On fait tout pour asphyxier les Tunisiens. On fait tout pour les écorcher vifs à coups de taxes, d’impôts, d’augmentations de prix et pour baisser leur pouvoir d’achat. Déjà les nerfs à vif, les Tunisiens commencent à manifester leur grogne. Ce qui se passe dans les régions risque de gagner les villes. A partir de ce moment-là, rien ne pourra contenir les manifestations sans dégâts humains et matériels. Mais en dépit de cette atmosphère maussade, nos gouvernants ont préféré entamer l’année 2021 avec un lot de mesures très peu populaires. Laquelle de ces mesures provoquera le plus de mécontentement ? On ne le sait pas encore. Mais ce qu’on sait, c’est que c’est au moment où l’on s’y attend le moins que la situation dégénère. Ce qui s’est passé avant-hier avec les supporteurs du Club Africain est le prélude à un vent de révolte pour une autre souffrance que les responsables n’ont pas vu venir. Cette fois, c’est l’amour d’un club de foot qui a poussé des jeunes dans la rue. Cela s’est passé aussi dans la ville de La Chebba il y a quelques semaines. Mais la cendre est encore sous la braise et le feu risque de se rallumer et de tout ravager sur son chemin. Et voilà qu’une autre trouvaille ingénieuse du ministre des Télécommunications préconise de bloquer tous les téléphones portables qui ne seront pas identifiés par la nouvelle plateforme « Sajalni ».
L’idée de départ était de dissuader, par le biais de cette plateforme, les voleurs de téléphones puisque ces derniers seront bloqués et hors d’usage, donc non vendables. Mais l’initiative a évolué en moyen de « lutte contre la contrebande et le commerce parallèle » des smartphones en Tunisie. Certes, l’enfer est pavé de bonnes intentions. Car cette mesure profite directement aux revendeurs agréés et aux fabricants de téléphones mobiles en Tunisie. Il n’empêche que 60% de ces téléphones sont vendus dans les circuits parallèles. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’ils coûtent moins cher ! Les citoyens y trouvent leur compte en s’approvisionnant auprès de ces revendeurs « illégaux » qui pourtant étalent leur marchandise au grand jour dans les souks sans être inquiétés par qui ce soit. De ce fait, ils seront des milliers à subir les contrecoups de cette mesure. Ils vont du jour au lendemain perdre leur gagne-pain. A-t-on pensé à eux ? Y-a-t-il des mesures et des incitations pour les intégrer au circuit formel ? Que nenni ! Personne n’y songe. Mais le jour où ces vendeurs seront privés de ressources, ils occuperont les rues et les places publiques. La plupart d’entre eux sont des hommes au passé violent. « Sajalni » sera probablement la raison d’une nouvelle colère en Tunisie. Car hormis les vendeurs de téléphones importés de façon irrégulière, cette plateforme vise à sanctionner aussi les acheteurs. Donc les citoyens. Encore un coup de massue pour des gens dont les frêles épaules sont déjà abattues. Mais l’Etat se dérobe à sa responsabilité de lutter contre la contrebande et le commerce parallèle depuis sa source, qui sont nos frontières encore perméables au trafic. D’aucuns diront que l’Etat n’a pas suffisamment de moyens techniques et logistiques pour contrecarrer ce genre de négoce illicite. Mais il peut agir sur les prix en allégeant les taxes qui font que le même appareil peut être acheté à demi-prix à Moncef-Bey. C’est ainsi qu’on ramènera le Tunisien vers les revendeurs agréés et pas en bloquant les appareils.