La Tunisie se tourne de nouveau vers la Libye et entend renforcer ses relations économiques avec ce pays qui se positionne en tant que porte de l’Afrique. La reconstruction aujourd’hui d’une nouvelle Libye représente une solution considérable aux maux de l’économie tunisienne grâce à une coopération bilatérale plus intense et plus soutenue, dans laquelle le secteur privé doit participer activement et jouer un rôle de catalyseur aux côtés du secteur public.
La proximité géographique, culturelle et linguistique peut constituer un atout majeur dans ce processus. De même, les bonnes relations politiques liant les deux pays depuis longtemps ne feront que jouer en faveur d’une plus grande participation de la Tunisie dans l’activité économique libyenne et vice-versa. Au-delà de cette toile de fond très favorable, les avantages comparatifs des deux pays s’annoncent complémentaires et exemplaires.
Dans une note analytique trimestrielle pour l’Afrique du Nord portant sur la Nouvelle Libye et les opportunités de la Tunisie, des experts précisent que les besoins en investissement de la Libye en 2020 avoisinent les 150 milliards d’euros. « Le nouveau gouvernement libyen a déclaré que son objectif est de diversifier l’économie basée sur la rente pétrolière et encourage les investissements directs étrangers. Plus de 1.000 entreprises tunisiennes étaient déjà présentes en Libye avant la révolution et leur contrats et investissements représentent environ 3,5 milliards de dinars. Ces entreprises comptent retourner pour redémarrer leurs activités et mettre en place de nouvelles structures productives dans le domaine agroalimentaire et celui des matériaux de construction. Afin de faire face aux barrières que rencontrent habituellement les investisseurs tunisiens en Libye, notamment en ce qui concerne le processus de l’octroi des marchés, les lois régissant la création de l’entreprise, le financement et les garanties de transfert bancaire, une association avec des partenaires libyens peut être une alternative en vue de mettre en place des investissements tuniso-libyens ».
Opportunités de coopération
Bien avant la révolution, les échanges économiques entre la Tunisie et la Libye étaient croissants, au point que la Libye était le principal partenaire commercial africain de notre pays. La Tunisie exportait chez son voisin principalement des produits alimentaires, des biens de consommation ainsi que des matériaux de construction et importait du pétrole à tarif préférentiel. Les échanges commerciaux entre la Tunisie et la Libye ont été intenses au cours de la dernière décennie. En effet, près de 1.200 entreprises résidentes en Tunisie produisent exclusivement ou partiellement pour le marché libyen le considérant comme une extension naturelle au marché tunisien. « Les exportations tunisiennes vers la Libye ont atteint 756 Millions de dinars (MDT) à la fin du troisième trimestre de l’année 2011 dépassant ainsi celles enregistrées au cours de la même période de l’année 2010 provoquant un taux de croissance de 1.18% (8.86 MDT) et faisant de la Libye, la première destination des produits tunisiens avec une part d’environ 40% des exportations totales ». Selon la même source, outre l’accroissement des exportations, le conflit en Libye a également métamorphosé les proportions des produits tunisiens exportés au pays voisin. Ces derniers étaient assez diversifiés et essentiellement composés de produits agroalimentaires (25%), de fer et d’acier (9%), de ciment (8%) et d’appareils électriques (6%). Suite à la crise, tous les secteurs ont connu un repli significatif à l’exception des produits agricoles et agroalimentaires et du secteur du cuir et chaussures.
BTP et TIC
Dans les secteurs des TIC et BTP, la Tunisie bénéficie d’un fort potentiel qui lui permettra de réaliser en Libye ou de superviser plusieurs projets par des bureaux d’études, de génie civil et pourrait offrir ses compétences, ses expertises et son expérience dans la réparation et modernisation des installations d’approvisionnement des services utilitaires comme l’électricité, l’eau, etc. Ces secteurs pourraient être porteurs d’un avantage double sur l’investissement et l’emploi. « La Tunisie pourrait mobiliser des compétences et expertises tunisiennes dans la fourniture de l’assistance technique en vue de participer à la restauration des installations détruites par la guerre en Libye et contribuer à la mise en place de nouveaux réseaux plus modernisés et compétitifs » .
La Libye demeure cependant le marché étranger le plus attractif pour de nombreux acteurs économiques tunisiens. Néanmoins, même si le pays retrouve sa stabilité et un climat propice aux affaires, les entreprises tunisiennes devront s’adapter à une concurrence étrangère certainement beaucoup plus rude qu’auparavant. «La prochaine étape de la coopération tuniso-libyenne nécessite en plus d’activer et de revoir les cadres juridiques, projets et programmes existants, ainsi que les accords et protocoles bilatéraux, de renforcer la coopération et les relations de partenariat et d’échanger des expériences et expertises dans plusieurs domaines dont celui de l’agriculture ». Rappelons que le volume des échanges entre la Tunisie et la Libye est passé de 3,5 milliards de dinars en 2010 à moins d’un milliard de dinars actuellement. Les exportations tunisiennes de produits agricoles et alimentaires vers la Libye ont diminué fin avril 2020 de 17,5%, selon les données de l’Observatoire national de l’agriculture (Onagri). La valeur des exportations des produits de la mer vers la Libye a diminué de 3,6 millions de dinars par rapport à l’année 2019 (82,1%) et les légumes de 17,2%, avec une valeur de 1,2 million de dinars. En revanche, les exportations des fruits (agrumes) ont augmenté de 167,5%, soit environ 2,6 millions de dinars, sachant que les fruits, les légumes et les produits de la pêche représentent 6,5% du total des exportations agricoles vers la Libye et que les pêches sont les principaux fruits importés par le marché libyen…En somme, la Tunisie et la Libye forment «un espace complémentaire», qui favorise la multiplication des opportunités d’investissement, d’échange et de partenariat dans les différents secteurs. « La complémentarité des ressources entre la Tunisie et la Libye, à savoir l’abondance et la diversification de la main- d’œuvre tunisienne, leur compétence et l’expertise dans certains domaines d’un côté et la disponibilité des ressources naturelles en Libye, de l’autre côté, en particulier les carburants, fait accroître les avantages d’une coopération plus importante entre les deux pays. La reconstruction pourrait offrir de nouvelles opportunités pour les demandeurs d’emploi aussi bien libyens que tunisiens »