Férid Belhaj, vice-président pour la région Mena à la Banque mondiale
« Les pays de la région Mena sont appelés à ouvrir la voie aux entrepreneurs, aux créateurs, aux innovateurs et à ceux qui sont prêts à prendre le risque d’investir avec la perspective du juste profit, afin de transformer les économies. Il est impératif d’encourager l’entreprise privée, de vaincre la résistance à la libéralisation des économies et d’offrir aux jeunes les opportunités pour libérer tout leur potentiel. Le secteur privé et l’entrepreneuriat ont besoin d’espace pour se développer. Le rôle-clé du gouvernement est de réguler l’économie. Ainsi, l’Etat doit mettre en place des règles claires, prévisibles et stables, et assurer une compétition transparente de manière à prévenir les situations de monopole et donner au pouvoir judiciaire les moyens de faire respecter la loi et d’appliquer les jugements. Les gouvernements doivent mettre en œuvre les lois et règlements qui encadreront, de manière juste et transparente, les activités économiques. Les gouvernements doivent avoir le courage politique et la légitimité d’expliquer les réformes, de les mener à bien et de mettre en place les filets sociaux nécessaires afin de protéger les laissés-pour-compte. Je regrette qu’en l’espace d’une décennie, rien n’a encore été résolu. Les frustrations, qui ont fait la braise de ce Printemps arabe, sont encore présentes, exacerbées par plus de troubles sociaux, de violence et, dans de nombreux cas, par des gouvernements faibles, instables et non transparents ».
Mahmoud Sami Nabi, universitaire
« La révolution a engendré une suite de chocs internes, qui se sont conjugués avec un contexte international perturbé, pour exacerber les défaillances de notre système économique… Après la révolution, les processus de création de richesse ont été freinés et n’ont pas pu se moderniser. Mais des dynamiques positives partielles me permettent toujours de garder espoir dans la capacité du pays à rebondir… Le contexte social tendu, les revendications sociales et corporatistes ont ralenti l’activité économique.
Les multiples chocs, comme les attaques terroristes, la guerre en Libye, la croissance molle en Europe, les crises politiques et l’instabilité gouvernementale ont détérioré davantage le climat des affaires… Aucun développement économique n’est possible sans la mise en place d’une gouvernance moderne et efficace en matière de système politique, de lutte contre la corruption, de système électoral et de transparence et d’efficacité du système judiciaire. Il faudrait limiter les effets négatifs et inhibitifs de l’instabilité politique sur la dynamique économique, en créant une instance indépendante de l’exécutif et redevable directement au parlement, mandatée pour mettre en place une stratégie de développement de long terme articulée autour de plans de développement sectoriels ».
Abdelkader Boudrigua, président du Cercle financier tunisien
« Le dernier rapport de Fitch Ratings, qui examinait la décision de la Banque centrale de prolonger les délais de remboursement des prêts au profit des entreprises touchées par la pandémie du coronavirus, pourrait créer une sorte d’incertitude. Dans le cas où la Banque centrale ne franchirait pas cette étape, les banques de la place n’auront pas les capacités, en 2021, de financer ces entreprises, et la chaîne de financement en sera brisée, ce qui entraînera des pertes. De nombreuses entreprises et emplois seront ainsi perdus. La décision de la Banque centrale peut poser le problème de la transparence et les banques pourront s’orienter vers une augmentation irréelle du rendement ».