Accueil Société Trois questions à Lotfi Souissi — Fondateur de la société Premium Tickets: «Le projet de loi sur le secteur des tickets-restaurant n’est pas souple»

Trois questions à Lotfi Souissi — Fondateur de la société Premium Tickets: «Le projet de loi sur le secteur des tickets-restaurant n’est pas souple»

Comment le secteur des tickets-restaurant a évolué depuis que les premières sociétés ont fait leur entrée sur le marché tunisien?

Aujourd’hui, le secteur compte au total neuf sociétés: Trois sociétés étrangères et six tunisiennes. Sept d’entre elles sont  basées à Tunis alors que les deux autres sont implantées à l’intérieur du pays (Béja et Gafsa). Le secteur a évolué suite à l’expansion du marché des titres-restaurant. La suppression de la restauration collective dans la fonction publique, notamment les entreprises publiques, les ministères, les amicales et les mutuelles, et l’instauration du système des tickets repas ont favorisé ce développement. Aujourd’hui, les tickets-restaurant sont généralisés à tous les fonctionnaires publics. Plus de 640 mille fonctionnaires utilisent les tickets-repas. Les banques et les entreprises privées se sont, également, inscrites à ce service. Pour la fonction publique, l’Etat contribue à hauteur de 50 dinars par carnet de chèques-restaurant. La valeur faciale du titre  ainsi que la contribution de l’employé diffèrent et varient suivant les termes des conventions des mutuelles et des amicales des entreprises. Les titres-service sont devenus une habitude ancrée dans la société. Les tickets-repas et les tickets-cadeau font désormais partie du quotidien des Tunisiens qui ont accès à ce service via les amicales, les mutuelles et les directions ressources humaines. En une dizaine d’années, le chiffre d’affaires du secteur est passé de près de 100 millions de dinars à environ 500 millions de dinars.

Les émetteurs de tickets-restaurant sont-ils régis par une réglementation qui organise le secteur?

Pour l’heure, il n’y a aucune loi qui organise le secteur. Il n’existe aucune institution qui chapeaute les divers prestataires de services. Chaque société fait cavalier seul.  Il y a une rude concurrence dans le secteur. Malheureusement, les sociétés tirent dans les jambes de leurs  concurrents, en recourant à des pratiques anticoncurrentielles, comme les rabais excessifs  même s’il y a assez de place pour tout le monde. Le taux de pénétration des tickets-repas dans le secteur privé ne dépasse pas les 10%.  A ce titre, la chambre nationale des émetteurs de tickets-restaurant aurait joué un rôle de régulation, pour permettre aux petites et moyennes entreprises de développer et pérenniser  leurs activités. Malheureusement, la faillite de trois sociétés tunisiennes a porté un coup de massue au secteur. Leur fermeture a causé beaucoup de dommages aux restaurateurs et aux utilisateurs des titres. L’absence  d’une loi qui organise le secteur l’a fragilisé. La cupidité de certaines entreprises y est également pour quelque chose.

Que pensez-vous du projet de loi sur le secteur des tickets-service qui est en cours d’élaboration?

Je ne suis pas contre la promulgation d’une loi qui organise le secteur. Mais il faut, avant tout, identifier et fixer les domaines d’utilisation des tickets-repas. Le nouveau projet de loi va causer la fermeture de quatre entreprises actives dans le secteur, parce qu’il stipule des conditions contraignantes. C’est une loi qui n’est pas souple, qui est taillée sur mesure et qui ne prend pas en considération la taille des petites et moyennes entreprises, notamment celles présentes  à l’intérieur du pays. Les peines stipulées par la loi en cas d’infraction ôtent le caractère social du service et lui confèrent un caractère pénal. Il ne faut pas oublier, que le caractère social de l’activité implique une souplesse à l’égard de l’utilisateur, des amicales ainsi que des mutuelles. Les conditions à satisfaire sont prohibitives: enregistrement de tous les contrats signés avec les utilisateurs (alors que leur nombre s’élève à 6.000), un capital minimal de 150 mille dinars, une garantie pour l’Etat alors que les grandes surfaces exigent déjà une caution bancaire de 100 mille dinars, etc. Seules les grandes entreprises peuvent satisfaire toutes ces conditions. Alors qu’en France (pays où ce service fait florès), il n’ y a pas autant de conditionnalités.

Le projet de loi exige, également, que les entreprises  s’acquittent du paiement des titres repas dans un délai de 30 jours, ce qui n’est pas réalisable vu la conjoncture économique par laquelle passent le pays et les entreprises publiques. J’ai adressé 169 requêtes à diverses instances de l’Etat. Il faut prendre en considération la petite  taille des entreprises, leur rôle dans le rapprochement de ce service aux habitants des régions intérieures et leur contribution à la création de l’emploi et à  la vie associative dans  ces régions-là. Nous sommes  en train de nous équiper et de nous préparer au processus de digitalisation et de dématérialisation des chèques repas et avec les moyens du bord, nous essayons de suivre la technologie.

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