Tous les diplomates qui l’ont connu de près ne tarissent pas d’éloges à son égard. Humble, affable, d’un sourire rassurant, il fut le père, l’ami et le patron pour ceux qui ont travaillé avec lui. Ils le prenaient comme un exemple tant il se distinguait par ses qualités humaines et professionnelles qui ont fait de lui un diplomate hors pair. Mais la maudite Covid-19, pandémie du siècle, ne l’a pas épargné ce mercredi 31 mars. Retour sur un parcours édifiant en guise d’hommage et de témoignages de ses amis proches.
Il fut l’un des premiers jeunes diplomates de la Tunisie bourguibienne à occuper le poste le plus important au Palais de verre des Nations unies à New York. A l’âge d’or de la diplomatie tunisienne, le leader Habib Bourguiba n’a pas hésité, sur conseil de l’ancien ministre des Affaires étrangères dans les années 80, feu Béji Caïd Essebsi, à le nommer à la tête d’une ambassade de l’un des pays les plus importants du Golfe, en l’occurrence Abou Dhabi. La maîtrise en langue et littérature anglaises en poche, il avait côtoyé les ténors de la diplomatie et notamment les professionnels du multilatéralisme pour se forger une riche expérience pratique et occuper plusieurs hauts postes durant sa carrière jalonnée, faut-il le rappeler, de succès.
Tout le prédestinait à une grande carrière diplomatique dont notamment la conduite exemplaire, la capacité de communication, la perspicacité, la culture approfondie, le dévouement et l’humilité, sans compter la prestance et l’élégance qui marquaient les anciens diplomates au temps de Bourguiba, au temps où la politique étrangère était menée par la crème des hommes et au temps ou la devise était « n’est pas diplomate qui veut».
Affable, poli et conciliant
Une grosse perte pour la diplomatie tunisienne, ont commenté plusieurs diplomates qui l’ont côtoyé, tout en mettant en exergue ses qualités humaines et professionnelles. Arborant un sourire confiant, il fut un diplomate de grande carrure. Le secrétaire d’Etat auprès du ministre des Affaires étrangères, Mohamed Ali Nafti, nous a déclaré qu’il a travaillé avec le défunt à Athènes en 2001 et participé avec lui aux travaux de l’Assemblée générale des Nations unies. « C’est un diplomate chevronné qui a marqué toute une époque et laissé son empreinte, une référence en la matière. Une âme imbue de patriotisme. Tous les diplomates se souviendront de son parcours exemplaire et de ses réalisations ».
« La disparition de mon ami, le grand Ali Hachani, constitue une perte considérable pour la famille diplomatique. Lorsqu’il était chef de poste à New York — par deux fois —, à Athènes, à Dakar et à Abou Dhabi, ou à la tête de la Direction générale des organisations et des conférences internationales (Dgoci) au sein du département des Affaires étrangères, il s’acquittait de ses tâches avec professionnalisme, savoir-faire et tact. Là où il a exercé, il a toujours été à la hauteur des missions qui lui ont été confiées. Celles et ceux qui ont travaillé à ses côtés ou sous ses ordres n’en gardent que les meilleurs souvenirs. Ses collègues, bilatéralistes et multilatérialistes réunis, le prenaient comme exemple », témoigne pour La Presse, son ami et ancien secrétaire d’État auprès du ministre des Affaires étrangères, chargé des Affaires européennes, l’ex-diplomate et homme politique Abdelwaheb Jemal.
« Je l’ai connu encore plus près depuis que nous sommes partis à la retraite et depuis que nous sommes ensemble membres du comité directeur de l’Association tunisienne des anciens ambassadeurs et consuls généraux. Nous nous rencontrions également tous les jeudis avec des collègues retraités pour prendre ensemble un café et pour échanger des idées et des réflexions sur le présent et le passé. J’ai toujours trouvé en lui une autorité de haute facture en matière de relations étrangères et internationales, doublée d’un homme affable, aimable, poli et conciliant. Sa belle plume, ses idées pertinentes et ses analyses courageuses faisaient le bonheur de ses collègues et des lecteurs du site de notre association. Sa voix était écoutée par tous, y compris par celles et ceux qui sont aujourd’hui encore en activité dans notre département », ajoute Abdelwaheb Jemal, avant de terminer par cet émouvant adieu : « Excellence, Sid’Ali, tu es certes parti pour un monde meilleur, mais tu resteras dans nos cœurs et dans nos mémoires ad vitam æterna ».
