«Ce nouveau procédé m’a permis d’avoir plus d’interaction avec mon espace public réel et surtout avec mon espace virtuel. La photo que je publie déclenche des réactions (des likes, des smileys et des commentaires…), provoque aussi des attentes… que je satisfais quelque temps après, en publiant une nouvelle œuvre inspirée de la photo originale».
Sorte de Comédie Humaine contemporaine, l’œuvre de Amira Mtimet explore et réinterprète sa vision de la société en relation avec les technologies de communication. Son processus créatif questionne et réinvente le rapport entre la photographie et les signes / icones issus des réseaux sociaux avec l’espace du tableau, comme métaphore de l’écran.
Peintre et céramiste, Amira Mtimet a grandi au Kram dans la banlieue nord de Tunis. Enfant, elle baignait dans l’univers de son défunt père l’artiste peintre Mhamed Mtimet, qui l’initie très tôt à la peinture. Il allait de soi pour elle d’orienter ses études universitaires vers l’art. Elle rejoint, ainsi, l’Institut supérieur des Beaux-Arts de Tunis où elle obtient sa maîtrise en Arts plastiques (spécialité céramique) en 2007 et un mastère en Sciences et Techniques des Arts en 2010. De 2006 à 2011, elle peaufine sa technique en suivant une formation au Centre national de céramique d’art Sidi Kacem Jlizi. Depuis, elle possède son propre atelier de peinture dans lequel elle expérimente et s’essaye à différents styles artistiques.
La jeune femme participe régulièrement à différents événements artistiques, des résidences artistiques ainsi que des expositions collectives dans différentes galeries en Tunisie et à l’étranger. Ces dernières participations en date sont la biennale de l’art 2021 à Gammarth et «A dire d’elles», à la galerie de la Bibliothèque nationale.
Ces dernières années, Amira développe une démarche anthropologisante, en inscrivant son faire directement dans et par rapport aux mouvements, flux et interactions engendrés et vécus par et dans les réseaux sociaux. Elle propose une œuvre à la nouvelle figuration à travers un processus évolutif et interactionnel, avec au centre comme concept fondateur l’écran (comme passage vers, filtre…). Un écran multiple et évolutif, celui de la caméra, l’écran photographique, l’écran de téléphone ou encore celui de la toile, qui à la manière des poupées russes distillent un univers à dimensions variées dans lequel l’artiste redistribue à sa manière les cadres, les angles de vues, les plans, les couleurs et les situations.
Une démarche admirablement illustrée dans une récente série intitulée «Infra-rouge», où elle prend comme base l’image obtenue de la caméra infrarouge. Elle en tire des images à la mélancolie bouleversante, aux cadres serrés, colorées avec des tons alliant jaune, magenta, violet et bleu outremer où évoluent dans l’anonymat des personnages détachés.
«Les profils des personnes, les figures et les stories ont, depuis l’apparition des réseaux sociaux dans ma vie, envahi mon champ visuel. Au début, je ne faisais que subir cette déferlante d’images sur mes écrans (smartphone, ordinateur, tablette) et ma peinture était complètement déconnectée de ce monde virtuel jusqu’au jour où il y a eu un déclic».
Et c’était, comme elle l’explique, une photo d’ombres portées prise dans l’esplanade de la grande mosquée de Kairouan qui a enclenché un nouveau processus pictural avec trois étapes : 1-Photo 2- Publication sur instagram ou Facebook 3-Création d’un travail pictural à partir de la transposition de la photo
«Ce nouveau procédé m’a permis d’avoir plus d’interaction avec mon espace public réel et surtout avec mon espace virtuel. La photo que je publie déclenche des réactions (des likes, des smileys et des commentaires…), provoque aussi des attentes…que je satisfais quelque temps après, en publiant une nouvelle œuvre inspirée de la photo originale (en y intégrant certains symboles et icônes des réseaux sociaux)». Une manière pour elle, comme elle le note, d’interroger l’étude de l’impact des espaces publics réels et virtuels sur son processus créatif. Une manière aussi de faire du consommateur du virtuel, de ce simple spectateur un partenaire. Il ne subit plus les images mais les provoque. Le geste de clic d’habitude anodin prend plus de sens et d’intérêt.
Bonne continuation!