Le programme «Pour une approche globale de la gouvernance des migrations et de la mobilité de la main-d’œuvre en Afrique du Nord (Thamm)» a été officiellement lancé, en présence des bailleurs de fonds européens partenaires de la Tunisie. Etalé sur trois ans, il s’inscrit dans un plan d’action stratégique visant à faire de la migration régulière un tremplin pour l’emploi. Cela a fait l’objet d’un atelier de travail auquel ont été conviés le chef de la diplomatie européenne à Tunis, les ambassadeurs d’Allemagne et de Belgique, la GIZ, l’Enabel belge, ainsi que d’autres acteurs concernés.
Le débat était lancé sur les objectifs et les perspectives d’un programme qualifié de porteur de solutions de régulation à plus de 1,2 million de Tunisiens travaillant à l’étranger dont la majorité réside en Europe. D’autres qui y avaient migré clandestinement se sont, alors, retrouvés dans des conditions professionnelles inhumaines et hors normes. D’où la nécessité de remettre les pendules à l’heure. Certes, la gestion des flux migratoires n’est pas aussi facile, d’autant plus qu’elle exige un cadre de coopération plutôt multipartite. Parlons-en ainsi, le «Thamm» se révèle porteur d’espoirs et d’ambitions. Selon M. Kamel Deguiche, ministre de la Jeunesse, des Sports et de l’Intégration professionnelle, il voit grand et vise plus loin, traitant la migration de la main-d’œuvre selon une approche globaliste qui tient compte des politiques au niveau mondial (Objectifs du développement durable, Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières) et régional (Plan-cadre d’action pour les politiques migratoires de l’Union africaine 2018-2030). Cette approche globale est de nature à améliorer les paramètres d’évaluation et de reconnaissance de nos diplômes, de bien gérer la base des données statistiques relative à la migration organisée, à même de faciliter la réintégration dans les pays d’accueil.
Partenariat triplement gagnant
«Surtout que la migration irrégulière est un phénomène transnational qu’on devrait résoudre dans sa globalité, sans se limiter aux solutions sécuritaires. Au-delà, il y a d’autres pistes communément partagées entre les pays d’origine et ceux d’accueil», indique-t-il. Ce qui pourrait, à ses yeux, réduire le taux du chômage, faciliter l’accès au marché de l’emploi et susciter l’esprit d’initiative privée. Bref, le «Thamm», qui concerne deux autres pays d’Afrique du Nord, à savoir le Maroc et l’Egypte, semble ainsi aller de pair avec deux politiques clés que le département de M. Deguiche s’attelle à leur mise en œuvre : Stratégie nationale d’emploi et celle d’emploi et de protection des droits des travailleurs tunisiens à l’étranger. Toutes deux convergent, a priori, vers un objectif commun, soit une bonne gouvernance du marché du travail suivant l’équation de l’offre et de la demande. Avec pour finalité optimale un capital humain tunisien hautement qualifié et sollicité à l’étranger. Notre dispositif de formation, faut-il le dire, demeure aussi professionnalisant, dans la mesure où son taux d’intégration, ici et ailleurs, avoisine 70%. Ce chiffre avancé par le ministre étant, alors, perçu comme le sésame de recrutement et d’intégration à l’étranger. Soit, la clé de voûte du programme «Thamm», à bien des égards.
Cela va sans dire que travailleurs migrants, pays d’origine et pays d’accueil peuvent tirer profit. Et c’est là un partenariat triplement gagnant, résume le ministre. « Cela ouvre devant nos jeunes demandeurs d’emploi de nouvelles opportunités à l’étranger, notamment en matière de santé, de tourisme, de services et bien d’autres spécialités sollicitées», précise M. Ahmed Messaoudi, directeur général de l’embauche et de la main-d’œuvre à l’étranger au ministère de tutelle. Et d’ajouter que l’Aneti (Agence nationale d’emploi et du travail indépendant) a déjà commencé à travailler sur ce programme. «On pourrait même atteindre 400 postes d’emploi à l’étranger », prévoit-il. A la condition que les candidats répondent aux critères de recrutement exigés. Ainsi, tout va se gérer dans un cadre juridique, institutionnel et politique régissant, de la sorte, la migration et la mobilité de la main-d’œuvre.
Alignement diplomatique
Pour les pays d’accueil en Europe, ce «Thamm» incarne le sens de l’engagement à établir une nouvelle coopération d’égal à égal qui soit mutuellement bénéfique. Le chef de la diplomatie de l’Union européenne, Marcus Cornaro, a fait valoir l’importance d’un tel partenariat gagnant-gagnant, dans la perspective d’asseoir une approche de migration légale et régulière. Cela, dit-il, ne peut, en aucun cas, se faire aux dépens des droits des travailleuses et travailleurs migrants. S.E. Peter Prügel, ambassadeur d’Allemagne en Tunisie a, de son côté, souligné que la politique allemande considère la migration comme une contribution importante au développement. Même avis pour l’ambassadeur de Belgique en Tunisie. Cet alignement diplomatique manifeste sur les principes de gestion migratoire aura-t-il poussé l’Europe à changer de position, si hostile soit-elle, à l’égard des travailleurs migrants et de la mobilité de la main-d’œuvre des pays d’Afrique du Nord ? L’Europe va-t-elle, finalement, honorer ses engagements tel que dicté par ce programme «Thamm» ?