La crise sanitaire que vit la Tunisie, à l’instar de tous les pays, a eu des répercussions sur la situation économique et sociale, à la lumière de la grave récession qui se profile, des fortes pressions qui ressortent au niveau des finances publiques et surtout de l’aggravation du chômage et de la pauvreté.
Au-delà des mesures hautement prioritaires qui s’imposent au pays pour éviter les graves dérapages sociaux et financiers, il est important de renforcer la résilience face aux chocs en réduisant de façon structurelle les nombreuses fragilités qui existent et en optimisant les nombreuses opportunités de création d’emplois et de richesses qui existent dans les différentes régions du pays.
A l’instar de ce qui est en train de se passer dans plusieurs pays, la pandémie Covid-19 s’est transformée en Tunisie, durant l’année 2020, en une crise économique et sociale. Les impacts économiques de cette crise ont été lourds, aussi bien pour les ménages vulnérables que les petites, moyennes et grandes entreprises. Partout dans le monde, cette crise s’est accompagnée d’une augmentation du taux de chômage, d’une baisse des salaires et une perte des emplois précaires.
Les retombées de la crise sanitaire sur l’économie nationale se multiplient de plus en plus sans pouvoir trouver la parade pour rebondir sur des bases plus fortes.
La gestion de la crise
Les décisions prises en Tunisie pour faire face aux menaces de la propagation du virus ont eu, en effet, une portée importante sur l’activité économique avec notamment la suspension de toutes les liaisons aériennes et maritimes pour le transport des passagers, la fermeture des établissements touristiques, d’enseignement et de formation, des cafés, des restaurants et des activités culturelles ainsi que l’instauration du couvre-feu et du confinement général.
Ainsi, d’importants secteurs ont été lourdement affectés, en particulier celui du tourisme et des transports dont la situation était critique étant donné que ces deux secteurs assurent plus de 300 000 emplois directs, contribuant à plus de 12 % du PIB et procurant près de 16 % des exportations de biens et services (plus de 9 milliards de dinars en 2019).
D’autres secteurs le seront aussi, sous l’effet de la baisse de la demande aussi bien en Tunisie que dans les différents marchés d’exportation ; c’est le cas en particulier des activités industrielles autres que l’alimentation, les produits pharmaceutiques et les produits d’hygiène, les activités de commerce, de réparation et de maintenance ainsi que les activités culturelles et de loisirs.
La baisse importante de l’activité du transport aérien et de celui des constructeurs automobiles et aéronautiques à travers le monde a eu de graves répercussions sur les équipementiers de composants automobiles et industriels et, par conséquent, sur l’industrie tunisienne.
D’après une étude publiée par le Forum Ibn-Khaldoun pour le développement, «les mesures adoptées par le gouvernent et par la Banque centrale, pour protéger les emplois et soutenir les entreprises étaient certes importantes, compte tenu du niveau élevé des montants alloués et de leur diversité, accordés notamment sous forme de ligne de crédits, de fonds de soutien, de report des échéances fiscales et de crédit, de consolidation des crédits, de réévaluation des actifs, de remboursement des crédit de TVA, et de prise en charge partielle des mises en chômage technique».
De même, les décisions prises par l’Union européenne et le FMI pour l’octroi d’une aide exceptionnelle de près de 3 milliards de dinars constituent un important appui aux efforts de riposte à l’épidémie déployés par la Tunisie.
Estimation économétrique
L’étude élaborée conjointement par le ministère de l’Economie, des Finances et de l’Investissement et le Pnud, publiée en juin dernier, présente «une estimation économétrique de l’impact du Covid-19 sur l’économie tunisienne et plus particulièrement sur les micro-entreprises en termes de fragilités financières ainsi que sur les ménages en termes d’aggravation de la pauvreté.
Les principales conclusions tirées de cette étude s’articulent autour de la croissance économique évaluée initialement dans le cadre de la loi des finances 2020 à + 2.7% , devenue négative et se situant aux alentours de – 4.4% sous le double effet de la baisse de l’offre en relation avec la quasi-paralysie de l’appareil de production tout au long de la période de confinement et de la chute des différentes composantes de la demande finale ( investissement, consommation des ménages et exportations).
Les secteurs les plus impactés par la crise sanitaire auraient été ceux des industries non manufacturières, des textiles et de l’habillement, du tourisme ainsi que des transports.
Par ailleurs, les recettes propres du budget de l’Etat subissent de plein fouet les contrecoups de la forte baisse de l’activité économique. Les recettes au titre des impôts indirects ne progresseraient que de 1.5% contre une prévision initiale de + 11.3% ; les recettes au titre des impôts directs baisseraient de 0.9% contre une prévision initiale de 7.7%. Cela entraînerait une moins-value de plus de 2.700 millions de dinars correspondant à plus de 2 .5% du PIB.
Les échanges extérieurs enregistreraient une forte contraction, plus accentuée au niveau des importations (-9.6%) par rapport à celle des exportations (- 8%), entraînant une baisse du déficit de la balance des biens et services de près de 1.5 milliard de dinars comparativement aux prévisions initiales (13.8 milliards de DT).
Concernant le chômage, il a augmenté fortement, en l’absence de mesures de relance significatives pour atteindre le taux record de 21.6% de la population active en augmentation de plus de 6 points et de 275 000 chômeurs environ par rapport à 2019. « Cela porterait le total de la population active inoccupée à près de 900 mille rendant la situation sociale encore beaucoup plus difficile dans les régions ».
De même pour la pauvreté dont le taux est passé à 19,2% contre 15,2% auparavant, touchant les revenus d’environ 475 000 individus en dessous du seuil de la pauvreté alors que le taux de la pauvreté extrême augmenterait également suite à la pandémie du Covid-19 à 3,9% contre 2,8% auparavant.