«13, rue Garibaldi» est sa dernière aventure en date. Et le jeu en vaut la chandelle. Car Lassaâd Ben Abdallah aime les défis, aime confronter son expérience au regard de la jeune génération. Ses participations petites ou grandes sont marquantes. Et il sait très bien comment mettre de côté tout son savoir-faire de metteur en scène de théâtre qu’il est pour s’offrir à l’univers du maître d’œuvre. De son personnage exubérant de Khalti Khadhra dans «Bastardo» de Néjib BelKadhi, à Sédig dans «Nouba» et actuellement Mehrez dans «13, rue Garibaldi», l’amour du métier est le maître mot. Entretien.
Encore une aventure pour vous sous la direction d’un jeune metteur en scène, comment vivez-vous cette expérience ?
Je la vis comme un pari et un défi avec des enjeux à plus d’un niveau. D’abord, d’ouvrir, un tant soit peu, notre champ audiovisuel sur la fiction hors Ramadan et commencer à lancer de nouvelles habitudes pour sortir de ce canevas qui nous emprisonne depuis de très longues décennies. Il est, à mon sens, nécessaire que les gens nous suivent et que les annonceurs aussi voient les choses autrement.
Le second défi est d’ordre formel. «13, rue Garibaldi» est une série policière qui fait suite à quelque chose qui s’est passée il y a près de 34 ans : la série «Ibhath Maana». Et moi qui trouvais que nous avons perdu un peu le goût de la série policière, j’avais trouvé mon compte dans ce projet et j’imagine un pan très large du public aussi. Et même si la jeune génération est plus axée sur les séries américaines, la mienne a grandi avec des formats différents, comme la série algérienne «L’inspecteur Tahir», Colombo, Derrick, Hecule Poirot… au niveau de la production tunisienne, et depuis le grand succès de «Ibhath Maana» avec le grand Abdelmajid Lakhal, nous n’avons pas fabriqué depuis longtemps une série basée sur le meurtre, l’enquête et les interrogatoires. Et finalement nous avons aussi travaillé sur une durée inhabituelle à la télé qui est de 50 min sans pub. Tous ces éléments ont fait que je suis parti à fond dans ce projet
Le personnage aussi est un nouveau défi en soi, froid, sans véritablement un état d’âme, mais qui laisse transparaître de l’humain…
Le défi pour moi est énorme déjà en termes de présence qui est importante, une quantité de travail plus importante, puisque je suis présent sur tous les épisodes et c’est aussi un défi mental et physique. Je me sens comédien performeur plus qu’acteur. Les rôles que j’ai eu à jouer ne se ressemblent pas heureusement. Tout dépend du personnage et du metteur en scène. Mais dans cette série-là, c’est un travail d’une autre qualité avec de nouveaux paramètres. D’abord ce sont des gens qui font leur travail dans un commissariat de police, ils n’ont pas de sautes d’humeur, de parabole particulière ou de pic dans leur travail, sauf dans leur vie personnelle. Il y a des touches de vie personnelles chez chaque personnage : le personnage de Nabil (Bilal Slatnia) ou le mien (Mehrez), avec l’arrivée de sa fille, les souvenirs qui remontent à la surface, etc. à partir de là il va y avoir un développement dans le personnage sinon, c’est un mec dans l’exercice de son boulot. Et au fur et à mesure que la série s’installe, il va y avoir des interactions entre eux.
L’image du flic que vous présentez dans cette série est une image différente de ce nous connaissons des séries policières, comment expliquez-vous cette démarche ?
Beaucoup plus dans le discursif sur l’option de l’enquête au niveau du mot beaucoup que sur l’action, ce n’est pas vraiment une série d’action, mais beaucoup plus une enquête, une recherche de l’indice, tout en faisant aussi le pari de faire participer le téléspectateur. L’image, l’éclairage, la froideur de l’univers aident la lecture dans ce sens. Le montage aussi est une écriture qui prend une forme différente à chaque épisode, Amine Chiboub est un metteur en scène intuitif qui n’a pas de recette toute faite pour le montage, on dirait qu’il a suivi la réflexion de Orson Welles «tout se fait au montage».
Vous parlez de «13, rue Garibaldi» avec beaucoup de passion. Il semble répondre à un véritable désir…
Ce travail m’exalte et je me sens vraiment partenaire. J’adore le polar, c’est le genre qui me passionne. Pour moi, c’est comme réaliser un rêve d’enfant. Ce qui m’a vraiment attiré, c’est ce rêve qui se concrétise, le travail minimaliste sur le regard, sur les expressions avec des nuances toutes fines. Les personnages sont assez bien définis, ce qui permet au spectateur de les typer et de les reconnaître de loin. Je suis très content d’avoir fait ce rôle, ça me fait un changement, de me donner au regard d’une autre sensibilité. J’ai la chance de travailler avec des jeunes qui m’aèrent beaucoup et j’oublie que je suis metteur en scène, et je me remets au réalisateur et prends son projet à bras le corps. Amine Chiboub fait partie des metteurs en scène qui ont rompu avec le fossé qui existait entre les comédiens de théâtre et ceux de la fiction, qui n’ont pas eu peur d’affronter les comédiens de la scène et qui ont su poser un regard de créateur sur ces êtres longtemps bannis de l’écran.
Vendredi dernier c’était la fin des 3 premiers épisodes…pour ne revenir qu’après Ramadan.
Nous avons déjà lancé cette mise en bouche avec les 3 premières enquêtes. C’est une forme de teasing sur l’après-Ramadan, avec 9 autres enquêtes déjà en boîte. L’été servira de recul, de réflexion et pourquoi pas pour envisager le lancement d’une deuxième saison.