Selon le président de l’Association des parents et élèves, le taux de contamination en dehors du milieu scolaire est 40 fois plus important que le taux enregistré à l’intérieur de l’environnement scolaire, et l’adoption d’un système d’enseignement par groupes, selon une fréquence d’un jour sur deux, n’a aucun avantage sur le plan de la santé des élèves.
Le président de l’Association des parents et élèves, Ridha Zahrouni, indique que pour mesurer l’évolution de la pandémie, il faut comparer le nombre de morts liés au coronavirus, qui atteint aujourd’hui près de 8.000 personnes en Tunisie. Lors de son passage sur les ondes d’une radio privée, il ajoute que, par rapport à d’autres pays, la Tunisie n’est pas dans une situation catastrophique. L’Angleterre —avec plus de 120.000 décès confirmés et avec tous les moyens dont elle dispose— enregistre un taux de mortalité lié au coronavirus trois fois plus important que celui enregistré en Tunisie, qui essaie de répondre à l’urgence de cette situation exceptionnelle avec des moyens limités. Idem pour la France où la Covid-19 a fait deux fois et demie plus de morts dans les hôpitaux français. Ainsi, et contrairement à ce qui a été annoncé et largement diffusé, la situation sanitaire dans notre pays n’est pas catastrophique, pour le moment, mais elle progresse vite. En revanche, dans le milieu éducatif, la situation reste plus rassurante. Pour ce faire, il convient de rester prudents et mobilisés ensemble jusqu’au bout pour vaincre cet ennemi.
Plus de contaminations en dehors de l’école qu’à l’école
M.Zahrouni précise, également, que depuis le déclenchement de cette crise sanitaire, le pays a enregistré 39 décès sur un total de 2.500 cas contaminés au coronavirus en milieu scolaire, touchant des élèves, des enseignants et des agents administratifs. Ainsi, les contaminations dans le milieu scolaire sont extrêmement faibles, étant donné qu’il y a plus de contaminations en dehors de l’école qu’à l’école.
«Le taux de contamination en dehors du milieu scolaire est 40 fois plus important que le taux enregistré à l’intérieur de l’environnement scolaire. Par ailleurs, l’adoption d’un système d’enseignement par groupes, selon une fréquence d’un jour sur deux, n’a aucun avantage sur le plan de la santé des élèves, car il n’est pas possible de suivre et de contrôler tous les élèves et les étudiants en dehors des établissements d’enseignement, d’autant plus que l’environnement extérieur reste incertain et dangereux avec un risque de contamination de plus en plus grand et important», souligne-t-il.
L’enseignement par groupe, un vrai casse-tête
Revenant sur le fameux système d’enseignement par groupe, adopté par le ministère de l’Education depuis le début de l’année scolaire en cours, Ridha Zahrouni indique que cet outil provoquera une augmentation du nombre de redoublements et d’abandons scolaires, ce qui affectera les résultats scolaires et universitaires des enfants et des étudiants. Cette situation accroît, également, et de manière significative, la pression sur le système éducatif, qui peine à répondre aux besoins des élèves et à assurer la continuité de leurs études, ce qui a d’ores et déjà entraîné une baisse du niveau d’éducation des élèves et des étudiants.
«Le système d’enseignement par groupe fera ressortir une hausse du taux d’absentéisme parmi les élèves et des écarts en matière d’avancement dans les cours. De l’autre côté, tout le monde sera perdant si on n’arrive pas à assurer un apprentissage de qualité à tous nos enfants, capable de sauver cette année scolaire et universitaire particulière, étant donné que cette crise sanitaire liée au Covid-19 a fait subir aux systèmes éducatifs et universitaires un choc sans précédent. Faut-il rappeler que ce système d’enseignement par alternance a bouleversé tout le système éducatif, en créant plus d’inconvénients que d’avantages pour les élèves ? Avec cette méthode, il y aura un changement de comportement et une difficulté à remettre les élèves en situation d’apprentissage, les objectifs risquent de ne pas être toujours atteints d’un groupe à l’autre, les écarts entre les élèves peuvent devenir importants, il existe une difficulté à synchroniser les apprentissages entre les deux groupes…», souligne-t-il.
Il ajoute qu’il faut voir les choses autrement, tout en rappelant que c’est une connaissance qu’on essaie d’injecter d’une manière ou d’une autre à l’heure où nous sommes sûrs et conscients que le débit de l’apprentissage et de l’assimilation n’est pas le même d’un groupe à un autre et d’un élève à un autre. Donc, ce que nous sommes en train de faire, aujourd’hui, n’a rien à voir avec ce que nous faisons d’habitude, c’est beaucoup moins approfondi par rapport à ce que nous faisions auparavant…
Instaurer la justice sociale
M.Zahrouni précise que les répercussions de cette situation sur les élèves sera grave, voire très grave, puisqu’elle va aggraver les inégalités, en empêchant les enfants vulnérables de bénéficier d’une éducation de qualité, ce qui va approfondir la discrimination et l’inégalité des chances entre les enfants.
«Cette crise sanitaire continue de frapper l’enseignement public, qui ne cesse de perdre du terrain face à l’éducation privée. Aujourd’hui, dans les écoles publiques, les enseignants sont encore bloqués et n’arriveront pas à achever le programme même après avoir élaboré un nouveau calendrier scolaire “réaménagé”, qui devrait s’adapter à la situation actuelle. Face à une telle situation, le niveau des élèves va baisser de plus en plus, le nombre des enfants qui fuient l’école va augmenter, l’abandon scolaire va toucher des niveaux historiques… tout cela, faute de clarté sur les règles sanitaires, de contrôle parental, du manque de plus en plus de rigueur dans les établissements scolaires… L’heure est, donc, venue pour instaurer la justice sociale afin d’assurer une école gratuite qui garantit l’égalité des chances et qui doit rester comme elle a toujours été un “ascenseur social”. C’est une priorité et cette crise sanitaire du coronavirus ne doit pas interrompre l’apprentissage parce qu’il faut penser aux générations futures… Ce chemin passe obligatoirement par la réconciliation de l’enfant avec une école citoyenne, l’abandon des méthodes et des pratiques qui poussent à une accumulation des connaissances, lesquelles sont rapidement oubliées, l’élaboration d’un plan de lutte contre le décrochage… et faire de l’école un acteur qui doit fournir les outils de construction d’une société moderne… Sauver l’école publique passe, entre autres, par une réelle volonté politique», explique-t-il.