Les problèmes liés aux conseils municipaux ne sont plus à démontrer. D’autant plus que l’action municipale, déjà en berne, s’est heurtée à un climat politique si tendu et conflictuel, mais aussi à une déconcentration administrative abusive.
La consultation nationale, lancée en octobre dernier, sur le processus de la décentralisation, trois ans après l’instauration des conseils municipaux dans 350 communes, a révélé tous ses secrets. Mais les résultats obtenus ne sont pas probants. Lors d’une conférence de presse, tenue mercredi à Tunis, le président de la Fédération nationale des communes tunisiennes (Fnct), M. Adnane Bouassida, a, d’ailleurs, brossé un tableau noir, étalant ses quatre vérités. « Plus de 30 conseils municipaux sont dissous, 70 maires ont rendu leur tablier et pas moins de 750 conseillers municipaux ont fini par démissionner. Sans qu’on sache les vraies causes qui étaient derrière », déplore-t-il. Pour qui sonne le glas ? A qui profite une telle instabilité ?
De toute façon, les problèmes liés à ce constat décevant ne sont plus à démontrer. D’autant plus que l’action municipale, déjà en berne, s’est heurtée à un climat politique si tendu et conflictuel, mais aussi à une déconcentration administrative abusive. Entre l’Etat et les élus municipaux, les relations ne sont pas au beau fixe. Pis encore, le gouverneur, cet exécutif dans la région, n’a pas encore digéré ce nouveau processus de décentralisation qui attribue à la commune la gestion autonome des affaires locales et les prérogatives de l’administration libre. « On n’a pas encore saisi que l’ère de l’Etat central, celui qui avait tout chapeauté, a changé. Le modèle de l’économie locale aussi », martèle-t-il. L’homme souhaite voir fonder les constantes d’un Etat citoyen, où chacun puisse trouver son compte. Bref, le pouvoir local, trois ans après les premières élections libres et démocratiques dans l’histoire, s’est mis, aujourd’hui, à rude épreuve. Ce qui fait que le citoyen n’y a plus confiance.
Ce qu’il faut revoir !
Qu’attend-on d’une commune qui a même failli à sa vocation traditionnelle, qu’est la propreté et le transport des déchets ménagers ? Au bout de moult forums de dialogue et cercles de discussions largement engagés avec plus de 320 maires et des milliers des parties prenantes et des citoyens, la Fntc est parvenue à discerner les problématiques et les difficultés posées. Il ressort de cette évaluation à mi-parcours que les rapports communes-administrations étatiques sont mis à mal, au point que ça bloque au niveau de la gestion des affaires locales. « Soit, le code des collectivités locales ne s’harmonise pas avec le cadre législatif régissant l’administration. Cela fait que la déconcentration demeure un problème et non pas une solution», lit-on dans le rapport de ladite consultation. A cela s’ajoute l’absence d’un statut propre aux élus municipaux.
Et M. Bouassida d’enchaîner, évoquant la faiblesse du système financier des communes, ce qui a affecté le principe de l’administration libre, reconnu comme un des piliers du pouvoir local. Et là, le président de la Fntc n’a pas mâché ses mots pour révéler que l’autonomie financière est quasi absente. Comment peut-on gérer la cité avec seulement 3% du budget de l’Etat qui sont alloués aux collectivités locales ? se demande-t-il. Pire, les communes nouvellement créées continuent, elles, à souffrir dans leur chair. « Beaucoup parmi elles n’ont même pas un local, ni un personnel. Et encore moins des équipements et engins nécessaires au transport des ordures», s’indigne-t-il. Avoir des fonds supplémentaires locaux relève d’un casse-tête chinois. Or, il existe bien des ressources d’appoint qui sont de nature à renflouer les caisses des communes. Ce qui n’est pas le cas. Mme Monia Ajjel, membre du bureau de la Fntc a dressé un état de compte en deçà des attentes : «Taxes fiscales et non fiscales font défaut». C’est que le citoyen contribuable manque à ce devoir communal et persiste à ne pas payer ses impôts locaux. De même, les entreprises qui profitent des services des communes ne font pas preuve de leur responsabilité sociétale. Aucun dividende n’a été octroyé, en guise de contribution au développement local. A Kasserine ou au bassin minier, ce constat demeure bien réel.
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Son collègue Lazhar Gabsi est revenu sur les relations tendues entre les communes et le reste des services et départements relevant de l’Etat central. Encore une fois, le rapport décentralisation-déconcentration pose problème. Trois ans durant, témoigne-t-il, les conseils municipaux étaient loin d’être stables et cohérents. Leur dissolution en si peu de temps étant la règle. Cela est dû, à ses dires, à loi électorale elle-même, la composition hybride des conseils et les différends partisans qui en découlaient. La mauvaise gouvernance avait aussi ajouté au blocage de la situation. « Se passer du corps de la police municipale, auquel a été confiée la mission d’exécution et de sanction, est une faute grossière », déplore-t-il. C’est pourquoi on voit plus souvent les ordres communaux restés lettre morte. « Quant à la police de l’environnement, elle n’a pas su dûment jouer son rôle, d’autant plus qu’il n’y a pas encore une loi l’organisant », a-t-il fait savoir, appelant à ce que plusieurs lois, aussi caduques soient-elles, soient complètement révisées.
Pour ce faire, la consultation nationale sur la décentralisation a débouché sur une série de recommandations, lesquelles ont été proposées au cours des forums de dialogue à travers les régions. Somme toute, il s’agit de réviser la loi électorale et le mode de scrutin qu’elle stipule, revoir le cadre juridique et législatif régissant les collectivités locales, notamment le code y afférent, créer un statut pour les maires des communes, déterminer les relations entre les élus et l’administration municipale et faire en sorte de réviser le règlement communal et établir un code de conduite organisant les relations professionnelles.