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Les priorités inversées

Comme l’on s’y attendait, l’obtention par Hichem Mechichi de la confiance du Parlement pour ses nouveaux ministres dont la désignation a pour objectif, comme il l’a affirmé lui-même, «de renforcer la cohésion au sein de l’équipe ministérielle,  de rendre le rendement des ministres encore plus efficient et de sélectionner les compétences à même de mettre en œuvre les grandes réformes propres  à sortir la Tunisie de sa crise politique, sociale et économique», n’a  pas fait que des heureux parmi les forces soutenant le gouvernement.

Cette opération a, de plus, ouvert la  voie à une polémique constitutionnelle sans précédent dans la  jeune histoire de l’expérience démocratique post-révolution:  le Président  Kaïs Saïed va-t-il s’accrocher à son engagement annoncé une journée avant que les députés n’accordent leur confiance aux nouveaux ministres désignés contre sa  propre volonté par Hichem Mechichi ou va-t-il céder aux «lectures savantes»  des constitutionnalistes qui font la pluie et le beau  temps sur les plateaux TV et les studios radio et accepter que les ministres en question prêtent serment au Palais de Carthage.

Quatre jours après la confiance accordée aux députés, le Chef de  l’Etat ne s’est toujours pas prononcé sur sa décision finale et les Tunisiens ne sont guère rassurés sur la possibilité de voir Hichem Mechichi appliquer son programme révélé devant les députés par sa nouvelle équipe ministérielle ou attendre indéfiniment que «les ministres de l’efficience et du haut rendement» reçoivent l’aval du Président de la République.

Une attente qui pourrait s’avérer longue, très longue, voire interminable, dans la mesure où dans l’article 89 de la Constitution qui prévoit que les ministres doivent obligatoirement prêter serment devant le Président de la République, rien ne précise la durée au bout de laquelle le Chef de l’Etat a l’obligation d’inviter les  ministres à prêter serment au Palais de Carthage, ce qui revient à dire que la non-définition du délai de prestation de serment ouvre la voie à tous les deals possibles et à tous les compromis imaginables au cas où les deux têtes du pouvoir exécutif, en l’occurrence le Président de la République et le Chef du gouvernement, se trouveraient en désaccord sur la désignation de tel ou tel ministre même si ce dernier aurait réussi à arracher la confiance des députés.

Ainsi, face au blocage «constitutionnel actuel» conjugué à l’affaire de la poudre suspecte envoyée au palais de Carthage, l’imbroglio lié à l’habilitation des nouveaux ministres risque de durer encore et de placer au dernier rang les préoccupations des Tunisiens dont en premier lieu la guerre anti-Covid-19.

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