L’objectif du projet Intecmed est de développer des incubateurs transfrontaliers pour contribuer à l’innovation, transférer le savoir-faire et relier la recherche à l’industrie dans la région méditerranéenne.
Le coup d’envoi du projet «Incubateurs pour l’innovation et le transfert de technologie en Méditerranée», Intecmed, a été donné, mardi 9 février 2021, lors d’une conférence de presse internationale en ligne, qui a été marquée par la participation des acteurs clés de quatre pays de la région méditerranéenne à savoir la Grèce, l’Espagne, l’Egypte et la Tunisie, qui a été représentée par la Chambre de commerce et d’industrie du Cap Bon et l’Agence nationale de la promotion de la recherche scientifique (Anpr).
Panorama de l’écosystème du transfert de technologie et de l’innovation
D’un coût total estimé à 3,6 millions d’euros, pour une durée de 30 mois (septembre 2020-février 2023), et cofinancé par l’Union européenne, le projet Intecmed vise à développer un écosystème méditerranéen intégré, qui facilite le transfert technologique et la commercialisation des résultats de recherche, et qui contribue aussi à renforcer les liens entre la recherche, l’industrie, le secteur privé et les citoyens.
«Intecmed vise à développer un écosystème capable de faciliter le processus de transfert technologique, d’augmenter les possibilités de commercialisation des résultats de la recherche et de renforcer les synergies entre la recherche, l’industrie et le secteur privé et les citoyens. Il vise, également, à faciliter la viabilité économique et, par la même occasion, la pérennité des “spin-off” —ou entreprises dérivées—, en soutenant leur extraversion dans les pays participants à travers leur participation à des expositions de transfert de technologie et à un réseau international de points régionaux d’innovation», précise Giotopoulos Konstantinos, chef du projet à la Chambre d’Achaïe (Grèce), lors de la présentation du projet.
Il ajoute que toutes les parties prenantes travailleront ensemble main dans la main pour créer le premier réseau d’innovation transfrontalier interconnecté, composé de centres de recherche et d’universités, et ce, en mettant leurs résultats de recherche au profit du secteur privé afin de les commercialiser. D’ici la fin de l’année 2022, les résultats attendus seraient 48 programmes de mentorat, 12 nouveaux produits/services développés par des start-up sélectionnées et 4 nouvelles entreprises.
Quid de la faible implication du secteur privé dans la recherche et l’innovation ?
Chedly Abdelly, directeur général de l’Anpr, revient, quant à lui, sur quelques classements qui font de la Tunisie l’un des meilleurs pays en matière de recherche et d’innovation. Il rappelle que dans l’Indice mondial de l’innovation (GII) de 2020, la Tunisie a été classée 65e, occupant à l’échelle africaine la 3e place derrière l’Ile Maurice (52e) et l’Afrique du Sud (60e), mais devant le Maroc (4e position en Afrique). Il précise aussi que la Tunisie a été classée 13e à l’échelle mondiale, par l’Organisation de la propriété intellectuelle sur un total de 130 pays, dans les indicateurs de la production scientifique.
«Par rapport à plusieurs autres pays, même européens, nous sommes bien classés. Cependant, si nous mesurons l’impact de cette recherche sur le développement dans le milieu socio-économique, ou si nous évaluons la collaboration dans le domaine de la recherche entre les universités et les entreprises, nous constatons que beaucoup reste à faire… Il est vrai que des progrès ont été réalisés depuis 2016 mais c’est encore insuffisant étant donné qu’aujourd’hui nous sommes encore classés 95e sur 131 pays ; nous produisons une recherche qui nous classe 13e et l’impact de cette recherche nous classe à la 95e position ! Idem pour l’utilisation des savoirs par les entreprises (nous sommes classés 114e sur 131 pays) et pour l’intégration des talents dans les entreprises (72e sur 131 pays).
Ce qu’il faut retenir : la Tunisie s’est dotée des ressources humaines compétentes et reconnues à l’échelle internationale, la recherche est financée sur la base de la performance, la production scientifique est abondante de la qualité… Il y a même des centres d’excellence en recherche… mais, il existe des lacunes dont la faible implication du secteur privé dans la recherche et l’innovation et une relation très modeste entre les structures de recherche et l’environnement socioéconomique.
