunisienne dans la joaillerie et la décoration avec la brèche marbrée tunisienne. Cela fait, d’ailleurs, huit ans que je travaille sur ce projet, mais j’exerce depuis seulement une année dans le domaine de la production. Nous avons eu, d’ailleurs, une autorisation pour exploiter les mines tunisiennes fermées pour les pierres fines et celles semi-précieuses qu’on utilise pour la création de bijoux et la brèche marbrée en onyx pour les objets décoratifs (salle de bains…). Sauf que, pour moi, le problème principal réside dans le fait qu’en Tunisie, la culture de la consommation des produits typiquement tunisiens est pratiquement inexistante. Il y a aussi les problèmes de l’importation des matières premières et ceux d’imitation de certains pays, comme la Chine, qui font que le secteur de l’artisanat n’évolue pas vraiment : le marché tunisien est inondé par les produits made in China, et l’idée du consommateur actif n’est pas encore ancrée dans les mentalités», note la plasticienne.
L’importation : l’ennemi numéro 1
Pour «sauver» le secteur, il est primordial , selon l’artisane, de conscientiser le Tunisien, voire créer des lois qui interdisent l’importation, surtout des produits d’imitation. Il faut également donner de l’importance à l’art artisanal pour préserver cette culture et aider les femmes rurales à faire connaître leur production, en organisant des formations, afin de préserver ce métier qui se transmet de génération en génération sans qu’il y ait des formations pour permette à ce métier d’évoluer correctement et d’être en phase avec l’ère dans laquelle nous vivons.
La plasticienne ajoute également que la crise sanitaire a manifestement aggravé les choses et a affecté le secteur qui connaît déjà suffisamment de problèmes, et, qu’à titre d’exemple, la femme rurale aujourd’hui, qui n’est pas initiée aux nouvelles technologies, ne peut faire de la publicité en ligne pour vendre ses produits sur internet. «Il faut, dans ce sens, créer des cellules dans les maisons des jeunes dans chaque région par exemple pour résoudre cette problématique et aider ces femmes à promouvoir leurs créations. En ce qui concerne la vente en ligne, il n’y a même pas de carte monétaire valable pour permettre les transactions et l’exportation de nos produits sur les marchés étrangers. Notons que l’artisanat, c’est du hand made, écologique. Il est primordial, donc, d’encourager l’export, et la vente sur le plan local. Il faut adopter des mesures pour permettre au secteur d’évoluer», précise Jihène Jouini.
Quant à Afef Chammakhi, une femme artisane spécialisée dans la haute couture et qui participe actuellement au village artisanal dans la banlieue sud (Ezzahra), elle estime que la «vente en ligne» via le net et les réseaux sociaux intéresse de plus en plus ses clients depuis le début de la pandémie de la Covid 19. «Depuis la crise sanitaire, les gens essayent d’éviter les sorties inutiles, donc ils se sont orientés vers les réseaux sociaux pour consulter nos produits et faire leurs achats en ligne. Pour moi, spécialiste dans la création d’habits traditionnels, de pochettes… la vente en ligne représente une alternative non seulement pour faire connaître au mieux nos produits et avoir une large visibilité, mais aussi pour vendre et promouvoir nos articles mis en vente via le net. Personnellement, je n’étais pas trop active sur les réseaux sociaux, mais situation oblige, j’ai dû créer ma page depuis l’année dernière. J’expose également au village artisanal d’Ezzahra, qui rassemble à peu près une dizaine de participants créateurs dans divers domaines de création, dont la céramique de maison, la décoration, le bois technique, les produits du terroir… Le village ouvre ses portes de 10h00 jusqu’à 18h00 et son ouverture officielle s’est faite au mois de mars dernier (10 mars). Mais avec le confinement et la crise sanitaire, le nombre des visiteurs a enregistré une baisse remarquable, d’autant plus que le pouvoir d’achat, également en baisse, a contribué en quelque sorte à la chute libre du secteur. Il n’y a pas de solution efficace pour le moment, il faut peut-être attendre que la crise passe pour pouvoir se remettre», conclut l’artisane, qui participe depuis longtemps aux grands événements et manifestations nationaux, dont notamment El Khomsa d’or et qui a eu plusieurs prix pour ses créations originales.