Un diplomate hors pair
« Si Ali était une école de diplomatie, un grand spécialiste de la diplomatie multilatérale. Il avait entamé sa carrière comme conseiller auprès de la Mission permanente de la Tunisie auprès des Nations unis à New York. Il était ambassadeur aux Émirats arabes unies, au Sénégal et par deux fois à New York. Il était bien connu des habitués de l’Assemblée générale des Nations unies, des grandes commissions, tout comme du Conseil de sécurité où se traitaient les affaires du monde », a posté son ami, l’ancien ambassadeur Raouf Chatty. C’était un diplomate hors pair, un grand patriote et un homme d’État. Il a servi son pays et la diplomatie tunisienne durant une cinquantaine d’années. Égal à lui-même, il s’est toujours caractérisé par sa rigueur professionnelle, sa discrétion et son efficacité, ajoute-t-il dans son témoignage.
« Même après sa retraite, il a continué à perpétuer le savoir-faire en matière de diplomatie en exerçant comme professeur auprès de l’Institut diplomatique et comme consultant au sein de l’Institut tunisien des études stratégiques (Ites) relevant de la présidence de la République, et enfin comme haut responsable au sein de l’Association tunisienne des anciens ambassadeurs et consuls généraux. Il a également publié d’importants articles et études sur la diplomatie tunisienne dans des magazines politiques en Tunisie et à l’étranger », souligne encore son ancien compagnon de route Raouf Chatty.
Pour sa part, le représentant permanent adjoint de la Mission permanente de Tunisie auprès des Nations unies, Ali Cherif qui a travaillé auparavant avec feu Ali Hachani, a déclaré à notre journal que ce dernier fut une figure de proue de la diplomatie tunisienne. C’était un fin négociateur doublé d’un homme de dialogue et de compromis. Très connu dans le cercle des instances internationales, il avait présidé la Commission des droits de l’Homme lors du 50e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’Homme. « Je garderai le souvenir de la série de conférences qu’il avait données dans des universités américaines en présence d’éminents penseurs », a-t-il conclu
Un parcours riche et varié
Après des études primaires et secondaires, il décroche son diplôme en anglais (langue et littérature) de l’Université de Tunis en 1968. Il suit ensuite des cours de relations internationales à l’Université Columbia (New York) dans le cadre d’un programme de formation des diplomates (1969-1970). En novembre 1968, il rejoint le ministère des Affaires étrangères de la République tunisienne. Après avoir servi au département de la Coopération internationale, il a été nommé en tant que conseiller à la Mission permanente tunisienne auprès des Nations unies à New York. De retour à Tunis, il a rejoint pendant six mois le cabinet du Premier ministre avant d’être nommé dans divers postes relevant du MAE. A partir du 1er septembre 1985 et jusqu’au 30 septembre 1990, il a été ambassadeur de Tunisie auprès des Emirats arabes unis. Il a ensuite été nommé directeur de la coopération bilatérale et régionale avec les pays arabes, africains et asiatiques au ministère des Affaires étrangères.
De 1992 à 1995, il a été ambassadeur de Tunisie au Sénégal, en Guinée, en Guinée-Bissau, en Gambie et au Cap-Vert. De retour à Tunis en septembre 1995, il fut nommé directeur général pour l’Europe au MAE, puis représentant permanent de notre pays aux Nations unies à New York (1997-2000). Du 1er février 2000 au 31 juillet 2001, il a été ambassadeur de Tunisie en Grèce. Avant sa nomination pour la seconde fois en tant que représentant permanent de Tunisie aux Nations unies (2003,2007), il a été directeur général des organisations internationales et conférences au MAE.
Né en 1946, marié et père de quatre enfants, Ali Hachani est officier de l’Ordre de la République Tunisienne».
Que Dieu le Tout-Puissant lui accorde Son infinie Miséricorde et l’accueille dans Son éternel Paradis.