Ils sont visibles partout, surtout au niveau des routes nationales : il s’agit de ces abattoirs improvisés qui vendent des viandes ovine et bovine sans contrôle, ni cachet des services vétérinaires.
Malgré les rondes de contrôle effectuées par les agents de surveillance des circuits de distribution des produits agricoles, le phénomène ne cesse de s’amplifier. Plusieurs éleveurs, voulant se débarrasser d’une partie de leur cheptel, n’hésitent pas à le sacrifier et à le vendre sur place pour les éventuels clients qui passent en voiture. Il est vrai que la viande est vendue à un prix moins levé que chez les boucheries agrémentées. A 18 dinars seulement, le consommateur peut se procurer une viande fraîche, alors que dans la boucherie, cette même viande est écoulée à 38 dinars ! Cependant, la différence entre les deux viandes est que la première n’a pas fait l’objet d’un contrôle vétérinaire, alors que la seconde comporte un cachet des services chargés du contrôle de la qualité et de la sécurité alimentaire pour préserver la santé des consommateurs.
Pourtant, on constate une affluence de consommateurs qui sont parfois des cadres de société et des gens bien instruits, vers ces vendeurs de viande sur les routes. Au contraire, cette viande est préférée aux autres, car elle est considérée comme fraîche et à prix abordable. Le côté contrôle vétérinaire est un peu négligé par les acheteurs, dont certains se rendent spécialement à ces lieux de vente en parcourant une cinquantaine de kilomètres en voiture. En fait, ces commerces parallèles se trouvent dans des zones désertes dans les prairies loin des habitations. Parfois, le vendeur ne dispose même pas d’eau pour laver la carcasse suspendue en plein air, exposée à la poussière ou aux rayons solaires quand le climat est ensoleillé.
Mieux outiller le contrôle
Les bouchers de circonstance ligotent l’animal et l’égorgent à même le sol, jonché de sable ou de boue avant de le suspendre à un arbre pour enlever la peau et retirer les tripes. Evidemment, ces bouchers n’utilisent aucun moyen de protection, comme les gants et le tablier de travail. L’essentiel, pour eux, est de terminer le travail dans un minimum de temps en abattant le plus grand nombre de bêtes pour les proposer à la vente. Aucune vitrine réfrigérée n’est visible aux alentours. La viande reste des heures suspendue dans les branches des arbres avant d’être achetée par un consommateur. Encouragés par un certain laisser-aller, ces bouchers continuent leur travail en toute impunité. Ce phénomène permet aussi de découvrir un autre problème non moins important : il s’agit de l’abattage anarchique de notre richesse animale.
Il s’est avéré que certains éleveurs sont surendettés et ont beaucoup de charges à régler dans une conjoncture morose caractérisée par une récession de la demande. Ils ne peuvent pas donc poursuivre leur activité en préservant le même nombre d’animaux qu’il faut alimenter régulièrement avec la mobilisation d’une main-d’œuvre chargée du nettoyage et de l’organisation de l’étable. La solution la plus aisée est de sacrifier une partie des animaux pour avoir une entrée d’argent permettant à l’éleveur de payer ses charges d’autant plus que le prix des fourrages, qui ne sont pas toujours disponibles, a connu une hausse exorbitante.
Le marché des produits fourragers est, lui aussi, complexe, dans la mesure où des vendeurs appartenant au circuit parallèle font leur apparition pour vendre l’orge et les produits similaires à un prix élevé, notamment lors des périodes de disette, dans le marché légal.
D’ailleurs, les ministères du Commerce, de l’Agriculture, de Santé et de l’Environnement ont mis en garde, vendredi 9 octobre 2020, dans un communiqué conjoint, contre l’abattage anarchique des moutons dans les boucheries et les restaurants. Toute marchandise, dont le propriétaire ne justifie pas le passage par les procédures légales de contrôle et de distribution, sera immédiatement saisie, ont averti les autorités, ajoutant que des décisions de fermeture seront prises à l’égard des contrevenants.
Question de rentabilité
Même les vaches laitières ne sont plus rentables, surtout que le prix proposé par les centrales laitières est dérisoire et ne permet plus de renter dans les frais dépensés. Certes, la production du lait est satisfaisante, notamment pendant la période de haute lactation, qui se situe au cours du printemps. Dans ces conditions, les centrales laitières ne s’empêchent pas de refuser les quantités en surplus, car les unités de stockage sont pleines. Le refus est parfois motivé par la qualité du lait ne répondant pas aux normes en vigueur. D’où le choix de sacrifier certaines têtes bovines qui rapportent mieux que de les exploiter comme vaches à traire.
Par ailleurs, la vente du producteur au consommateur, sans intermédiaire, permet au boucher de gagner plus, dans la mesure où ce dernier n’a pas de transporteur à payer ni d’un revendeur qui exigent un pourcentage de la viande vendue. Avec la vente directe, toute la somme revient au producteur qui n’a pas à subir les contraintes des contrôleurs vétérinaires qui peuvent refuser la viande pour une raison ou une autre. Avec la maladie de la langue bleue, plusieurs éleveurs se sont précipités pour égorger leurs animaux afin de vendre la viande avant de perdre cette richesse. Quoi qu’il en soit, le phénomène d’abattage et de vente des viandes est encore constaté. Les équipes de contrôle, qui se caractérisent par un manque de personnel et des équipements limités, ne sont pas en mesure de sillonner tout le territoire national pour épingler ces bouchers. En effet, le nombre des contrôleurs est faible et le parc automobile ne permet pas de mener de grandes campagnes de lutte contre la vente illégale des viandes rouges. Ces campagnes pourraient entrer dans le cadre de la rationalisation des circuits de distribution pour éliminer les intrus.