L’économie de rente a toujours existé en Tunisie, mais elle se développe à vue d’œil pour impliquer les petites entreprises qui ne sont pas bien intégrées dans le tissu entrepreneurial. L’Etat leur offre ainsi des marchés et des activités pour assurer leur pérennité et leur permettre de poursuivre leur travail dans un contexte concurrentiel.
L’économie de la rente repose sur la création, la protection et l’exploitation de privilèges, de faveurs ou d’opportunités d’affaires, à l’abri de la concurrence et de l’efficience économique. L’intervention de l’Etat dans ce cas est fort importante pour faciliter aux professionnels l’accès à la rente. Certes, ce privilège n’est pas encore très développé en Tunisie, mais il existe bien dans divers secteurs. Le partenariat établi entre l’Etat et certains professionnels entre bien dans le cadre de la rente. C’est le cas, par exemple, pour le secteur de la formation professionnelle. L’Etat peut offrir à certains établissements privés la possibilité de dispenser des formations dans une zone donnée où ses établissements ne sont pas présents. Les professionnels peuvent alors exploiter ce créneau sans être obligés de subir les affres de la concurrence.
En fait, l’économie de la rente n’oblige pas les professionnels à se soucier outre mesure de la concurrence des autres parties. Ils trouvent le terrain bien balisé pour mener leurs affaires en toute aisance. Dans le cadre de l’essaimage, l’Etat a également donné des possibilités à certaines personnes, qui étaient employées dans des établissements sous sa tutelle, de monter leur propre projet et de prendre une part du marché qui était sous la responsabilité publique. Ainsi, le professionnel peut produire des composants électroniques ou mécaniques avant de les vendre à la société mère et recevoir régulièrement une rente sous forme de paiement d’un marché bien ficelé.
L’Etat peut également conclure des marchés de gré à gré entre un établissement public ou une municipalité et une entreprise privée dans le domaine de la propreté et du nettoyage, à titre d’exemple, en assurant régulièrement le paiement sous forme d’avances. Le but de cette démarche est d’encourager les jeunes à monter leur propre projet et, surtout, à assurer sa viabilité et sa pérennité.
Le monopole de l’Etat fragmenté
L’économie de rente permet de fragmenter le monopole de l’Etat dans certains secteurs, qui était détenu par lui. Dans le cadre du partenariat public-privé, l’économie de rente joue pleinement son rôle. Ainsi, certains projets sont partagés entre les pouvoirs publics et le secteur privé. Certes, ces projets sont fournis sous forme d’appel à candidature, mais l’entreprise retenue a le droit à des avances financières régulières de la part de l’Etat. L’économie de rente est appréciée par plusieurs professionnels, car elle leur procure sécurité, confort et avances régulières en montants financiers. Ils ne sont pas tenus de se préoccuper de la concurrence, dans la mesure où ils travaillent dans un terrain balisé en tant que partenaires de l’Etat. Plusieurs secteurs sont concernés par l’économie de rente, comme l’industrie, l’agriculture, le commerce et même les services.
L’économie de rente ne dispense pas le travailleur ou le chef d’entreprise à faire des efforts pour produire plus et mieux. Le seul avantage qu’il peut se procurer est de ne pas se soucier de la concurrence qui coûte souvent beaucoup à l’entreprise et qui peut même menacer son existence dans le tissu économique. Il s’est avéré, en effet, que plusieurs entreprises ne sont pas assez armées pour résister à la concurrence dans certains secteurs qui connaissent un nombre élevé de concurrents. D’où la nécessité de bien répartir les professionnels dans les divers secteurs d’activités. C’est ainsi qu’une entreprise dans la formation professionnelle, à titre d’exemple, doit être installée dans une zone qui en manque. L’existence de deux entreprises de formation similaires, appliquant les mêmes programmes dans une même zone, peut poser problème.
Les perspectives de l’économie de rente
L’Etat est appelé à mettre en place une stratégie relative à l’économie de rente pour les années à venir afin de bien définir ses besoins dans ce domaine. Dans un contexte économique des plus difficile, il est nécessaire de développer davantage ce domaine, en impliquant les entreprises privées, notamment de petite et moyenne tailles, d’accéder à l’économie de rente, en obtenant des marchés de la part de l’Etat qui leur garantissent de survivre et d’assurer leur pérennité à l’abri d’une concurrence acerbe. En fait, certaines entreprises de grande taille, bien armées, sont en mesure d’accaparer le marché et de ne laisser aucune miette aux petites et moyennes entreprises qui ont besoin d’un coup de pouce de la part de l’Etat pour pouvoir survivre et faire vivre des familles.
Par ailleurs, l’Etat peut consacrer une partie de ses marchés pour les PME, qui auront le droit d’y participer sans présenter d’offres. L’expérience a été tentée par le passé et a donné des résultats probants. Ainsi, des marchés ouverts ont été consacrés aux petites entreprises, qui n’ont pas les moyens de concurrencer les grandes entreprises. Les marchés se sont bien déroulés et les petites entreprises ont pu cohabiter avec les grandes unités, en réalisant des travaux dans de bonnes conditions.
C’est dire que l’économie de rente exige la présence de l’Etat pour organiser les marchés et les secteurs, en accordant aux petites entreprises une part des activités à faire contre paiement régulier d’une rente ou d’une avance sur les travaux effectués. Ces travaux peuvent concerner, à titre d’exemple, le nettoyage des espaces publics, le badigeonnage des enceintes des écoles ou la réalisation de petits travaux, dont ont besoin certains établissements étatiques. Les petites entreprises participantes à ces activités disposent souvent d’un effectif léger qui est payé en fonction des avances fournies par l’Etat.
L’économie de rente a des perspectives prometteuses en Tunisie et peut ouvrir la voie aux jeunes afin qu’ils créent leurs entreprises et s’imposent sur le marché en tant que petits entrepreneurs capables de mener leurs affaires en bénéficiant d’une rente de l’Etat, en contrepartie des activités menées en faveur des établissements publics.