Les résultats de l’enquête permettront aux décideurs politiques de mieux comprendre la vraie perception des étudiants vis-à-vis de l’écosystème entrepreneurial, d’évaluer l’impact du cursus universitaire actuel sur les carrières professionnelles potentielles des étudiants et de mettre en place des politiques publiques modernes qui se basent sur des données scientifiques documentées.
Afin de comprendre la vraie perception des étudiants vis-à-vis de l’écosystème entrepreneurial, l’association Jeunes Leaders vient d’élaborer une étude intitulée «L’étudiant et l’entrepreneuriat : Résultats d’une enquête réalisée dans 6 gouvernorats dans le centre de la Tunisie». L’enquête a été menée auprès de 398 étudiants répartis dans les 38 établissements universitaires au sein des gouvernorats de Sousse, Monastir, Mahdia, Kairouan, Sidi Bouzid et Kasserine.
Cette étude a été réalisée dans le cadre du programme «Student 4 Change», implémenté par l’association Jeunes Leaders, financé par USA Department of State et mis en place en partenariat avec huit structures d’appui à l’entrepreneuriat et organisations patronales.
L’intention entrepreneuriale
Pas moins de 76% des étudiants sondés comptent créer leur propre entreprise après l’achèvement de leurs études universitaires, contre 18% qui refusent cette idée et 6% qui ne savent pas encore.
Pour ceux qui sont intéressés par l’aventure entrepreneuriale, 39,7% d’entre eux veulent lancer leur propre projet 3 à 5 ans après la fin de leurs études, contre 37,4% qui veulent le faire pendant leurs études universitaires. Pour le reste ; 13,6% des étudiants veulent se lancer dans cette aventure 6 à 10 ans après la fin de leurs études universitaires alors que seulement 9,3% préfèrent une période qui dépasse les 10 ans. Ainsi, pas moins de 90% des étudiants sondés ont l’intention de se lancer dans l’entrepreneuriat à court terme.
Toutefois, uniquement 57% de ces derniers ont eu l’occasion de suivre des enseignements en entrepreneuriat que ce soit à travers les modules de création d’entreprises (42,46%), les modules de management et de gestion d’entreprise (13,32%) ou à travers d’autres modules (1,51%).
Bien que 90% des étudiants sondées, qui ont l’intention de se lancer dans l’entrepreneuriat à court terme, estiment qu’il est nécessaire d’avoir une formation en entrepreneuriat dans leur cursus universitaire, uniquement 35% de ces étudiants ayant suivi des enseignements en entrepreneuriat pensent que ces derniers ont eu un impact important sur leur volonté de créer leurs entreprises.
Concernant les spécialités, l’étude indique que 85% des étudiants issus des écoles d’ingénieurs sont sensibilisés à l’entrepreneuriat, par contre plus des 3/4 des étudiants issus des spécialités (Arts et métiers/Juridique & politique/Lettres, Sciences humaines et sociales…) ne sont pas sensibilisés de l’importance de l’entrepreneuriat.
En ce qui concerne la sensibilisation à l’entrepreneuriat dans leur milieu, 88,73% des étudiants, qui n’ont pas été touchés par des évènements de sensibilisation à l’entrepreneuriat, ne comptent pas monter de projets d’entrepreneuriat. Par contre, 70,17% des étudiants, qui ont participé à des évènements de sensibilisation à la création d’entreprises, perçoivent l’entrepreneuriat comme facile.
Quelles difficultés ?
Les résultats issus de l’enquête indiquent que 86% des étudiants considèrent qu’il est difficile d’entamer l’aventure de l’entrepreneuriat précoce. Cela a été expliqué par l’émergence de trois grands obstacles à l’entrepreneuriat chez les étudiants qui sont le capital de départ (pour 58,5% des sondés), les contraintes administratives de la création d’entreprise (pour 45%) et le manque d’expérience (pour 37,9%). Parmi les autres obstacles, l’enquête cite aussi la crise économique actuelle (pour 26,6%), la connaissance du marché (pour 25,9%), l’accès au crédit bancaire (22,6%), les risques financiers (17,3%), les idées innovantes (10,3%)…
Toutefois, les étudiants qui pensent que l’entrepreneuriat est facile ne considèrent pas ces éléments comme des obstacles : 73% d’entre eux ne considèrent pas le manque d’expérience dans la vie professionnelle comme un obstacle alors que 63% ne considèrent pas les contraintes administratives comme des obstacles.
