Dans la foulée des dernières arrestations à l’aveuglette, suivies de protestations de rue durement réprimées, on revient, ces jours-ci, sur la relation policier-citoyen dont on avait trop parlé au fil des mois suivant la révolution. Soit une mise au point, ici et maintenant. Tout commence par redéfinir le sens d’une institution sécuritaire au service du citoyen. Et qu’on accorde nos violons: quelle police républicaine veut-on ? Il faut dire qu’on relance le débat sur les pistes de sa réforme structurelle. Les lois l’organisant aussi.
Pourquoi cet appareil, si longtemps grippé, sous le joug d’un pouvoir politique totalitaire qu’on croyait révolu à jamais, n’a pas encore changé. Pourquoi notre police n’a-t-elle pas fait sa propre révolution ? Sauf qu’à ses débuts, l’on assistait, alors, à un léger changement comportemental si éphémère. Voire aléatoire, sans aucun plan d’action. En fait, ce fut, alors, une certaine prise de conscience relativement ressentie, à peine déclarée sous l’effet d’une pression d’opinion publique massivement révoltée. Et puis, rien n’a été fait jusque-là. Retour de manivelle, pour ainsi dire. En ces temps de rébellion, le syndrome de Siliana redevient aussi omniprésent. Cette région, qui avait osé réclamer son droit au développement, n’a jamais oublié le jour où la police — notre police prétendue citoyenne — avait brutalement tiré à la chevrotine, faisant des blessés et des malvoyants. Avec une telle manière d’agir, sans coup férir, tout versa dans le chaos. Tout en remettant en cause l’image d’une institution sécuritaire qui se targue toujours au service du citoyen.
Le sécuritaire n’est pas la solution
Et puis, on n’en a pas fini avec pareille intervention répressive face à la liberté d’expression. Combien de manifestants scandant les slogans de la révolution furent arbitrairement interceptés et mis sous les verrous. Injustement ! Les derniers en date sont des jeunes frustrés, épris d’espoir et d’ambitions. Ils ont demandé emploi et dignité. Revendications que le Chef du gouvernement, Hichem Mechichi, lui-même, a qualifié de légitimes. Leurs mouvements de protestation continuent à gagner du terrain. Et à chaque fois, l’on se trouve, de nouveau, face à la même machine sécuritaire répressive. En réalité, le rapport police-citoyen n’a jamais été au beau fixe. Or, les intentions de révision et d’autocritique ayant émaillé ses professions de foi, révélées à maintes reprises, n’ont été qu’un repositionnement illusoire. Soit un faux bond qui lui a fait perdre son credo et son indépendance. Aussi bien des association et organisations civiles ont dénoncé une telle dérive sécuritaire, appelant le ministère de l’Intérieur à savoir interagir et communiquer avec la foule. Pour y répondre, il n’y a pas que la solution sécuritaire. A question complexe, réponse multiforme, dirait-on.
Commencer par soi-même !
D’ailleurs, l’Observatoire tunisien de la sécurité globale (Otsg), n’a pas cessé de recommander un véritable changement des mentalités. A l’en croire, ceci demeure un gage de confiance. Même l’intériorisation de l’idée de réforme constitue pour lui un indice révélateur d’évolution d’esprit sécuritaire. Comment peut-on, alors, établir un nouveau pacte républicain police-citoyen ? Tout porte à croire qu’il n’y a aucune volonté politique de changement. Faut-il créer une relation complémentaire avec la justice et faire en sorte qu’il y ait une synergie entre le juridique et la pratique ? Toujours est-il que justice et sécurité se regardent en chiens de faïence. En l’état, le citoyen risque d’être le grand perdant. Le bouc émissaire en quelque sorte.
Ce qui s’est passé, récemment, aux alentours de l’ARP au Bardo, ou dans certains quartiers populaires, peut ne pas être rassurant. Quitte à revenir à la case départ. Cela dit, l’hégémonie de l’exécutif est de nature à envenimer de plus en plus la relation police-manifestants. Sur le terrain, nos forces de l’ordre, elles, devraient séparer le bon grain de l’ivraie. A la marche pacifique, prévue aujourd’hui samedi à Tunis, en réponse à l’appel de plusieurs organisations de la société civile tunisiennes, la police devrait réagir autrement. Dans le respect de la loi. Car, l’histoire nous a enseigné que tout changement doit, a priori, jaillir de nous-mêmes.