Les relations commerciales et économiques entre la Tunisie et la Libye n’ont jamais été rompues, elles nécessitent, juste, un cadre politique et gouvernemental solide qui permet de résoudre toutes les difficultés et crises qui entravent les relations bilatérales entre les pays.
«Le tempo s’accélère de plus en plus pour de nombreux pays désireux de participer à la bataille économique qui se livre actuellement autour de la reconstruction et du pétrole. Le ballet diplomatique ne cesse de s’amplifier à Tripoli. Mais les danseurs ne partent pas tous sur un pied d’égalité», lit-on sur le site d’actualité économique en Méditerranée «Econostrum». Ce site a consacré une série d’articles intitulée «Vers une nouvelle Libye» et l’un des articles parle des «Perspectives économiques de la Libye».
Une diplomatie internationale active
«La Libye fait partie des trois pays méditerranéens à reconstruire quasiment de fond en comble, avec le Liban et la Syrie», souligne Bernard Valéro, ministre plénipotentiaire honoraire et ex-ambassadeur de France. Pour lui, la Libye est peut-être, aujourd’hui, l’occasion de procéder à un «reset» après dix années de gâchées.
Saïf Al-Islam Kadhafi l’avait prédit, en juillet 2011 : «La Libye est un gigantesque gâteau que les pays étrangers veulent se partager», et d’après ses propos, «les véritables enjeux sont l’argent, l’argent, l’argent et le pétrole (…)». Dix années se sont écoulées depuis, et ses déclarations et ses affirmations demeurent toujours d’actualité. En tout cas, une chose est claire, la prochaine guerre sera une bataille économique.
Toujours selon le site «Econostrum», plusieurs pays sont déjà dans la course vers la Libye. «La course à cette manne implique des nations aussi différentes», et la Tunisie fait, bien évidemment, partie de cette liste qui réunit la France, la Turquie, la Russie et, bien entendu, l’ancien colonisateur : l’Italie. Ils cherchent tous à «s’inscrire sur le carnet de bal de la nouvelle gouvernance et d’y figurer à la meilleure position possible».
Malheureusement, les grandes puissances mondiales qui guettent les belles rentes des hydrocarbures ne partent pas toutes sur un pied d’égalité. «Après sept ans de fermeture, la France vient, lundi 29 mars 2021, de rouvrir son ambassade à Tripoli. Nommée le 10 septembre 2018 ambassadrice extraordinaire et plénipotentiaire auprès de l’Etat de Libye, la Niçoise Béatrice Le Fraper du Hellen a pu enfin s’installer dans la capitale libyenne. Un signal important du souhait de Paris de jouer un rôle actif dans le nouveau chapitre qui semble s’ouvrir en Libye», mentionne le site.
Pour sa part, l’Italie recueille autour d’elle le consensus des experts. Ils confirment tous que seul ce pays semble tenir à une stabilisation et à une unité libyenne durables, à la fois pour des raisons intellectuelles, la conscience coloniale et l’attrait du pétrole. Mais pour y parvenir, l’Italie n’a que des moyens diplomatiques. Ses forces navales restent entièrement mobilisées par la politique migratoire européenne. Ils déclarent «les Italiens en pole position, même s’ils ne font beaucoup parler d’eux».
Le 6 avril 2021, le président du Conseil italien Mario Draghi a choisi Tripoli pour ses débuts sur la scène internationale. Il s’agit de sa première visite à l’étranger alors qu’il vient tout juste d’être nommé à la tête du Conseil italien, alors qu’aucun président n’y avait mis les pieds depuis janvier 2012. Il y était avec le premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis pour la rencontre des nouvelles autorités. «Les évolutions pendant la dernière décennie ont limité nos relations économiques, mais la présence des entrepreneurs grecs en Libye n’a jamais été interrompue. Maintenant que la situation s’est stabilisée, l’intérêt renaît», soulignait le chef du gouvernement grec. Ce dernier ne cache rien sur le sens de sa visite. «Cette nouvelle étape dans nos relations avec la Libye permettra de corriger et d’effacer les erreurs commises durant la phase précédente». Il a même plaidé pour l’éviction dans cette course du concurrent turc. La ratification d’une délimitation des frontières maritimes entre les deux pays, qui fait fi de l’existence de plusieurs îles grecques, dont la Crète, a été à l’origine du conflit. Cette ratification a été controversée et dénoncée par plusieurs pays.