Pour les étudiants qui préfèrent lancer leurs entreprises pendant leurs études universitaires ou juste après, 97% d’entre eux ne considèrent pas que la crise économique comme un obstacle alors que le risque financier ne représente pas un obstacle pour 75% d’entre eux.
Clés de motivation
Volet inspiration, les motivations majeures pour les étudiants qui veulent s’aventurer dans l’entrepreneuriat sont l’autonomie dans le travail et la prise de décision (pour 55,8% des sondés), gagner beaucoup d’argent (52%), réaliser des rêves (42%), développer leur créativité (40,7%), avoir de la responsabilité (32,9%), avoir un revenu fixe (24,4%), avoir la sécurité de l’emploi (16,8%)…
Concernant le soutien de l’entourage, 79,1% des étudiants pensent qu’ils trouveront l’encouragement de la part de leurs familles au cas où ils envisageraient de se lancer dans l’entrepreneuriat, contre 43,5% pour le soutien des amis et 25,1% pour le soutien des enseignants.
Une autre lueur d’espoir est que 97% des étudiants, qui préfèrent lancer leurs entreprises pendant leurs études universitaires ou juste après, ne considèrent pas que la crise économique liée à la pandémie de la Covid-19 est un obstacle.
S’agissant de l’entourage entrepreneurial, l’étude indique que 71% des étudiants, qui ont l’intention de créer une entreprise, connaissent un entrepreneur dans leur entourage alors qu’uniquement 27,3% d’entre eux ont des amis proches entrepreneurs.
Partir à l’étranger,
toujours une priorité
Concernant la priorité à court terme des étudiants, pas moins de 43% des sondés désirent partir à l’étranger pour travailler ou étudier contre 34,7% qui comptent trouver un emploi salarié, 20,5% qui comptent créer leurs entreprises et seulement 1,8% qui veulent fonder une famille.
Un autre chiffre alarmant est que 46,7% des étudiants (près d’un étudiant sur deux) n’ont jamais été engagés dans la société civile (associations, clubs, organismes syndicaux) à l’université ou en dehors.
Par ailleurs, plus de 76% des répondants déclarent qu’ils ne savent pas rédiger un plan d’affaires et trouvent de grandes difficultés à estimer les risques du projet, alors que 66,80% des sondés rencontrent des problèmes dans la gestion et le management et 64,1% ne connaissent pas les étapes du processus de création d’une entreprise.
Quelles recommandations ?
L’étude estime que si on offre aux étudiants une formation en alternance, une meilleure formation sur les mécanismes de financement et de création d’entreprise ainsi qu’un vis-à-vis administratif unique au sein de l’université qui leur facilite les procédures de création d’entreprise, on peut changer l’attitude des étudiants face à de tels obstacles.
L’enquête a montré aussi qu’il y a une grande défaillance au niveau de la formation en entrepreneuriat au sein des universités. En effet, celle-ci est inexistante ou bien très théorique. Une amélioration de la qualité des enseignements de l’entrepreneuriat au sein des universités ne peut qu’encourager les étudiants à se lancer dans cette voie.
Elle a, également, révélé que la majorité des étudiants connaissent très peu les structures d’appui à l’entrepreneuriat. Ces dernières devraient faire plus d’évènements et d’actions au sein même des universités afin de réduire leur déficit de notoriété.
En guise de conclusion, la société civile, les structures d’appui et l’écosystème entrepreneurial devraient fournir plus d’efforts ensemble afin de réviser les approches de sensibilisation et d’encouragement à l’entrepreneuriat au sein des universités tunisiennes.