Accueil Culture Livres —  « Dans l’œil du Cyclone—14 Janvier 2011 »: Deux hommes en cavale

Livres —  « Dans l’œil du Cyclone—14 Janvier 2011 »: Deux hommes en cavale

« Dans l’œil du cyclone », récit romancé de Khémaïs Gharbi, est un témoignage d’un homme projeté avec son fils au cœur des évènements de l’avenue Bourguiba, le 14 janvier 2011. Le narrateur y raconte une expérience de course-poursuite puis de captivité volontaire dans un immeuble de l’avenue en attente de la levée du jour et du couvre-feu.

« Alors, papa ! Au lieu d’écrire la vie des autres et de rester neutre, viens te joindre à ceux qui veulent « écrire » l’Histoire, celle qui se déroule sous nos yeux ! », ainsi s’exclamait Karim, le fils de l’auteur, musicien et chanteur, venu de Belgique, en compagnie de ses parents, participer aux Journées musicales de Carthage. Son objectif ? Pousser son paternel à quitter son ordinateur et le roman qu’il était en train de rédiger sur la Seconde Guerre mondiale, dans sa ville de cœur, Liège, en Belgique, pour partir sur les traces des évènements révolutionnaires.

Cette ferme injonction du fils lancée le 14 janvier 2011 va convaincre, un peu, beaucoup, malgré lui, le père et le décider à suivre son fils dans une aventure que Khémaïs Gharbi, interprète et enseignant, vivant en Belgique depuis 1965, va consigner dans un « récit romancé », spécifie-t-il, intitulé : « Dans l’œil du cyclone » (Editions Mémoires d’Hommes, Bruxelles, février 2021).

Le livre évoque le film d’une nuit d’épouvante pour l’auteur. Une série de péripéties va se déclencher avec la manifestation du 14 janvier, qui, après avoir été heureuse et pacifiste jusqu’à vers 14h00 de l’après-midi, va déraper. Commence alors pour le père et son fils une course folle à travers une ville sens dessus dessous, en état de guerre, à la recherche d’un abri les protégeant des rafales de gaz lacrymogène lancées par la police contre les protestataires. Les deux hommes ne sont pas seuls dans leur tentative de fuir les tirs des bombes lacrymogène. L’enfer de la peur, ils vont le partager avec des centaines de leurs concitoyens en cavale. Justement, après avoir longtemps tourné en rond pour trouver un refuge, ils tombent sur une tanière dans le sous-sol d’un immeuble sordide situé face au ministère de …l’Intérieur !

Vingt-sept personnes s’y enferment, dont deux indics, qui finiront par alerter leurs collègues sur l’emplacement des fugitifs. Le récit de ce huis clos, un microcosme de la Tunisie, avec ses différentes mouvances politiques et le rêve par paquets de ses jeunes, est palpitant, nerveux, plein de surprises et de rebondissements. Les personnages sont dépeints avec un soupçon d’humanisme, un brin d’humour et beaucoup de tendresse. Parmi les moments forts en émotions de « Dans l’œil du cyclone », où, à l’écoute de l’information sur le départ de Ben Ali en Arabie saoudite avec famille et enfants, Slah Mosbah, compagnon de cette épreuve dans ce même sous-sol, et Karim Gharbi se mettent à entonner l’hymne national à voix basse afin d’éviter de se faire repérer par les patrouilles de policiers.

« Je perçois le bruit des bottes dans la nuit, les tirs sommaires, nos tremblements à leur approche, le souffle coupé quand ils s’arrêtent à notre hauteur, la mort aux trousses, la porte de l’enfer », écrit l’auteur.

Comme Khémaïs et Karim Gharbi, des centaines de personnes ont subi la même épreuve la nuit séparant le 14 du 15 janvier au Centre-Ville de Tunis, lorsque le couvre-feu décrété depuis la veille à partir de 17h00 a empêché les manifestants terrés dans les immeubles de l’avenue Bourguiba, notamment, de rentrer chez eux. Mais aucun jusqu’ici n’a présenté son témoignage. D’où la pertinence de « Dans l’œil du cyclone ».

Dommage de relever toutefois des erreurs historiques dans l’ouvrage, dont une confusion dans la date du dernier discours de l’ex-président, une estimation erronée des décès survenus ce 14 janvier et une appréciation peu équitable du rôle joué par la chaîne Al Jazira pendant ces jours de révolution. La télévision qatarie avait à ce moment-là été parmi les seuls médias à couvrir le soulèvement survenu le 17 décembre à Sidi Bouzid, donnant la parole aux acteurs de la révolte, dont les militants de l’Ugtt, devenus les envoyés spéciaux de la chaîne.

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