Les chances tunisiennes
Selon certains experts internationaux, le vent souffle dans le bon sens pour la Tunisie qui, d’après leurs analyses, «fait figure de favorite, du fait de ses réseaux et de la capacité qu’elle a eue à réorienter le courant des choses ». Ils rappellent que le voisin tunisien a été, de tout temps, convoité par Mouammar Kadhafi. Pour la petite histoire, en 1974, le Guide a été à deux doigts de réaliser une union entre les deux pays qui aurait pris le nom de «République arabe islamique», avec l’aval de Habib Bourguiba. Bien qu’aujourd’hui, les échanges transfrontaliers s’inscrivent davantage au chapitre de la contrebande, le renouveau libyen pourrait bénéficier demain à la Tunisie.
Au final, les experts internationaux misent sur certains pays et en éliminent d’autres dans cette course vers la conquête du marché libyen. Pour eux, l’Italie pourrait se trouver, aussi, en bonne posture, du fait de son rôle et de son soutien aux infrastructures libyennes (pétrole, hôpitaux…), sans oublier sa participation à la formation et l’entraînement des militaires. Parmi les bons prétendants, il y a également «les Etats-Unis, qui pourraient avoir des opportunités s’ils le souhaitaient, le Qatar, la Chine, l’Allemagne, l’Egypte». Ces mêmes experts s’avouent moins enthousiastes pour la France, la Russie et les Emirats arabes unis. «Dur à dire à ce stade, tout dépendra de ce qu’ils négocieront. Mais, si les choses seront probablement plus difficiles pour eux, ces pays ne seront pas exclus du jeu pour autant».
Savoir s’y prendre
Il ne faut surtout pas oublier que la concurrence sera rude. Les Tunisiens le savent et commencent à s’activer. Début mars dernier, quelques actions ont pris forme avant la réactivation des anciens accords entre les deux pays. Aussi, un forum économique tuniso-libyen s’est tenu à Sfax, en février 2021, avec 200 patrons tunisiens et 100 libyens. Son slogan se veut un message fort : «Le forum de l’espoir et du défi pour construire une économie intégrée». Cette rencontre a été l’occasion pour certains d’évoquer l’établissement d’une zone de libre-échange entre les deux voisins. Les experts présents à ce forum indiquent que la Libye dispose d’un potentiel non pas seulement pour le pays et la population, mais pour toute la région. «Il y a tellement d’argent sur la table qu’avec le retard pris sur les investissements, il y en aura pour tout le monde», affirme l’un d’entre eux. Ils assurent également que trois millions de travailleurs étrangers seront nécessaires pour faire tourner la nouvelle Libye, qui va redevenir un pays de destination pour les étrangers et non plus un passage pour quitter le continent africain.
Une chose est sûre, la Tunisie espère établir un partenariat économique gagnant-gagnant avec son voisin libyen. Les deux pays aspirent à promouvoir les fortes relations économiques et d’investissements déjà existantes. L’essentiel est de prospecter tous les champs de ce partenariat, en identifiant les problèmes rencontrés. Il s’agit de revoir les accords conclus entre les deux pays depuis des décennies afin de débusquer les mécanismes nécessaires pour inciter les investisseurs et booster les échanges qui restent encore limités.
Les relations commerciales et économiques entre la Tunisie et la Libye n’ont jamais été rompues, elles nécessitent, juste, un cadre politique et gouvernemental solide qui permet de résoudre toutes les difficultés et crises qui entravent les relations bilatérales entre les pays.
Quelques analyses proposent de dépasser les erreurs du passé, à savoir la fermeture de l’ambassade tunisienne qui est restée longtemps sans représentant. Ces erreurs ont été fatales aussi bien au niveau des relations bilatérales, mais aussi sur le plan des intérêts des hommes d’affaires tunisiens et libyens. Plus de temps à perdre, il faut s’activer !