Et pourtant, dans la situation Covid-19, on a vu et constaté que le système national de recherche et d’innovation devient très rapide et très réactif par rapport à la demande qui a été marquée par la mise en place d’une plateforme tunisienne de recherche et de développement qui vise à rassembler, dans un espace virtuel et unique, les acteurs de la recherche et de développement de l’industrie et de l’investissement», explique M. Abdelly, tout en ajoutant que le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique a mis en place des axes stratégiques pour la valorisation de la recherche et du transfert technologique, basés essentiellement sur la réorientation de la recherche vers les besoins de la société et de l’économie. Parmi ces axes, il a cité la mise en place de plusieurs mécanismes pour rapprocher la recherche socioéconomique, le financement des travaux collaboratifs de recherche entreprise…
Des défis s’imposent…
Pour sa part, le directeur général de la CCI Cap Bon, Moez Hassen, précise que le partenariat entre la CCI Cap Bon et l’Anpr vise à développer un écosystème d’innovation intégré au niveau régional, capable de soutenir le transfert technologique et de commercialiser les résultats de la recherche scientifique.
«Consciente de cet enjeu, la CCI Cap Bon et l’Anpr se sont associées avec des acteurs nationaux et internationaux dans le domaine de l’innovation et de la recherche afin de favoriser la création d’une synergie entre le monde de la recherche scientifique et le monde socioéconomique à travers l’identification des actions permettant de renforcer l’expertise dans le transfert technologique, renforcer les capacités de recherche et de développement à l’échelle régionale à travers la dotation des outils efficaces assurant le renforcement des capacités des acteurs, créer des passerelles permettant une meilleure valorisation des résultats de la recherche à travers la transformation en produits et services répondant aux exigences d’un marché concurrentiel», explique-t-il.
Il ajoute que face à une telle situation, le projet Intecmed, qui vise à promouvoir le développement économique et social à travers le soutien à l’éducation, à la recherche, au développement technologique et à l’innovation, devrait aussi faire face à des défis de taille dans ce contexte particulier, marqué par cette crise sanitaire sans précédent… «Intecmed doit, à cet égard, surmonter les obstacles des différents acteurs travaillant avec l’innovation au niveau local pour coordonner leurs actions et trouver des synergies. Le projet doit, en outre, atténuer l’impact du Covid-19 par la création d’emplois et accroître la coopération dans la région méditerranéenne», souligne-t-il.
Une vision à moyen et à long terme
Quant aux potentialités qui existent dans le Cap Bon, M.Hassen affirme que la région occupe une place importante au niveau national avec un tissu économique varié et dynamique (industrie, artisanat, tourisme, agriculture…), une industrie évolutive et prometteuse, une infrastructure de base de plus en plus développée… A cela on ajoute une panoplie de structures universitaires et scientifiques: 15 institutions universitaires, un technopôle à Borj Cedria, quatre centres de recherche (énergie, eaux, biotechnologie et matériaux). L’écosystème est, donc, favorable pour faire réussir ce projet. Mais de l’autre côté, les difficultés ne manquent pas et il est nécessaire de trouver des applications concrètes, valoriser les technologies, stimuler l’activité économique et la compétitivité industrielle…
Sur un autre plan, M.Hassen indique que ce projet aura un impact à moyen et à long termes. A moyen terme, Intecmed permettra la mise en place d’un groupe de décideurs stable et pérenne au niveau local, composé de tous les acteurs intéressés aux processus d’innovation, la définition d’une stratégie d’innovation au niveau local qui pourrait coordonner toutes les actions des différents acteurs, la création d’organisations stables qui, au niveau local, peuvent soutenir des idées innovantes pour se convertir dans les entreprises, l’amélioration des compétences dans le domaine de la planification d’affaires et de la commercialisation des résultats de recherche d’au moins 48 entrepreneurs et/ou chercheurs, et ce grâce, aux programmes de mentorat des projets pilotes.
A long terme, ce projet vise à accroître la capacité d’innovation des régions concernées, un ciblage commun des politiques d’innovation et des dépenses afin d’augmenter la valeur ajoutée des résultats et de réduire les inégalités transfrontalières. Par ailleurs, il est prévu qu’en raison des programmes de mentorat et du soutien financier des sous-subventions, 12 nouvelles initiatives seront mises en place et 12 nouveaux emplois stables seront créés.