C’est la première visite d’un Président tunisien en Libye depuis 2012 et la première pour un chef d’Etat après le vote de confiance accordé par l’Assemblée des représentants du peuple libyen au Conseil présidentiel et au gouvernement d’union nationale. Mais c’est surtout une visite à consonance politique, et à très forte charge symbolique d’un renouveau des relations bilatérales entre les deux pays. Elle ouvre une nouvelle page sur un socle commun autour de valeurs nouvelles et partagées. Elle balise la voie à une redynamisation des relations politiques, économiques, sociales et culturelles et prépare le chemin à une revitalisation des activités de l’Union du Maghreb arabe.
C’est dans ce sillage que le Président de la République, Kaïs Saïed, a eu, hier, au Palais Dhiafa, à Tripoli, des entretiens avec le président du Conseil de la présidence libyen, Mohamed Menfi, et le Chef du gouvernement libyen, Abdelhamid Dbeiba.
Les entretiens se sont déroulés en présence des vice-présidents du président du Conseil de la présidence libyen, Moussa Al-Kouni, et Abdallah Al-Lafi, la ministre des Affaires étrangères, Najla Mankouch, et le ministre de l’Economie et du Commerce, Mohamed Houij du côté libyen.
Etaient présents du côté tunisien, le ministre des Affaires étrangères, de la Migration et des Tunisiens à l’étranger, Othman Jerandi, ainsi que des membres du cabinet présidentiel, notamment le conseiller chargé des dossiers économiques.
Des questions importantes
Les prochaines échéances, en particulier au niveau du développement et de l’économie, ont été les axes les plus importants des pourparlers et il a été convenu d’accélérer la tenue des réunions conjointes de la Haute commission mixte en vue de renforcer les mécanismes et le cadre de la coopération bilatérale dans tous les domaines.
Les deux parties ont souligné la nécessité de s’employer à faciliter les procédures de transit et de mouvement des personnes et des biens aux points de passage frontaliers, d’encourager les investissements, d’intensifier le schéma des échanges commerciaux entre les deux pays et de surmonter les difficultés qui entravent le décollage de ces échanges. Il a été question du transport aérien entre les deux pays, soulignant à cet égard l’importance de reprendre au plus tôt les vols vers la Libye.
L’accent a par ailleurs été mis sur «la nécessité pour la Tunisie de continuer de soutenir le processus démocratique libyen vu que la sécurité de la Tunisie relève de celle de la Libye».
Dans une déclaration faite aux médias, le président du Conseil présidentiel libyen, Mohamed Menfi, qui a souhaité la bienvenue au Président Saïed, le priant de transmettre les salutations chaleureuses du peuple libyen au peuple tunisien frère, a affirmé que les relations entre les deux pays sont « tellement forts qu’on a tendance souvent à dire qu’il s’agit d’un seul peuple dans deux pays ». Menfi a rappelé que la relation entre la Libye et la Tunisie est aussi ancienne que le rapport entre Carthage et Cyrène et que les liens entre les deux peuples sont scellés au point que des liens de sang sont confondus avec les traditions.
«Les Libyens n’oublieront jamais l’hospitalité de la Tunisie et sa solidarité en accueillant en 2011 leurs frères libyens et en œuvrant en faveur de la paix et la stabilité en Libye», a-t-il ajouté.
Menfi a, à cet égard, réaffirmé «la particularité de nos rapports et notre communauté de destin et le futur commun». Il a promis de travailler avec Saïed «pour rétablir nos rapports à leurs niveaux habituels sur tous les plans».
Un seul peuple
Pour sa part, le Chef de l’Etat a précisé que «cette visite a été préparée il y a longtemps, mais on a attendu jusqu’à ce que le Conseil présidentiel et le gouvernement aient obtenus le vote de confiance» pour partir du bon pied. Saïed a souhaité que ce vote de confiance soit bénéfique «non pour le peuple libyen uniquement mais aussi pour toute la région».
Il a par ailleurs indiqué qu’il se sent chez lui en Libye. «Je suis venu de Tunis, de mon peuple à mon peuple en Libye pour visiter un territoire qui n’est que le prolongement du territoire de mon pays. Encore une fois, nous sommes un seul peuple et notre histoire regorge de beaucoup d’aspects de cette union», a-t-il encore expliqué. Le Chef de l’Etat est revenu dans son allocution sur les rapports exemplaires entre les deux pays à travers l’histoire, rappelant comment avaient émigré les tunisiens en 1885 après la colonisation française et se sont dispersés dans de nombreuses villes libyennes, puis comment sont arrivés les Libyens en 2011, un siècle après, en Tunisie et qui ont été accueillis à bras ouverts. «Les rapports entre les deux peuples sont enracinés dans l’histoire et ces épisodes n’en sont que quelques-unes des manifestations ou quelques grandes étapes que les historiens peuvent étudier pour démontrer l’intensité de ces rapports», a-t-il souligné.
Convergence de vues
Evoquant les entretiens qu’il a eus avec ses homologues libyens, Saïed a révélé avoir débattu d’un certain nombre de sujets en rapport avec plusieurs domaines, à l’instar de la santé, l’éducation, la circulation des personnes et des biens à travers les points de passage. «Les points de vue ont convergé. Il y a les aspects techniques que nous n’avons pas abordés mais dont les grandes lignes ont été discutées afin de laisser la haute commission qui se réunira dans les semaines à venir d’en examiner le contenu et les détails», a renchéri le Président de la République. Néanmoins, il a admis que «beaucoup de conventions ont été signées par le passé mais qui n’ont pas été appliquées. Nous travaillerons à leur redonner vie et à les développer si elles ne sont plus adaptées à cette nouvelle époque», a promis le Chef de l’Etat.
Autre sujet évoqué : l’affaire Sofiane Chourabi et Nadhir Ktari qui a retenu l’attention du Chef de l’Etat. «Les recherches se poursuivent», a-t-il indiqué, notant que «le procureur général libyen est en charge du dossier et que chaque élément ou preuve qui peut aider à élucider cette affaire, nos frères en Libye vont l’exploiter pour établir la vérité».
Saïed a dans le même registre exhorté les Libyens à pousser les recherches davantage et de ne ménager aucun effort «pour parvenir à la vérité que nous voulons tous atteindre».
La léthargie dans laquelle est plongée l’UMA a aussi focalisé l’attention du Président de la République qui a asséné que «nous œuvrerons ensemble à ce que l’UMA reprenne ses activités en organisant une réunion à l’échelle des ministres des Affaires étrangères ainsi qu’un sommet des chefs d’Etat des pays qui le composent. Je suis sûr que nos peuples se sont rapprochés à travers les réseaux sociaux et interagissent à travers eux et partagent les mêmes idées, visions et rêves, et nous devons être au rendez-vous pour concrétiser leurs rêves». «Nous entamons ensemble une nouvelle ère dans l’histoire en scrutant un avenir meilleur pour les générations futures», a conclu le Chef de l’Etat.