A la fin de l’année 2020, l’ampleur des répercussions de la pandémie sur l’économie tunisienne se fait de plus en plus ressentir. La Tunisie doit faire face à une baisse de la croissance, une augmentation de l’endettement et des taux de chômage et de pauvreté, une contraction de 9,2% de la production.
Le secteur des exportations a considérablement contribué au ralentissement de la croissance économique : en septembre 2020, il a enregistré une baisse de 15% en glissement annuel, en raison du fléchissement de la demande mondiale et de l’affaiblissement des secteurs industriel et touristique. En dépit de cela, on s’attend à ce que le déficit baisse à 7% du PIB en 2020 contre 8,8% en 2019. Au 31 octobre 2020, les réserves de change de la Tunisie se sont élevées à 7,8 milliards de dollars, soit environ 147 jours d’importation (contre 103 jours l’année précédente), contribuant ainsi au renforcement des réserves extérieures, très utiles en ces temps de crise. Dans ce contexte pour le moins critique, la réponse politique a été globalement adéquate. Le déclin de l’inflation a créé les conditions favorables à une réduction des taux d’intérêt et au soutien à la croissance (modérée) du crédit à l’économie. La politique budgétaire a également été conciliante. Les autorités ont réagi à la pandémie en proposant un paquet de mesures budgétaires en appui aux entreprises et aux ménages. Ces mesures, ajoutées aux pertes de revenus engendrées par le ralentissement économique, ont été en grande partie responsables de l’augmentation du déficit budgétaire à 10,5% du PIB (il était à près de 3% du PIB dans le budget de 2020). Sans surprise, l’augmentation des besoins de financement a exacerbé la vulnérabilité liée à la dette.
On estime que la dette publique augmenterait à 89% du PIB en 2020, comparativement à 72% du PIB en 2019.
Perspectives et risques
Le constat de l’impact de la pandémie sur l’économie tunisienne a été sévère et les coûts d’atténuation ont davantage nui aux finances publiques du pays, particulièrement dégradées. Aussi, les perspectives s’annoncent difficiles et incertaines. Après une contraction attendue de 9,2% en 2020, la croissance devrait temporairement s’accélérer pour se situer à 5,8% en 2021, si jamais les effets de la pandémie commencent à s’atténuer, avant de revenir à une trajectoire plus modérée de près de 2% d’ici à 2022, en raison des défaillances structurelles préexistantes. Les risques à la baisse qui pèsent sur ces perspectives sont importants, au vu de l’ampleur de la deuxième vague de pandémie qui continue de sévir et de son impact sur les principaux partenaires commerciaux de la Tunisie. Dans le même ordre d’idées, on s’attend à ce que le déficit du compte courant commence à s’améliorer avec la reprise des exportations, quoique à un rythme lent et incertain. Les perspectives budgétaires misent sur un cadre budgétaire serré et une marge de relance budgétaire limitée, l’impact de la pandémie devant s’étendre jusqu’en 2021. Les risques budgétaires liés à la croissance incessante de la masse salariale, aux subventions, aux retraites et à la faible performance des entreprises publiques commencent à se faire concrètement sentir et, à défaut d’être gérés de manière proactive, risquent de compromettre les efforts de relèvement engagés.
Face à cette conjoncture difficile, la prochaine mesure importante que la Tunisie se doit d’entreprendre pour passer avec succès au travers de cette crise consiste à élaborer un programme cohérent de relance de l’économie et de réhabilitation de la crédibilité du cadre macroéconomique. La première priorité consiste, bien sûr, à sauver des vies, à travers le contrôle de la pandémie et la mise à disposition, de la population, de vaccins contre le virus Covid-19. Les autorités ont réussi à bien gérer la première vague de la pandémie et à endiguer la contagion, grâce aux mesures de confinement décrétées aussitôt que la pandémie a frappé et à leur stricte application. Mais la deuxième vague dépasse de loin la première et de nouvelles mesures de confinement sont instaurées, quoique moins strictes que les premières. Beaucoup d’efforts sont également entrepris pour préparer le déploiement de vaccins, la Tunisie étant membre de l’initiative de la Banque mondiale pour le financement de l’achat et de la distribution de vaccins, de tests et de traitements. C’est également en réhabilitant la crédibilité du cadre macroéconomique qu’on arrive à jeter les bases nécessaires à une reprise plus durable de la croissance. Plus particulièrement, il s’agit de mettre l’accent sur le financement durable de la relance, de manière qui permet de gérer les niveaux d’endettement.
Cela exige de restructurer les finances publiques en endiguant la masse salariale, en faisant passer l’aide sociale des subventions aux transferts ciblés et en maîtrisant les risques budgétaires induits par les entreprises publiques, le tout dans l’objectif de dégager plus de ressources en faveur de l’investissement public et de la relance. Au vu du volume budgétaire limité et de la position extérieure fragile du pays, le pilier du plan de relance réside dans l’engagement de réformes structurelles visant à stimuler les performances du secteur privé. La relance se trouverait freinée en l’absence de programme ambitieux qui ravive la croissance des entreprises.
Relance de la croissance et reconstruction du potentiel des entreprises tunisiennes
Au cours de la décennie écoulée, les principales causes du chômage ont été attribuées au ralentissement de la croissance et à l’atonie du secteur privé.
De même et en l’absence d’opportunités privées, l’Etat a continué à être considéré comme le principal pourvoyeur d’emplois, alourdissant ainsi la masse salariale du secteur public et réduisant l’espace budgétaire qui aurait pu servir à investir dans l’économie. La pandémie Covid-19 est venue exacerber ces difficultés structurelles existantes.
Dans ce contexte, il devient plus que jamais urgent de dynamiser les entreprises et de booster leur potentiel de création d’emplois pour que le pays puisse enfin se remettre de la crise liée à la pandémie Covid-19. Les données relatives aux sept dernières années — de 2013 à 2019 — montrent qu’il existe bon nombre de domaines où l’environnement s’est amélioré et où la Tunisie a pu être plus performante que d’autres pays. Mais dans l’ensemble, ces mêmes données indiquent que le secteur privé s’est affaibli, où les entreprises sont moins enclines à investir et à innover et le repli a touché tous les secteurs. Par ailleurs, la part des entreprises tunisiennes introduisant un nouveau produit ou service a diminué de moitié, passant de 28% en 2013 à 14% en 2019.
Les entreprises sont moins tournées vers l’exportation qu’auparavant et le pourcentage d’entreprises exportatrices est passé de 38% en 2013 à 32% en 2019. Cela a coïncidé avec la détérioration des indicateurs commerciaux : le nombre de jours nécessaires au dédouanement des exportations a plus que doublé, passant de 3 jours en 2013 à 7jours en 2019. La situation est pire pour les importations, où le nombre de jours nécessaires au dédouanement des importations est passé de 7 jours en 2013 à 16 jours en 2019.
Les entreprises sont également de moins en moins productives : la croissance annuelle réelle de la productivité était négative en 2013, de l’ordre de –4,5% et a empiré en 2019, pour baisser à –5,1.
Le rapport conclut en examinant quelques mesures structurelles les plus urgentes à introduire pour aider à remettre le secteur privé sur les rails. Il s’agit, notamment, d’accroître les capacités des nouvelles entreprises à entrer sur le marché et à y offrir de nouveaux produits ou services, de lutter contre les goulots d’étranglement structurels qui compliquent l’accès des entreprises au financement, de faire face à la détérioration des services douaniers et d’élaborer une vision claire de la politique d’innovation, en soutien aux secteurs où les exigences en matière d’innovation et d’avantages comparatifs commencent à prendre de l’importance.
(Source : Banque centrale)