Accueil A la une Grève des architectes en pleine pandémie : Quand la fin justifie les moyens…

Grève des architectes en pleine pandémie : Quand la fin justifie les moyens…

Quelques jours après la fin du confinement imposé par l’épidémie du coronavirus, et alors que le pays amorce un retour à une vie plus normale et essaie de maîtriser la situation sanitaire pour éviter des scénarios catastrophes, les mouvements de protestation (manifestations, grèves, sit-in…) se multiplient de nouveau en Tunisie. La dernière en date est la grève ouverte, entamée depuis quelques semaines par l’Ordre des architectes de Tunisie, qui prévoit de hausser le ton, encore une fois, et d’organiser, ce vendredi 21 mai, un mouvement de protestation devant le palais du Gouvernement à La Kasbah. Avec ces rassemblements répétitifs, faut-il craindre une accélération de la propagation du coronavirus ?

On le sait, la Constitution tunisienne garantit le libre exercice du droit de grève, en ajoutant toutefois ‘’dans le cadre des lois qui le règlementent’’. Mais comme on le dit souvent ‘’à situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles’’. Il faut dire que le pays ne vit pas ses heures les plus tranquilles à cause de cette crise sanitaire qui dure depuis plus d’un an maintenant, et qui s’accompagne d’une crise économique, sociale et politique. Mais avec une situation sanitaire qui reste très incertaine, la conscience collective est fortement sollicitée et les citoyens, chacun de son côté, doivent jouer la carte de la prudence pour éviter des scénarios désastreux à l’avenir. Mais malheureusement, la désillusion a fait son effet; un seul jour après la fin du confinement, les agents de Tunisie Télécom ont entamé un mouvement de protestation, les recettes des Finances poursuivent leur grève depuis le 29 avril et le dernier mais non le moindre, la grève d’un mois, entamée par l’Ordre des architectes de Tunisie (OAT) depuis le 3 mai, risque de se transformer en mouvements de protestation si leurs revendications ne sont pas satisfaites. Face à cette situation et en pleine épidémie du covid-19, faut-il accuser les manifestants de créer de nouveaux foyers de contamination (avec notamment le non-respect des mesures sanitaires) ou la fin justifie-t-elle toujours les moyens ?

Demandes légitimes ou non ?

Les motifs de cette grève sont assez variés. L’OAT revendique le lancement d’un dialogue national sur les moyens pour promouvoir le service public, le secteur de la construction et de l’aménagement du territoire et urbain. Il demande aussi de mettre le secteur de l’aménagement du territoire, de la reconstruction et de l’architecture sous la présidence du gouvernement afin d’assurer l’efficacité de la planification territoriale et urbaine et l’amélioration de la vie des citoyens…. D’une manière générale, l’OAT appelle à améliorer la position de l’architecte. Des revendications qui paraissent de bon sens, mais là on se demande pourquoi ceux qui poussent ont choisi un moment au cours duquel l’Etat est affaibli pour appeler à une grève d’un mois, dont les motifs sont certes légitimes, mais qui obligent les vulnérables à se priver de salaire, dans une période particulièrement difficile…

Dans ce contexte particulier, il semblerait aussi pertinent de penser qu’il y a beaucoup d’autres moyens pour accéder aux revendications portées par l’appel à la grève générale et à ce mouvement de protestation, tels que l’organisation d’ateliers de révision du cadre juridique (conditions d’attribution des marchés publics…), le développement d’application de suivi des concours (d’information sur les modalités de participation et de communication des résultats), la réalisation de pétitions…et surtout il va falloir insister sur la réforme de l’enseignement, non seulement pour s’adapter aux évolutions d’un secteur où l’innovation est une des plus dynamiques, mais aussi pour mieux inscrire la culture de la multidisciplinarité et le respect des professions complémentaires, voire souvent partenaires sur les projets.

L’autre point de vue !

Là aussi il faut signaler que cette situation ne plaît pas à tout le monde et n’est pas rassurante pour tous les architectes, dont un bon nombre n’a pas encore dit son dernier mot.

Pour cette catégorie, qui voit les choses d’un autre œil, ce qu’il faut aussi que les jeunes architectes sachent, c’est que ceux qui poussent à la grève font partie de la génération qui a créé et consolidé des pratiques, telles que le népotisme et le favoritisme, ceux qui poussent à la grève craignent aussi une nouvelle génération caractérisée par de nouvelles idées et aspirant à des pratiques professionnelles innovantes (« clés en main», PPP, groupement interprofessionnel, globalisation de l’offre des concepteurs…) alors que la valeur doit se mesurer par les connaissances et les expériences.

Face à cette situation, un nombre d’actions concrètes de moyen terme ont été proposées. Il s’agit tout d’abord d’instaurer une ‘’vraie’’ démocratie interne à travers des débats et des concertations avec des outils digitaux de vote exécutoire, avec un système décentralisé qui émane de la base et non pas une minorité qui décide pour une majorité…Il faut aussi hiérarchiser les thématiques à débattre et les soumettre pour le vote et lancer un programme de restructuration du métier en lien avec les autres nouveaux métiers avec un processus hyper-réglementé avec les prérogatives, missions et actions des uns et des autres. Ces architectes plaident aussi pour la réforme juridique et administrative ‘’sans guerres inutiles et coûteuses’’. Cette réforme devrait se gérer avec un programme de lobbying sur deux ou trois ans dont les grandes lignes doivent émaner des concertations, du travail méthodique et de la persévérance.

Entre-temps, la profession continue de passer par une grande crise qui s’aggrave de jour en jour, elle se divise entre ceux qui soutiennent ces mouvements de protestation et ceux qui les refusent, le bras de fer avec le gouvernement — qui garde toujours le silence — se poursuit…et tout cela pourrait annoncer ‘’un été chaud’’ avec notamment le blocage de la plupart des projets, des marchés et du suivi des travaux de réalisation, le blocage des travaux de maintenance et d’entretien… Just wait and see !

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