La crise politique, les difficultés économiques et l’ébranlement social réduisent les ambitions de la Tunisie qui va devoir, dans l’immédiat, gérer une situation alarmante sur le plan sanitaire. Les perspectives de croissance sont toujours à la traîne. Le taux de chômage augmente. Le pouvoir d’achat du Tunisien est plus acculé que ce que révèlent les statistiques. C’est surtout la classe sociale la plus défavorisée qui est la plus touchée par une récession qui donne une dimension inégalitaire aux réformes préconisées.
L’endettement inquiète plus qu’il ne participe à générer des solutions. En dépit de certaines consultations menées par le secrétaire général de l’Ugtt et jugées plus ou moins positives, il est encore difficile de trouver un accord constitutionnel et politique relatif à la prestation de serment des ministres désignés récemment par Mechichi dans le cadre d’un remaniement ministériel qui a engendré, avant même la prise de fonctions des ministres, plus de polémique que d’entente. La division politique affaiblit la capacité de réaction. Le blocage est profondément déstabilisant dans un pays où le système politique est très sensible et est en butte à la confusion, voire à la désorganisation.
On ne saurait suffisamment le dire : le paysage politique est entré dans une phase de décomposition. Ses principaux acteurs s’amusent à se renvoyer l’ascenseur et à fuir leurs responsabilités. Pire que les polémiques qui n’en finissent pas, c’est une stratégie de faiblesse, d’indifférence, d’insensibilité et de langue de bois qui semble de plus en plus orienter un tel aveu d’insouciance. La politique d’enfermement et la fuite en avant renvoient l’image d’un ensemble coupé du reste du monde. Ceux qui en assument la responsabilité ne font pas honneur aux valeurs et aux objectifs de la révolution qu’on semble de plus en plus gâcher sans y prendre garde.
La plupart des Tunisiens sont pratiquement sur la même longueur d’onde. Ils ne contestent pas seulement les politiques, mais aussi la morale et l’honnêteté de toute la classe politique. Ils savent désormais qu’il y a eu trop de mise en scène dans beaucoup de choses revendiquées. Qu’il y a eu du bluff et des coups de sonde. Il faut arrêter aujourd’hui de prétendre que nous avons « la meilleure constitution du monde », que « la révolution a concrétisé les rêves des jeunes, des sans-emploi et de la population démunie ».
Dans ces conditions exceptionnellement difficiles, tout le monde, et plus particulièrement les principaux acteurs du paysage politique, doit faire des concessions, des compromis et pourquoi pas des sacrifices. Jusqu’où peuvent-ils dire non ?
Nous savons que les trois présidences sont confrontées, chacune à sa manière, à des enjeux délicats. Mais elles ne doivent pas seulement faire une fixation sur ce qu’elles pourraient perdre en faisant des concessions, elles doivent aussi regarder ce qu’elles pourraient y gagner. Notamment en épargnant le processus démocratique des scénarios les plus catastrophiques.
Une gouvernance bien gérée a besoin de compromis. Aucun soutien ne peut sauver un système, voire un règne, qui ne fait pas l’unanimité…