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Journée internationale des casques bleus de l’ONU : Les premiers Tunisiens dans les missions de maintien de la paix dans le monde (2e partie)

Par le Colonel (r) Boubaker  BENKRAIEM *

Les opérations de maintien de la paix des Nations unies sont nées à une époque où les rivalités de la guerre froide entraînaient souvent une paralysie du Conseil de sécurité. Elles ont commencé en 1948 lorsque le Conseil de sécurité a autorisé le déploiement d’observateurs militaires au Moyen-Orient. L’objectif de l’ONU était avant tout de maintenir les cessez-le-feu et de stabiliser les situations sur le terrain en assurant un appui crucial aux efforts politiques de règlement des conflits par des moyens pacifiques. Au lendemain de l’indépendance, la Tunisie a vite rallié ces efforts de paix en envoyant le premier contingent au Congo en 1960.  Des soldats tunisiens sont tombés lors de ces missions. Elle participe actuellement à des missions onusiennes au Congo, en République centrafricaine, au Soudan et au Soudan du Sud avec plus de 200 experts militaires et sécuritaires. Le Colonel Boubaker Ben Kraiem revient sur les débuts.

Avec les chefs de tribu

Nous passions des heures et des heures à palabrer avec les chefs de tribu, à leur expliquer qu’il n’y a aucune différence entre un Lulua, un Baluba, un Batshok ou un Botendé. Nous leur rappelions que les quatre tribus sont des Congolais à part entière, avec les mêmes droits et les mêmes devoirs et que leurs tribus forment ensemble cette belle province du Kassai avec un même peuple condamné à vivre ensemble en toute sécurité et en bonne intelligence.

Il n’était pas facile de convaincre des chefs de tribu qui, ayant eu des dizaines  d’hommes tués dans ces combats fratricides et inutiles, ne pensaient qu’à prendre leur revanche et rendre coup pour coup.

Nous avions trouvé, au début de notre mission, beaucoup de difficultés à obtenir des résultats positifs. Il nous est même arrivé d’intervenir, en faisant démonstration de notre force, pour séparer les belligérants et nous profitions à chaque fois de pareilles opérations pour confisquer et récupérer l’armement utilisé dont certaines armes modernes qui étaient volées ainsi que des explosifs subtilisés des mines avec lesquels ils essayaient de fabriquer des bombes artisanales. Pareils incidents entre les tribus laissaient parfois des centaines de morts qu’il fallait tout de suite enterrer dans des fosses communes pour éviter les épidémies.

Nos officiers et nos sous-officiers ont brillé par leur intelligence et leur savoir-faire : ils ont pu, en très peu de temps, nouer d’excellentes relations avec la population.

Notre appartenance à l’Afrique était pour nous un facteur positif et un argument déterminant qui nous a beaucoup rapprochés de la population locale. Celle-ci, sensible à notre discours sincère et à notre franche volonté de l’aider, nous a écoutés et nous a appréciés. Cela a beaucoup facilité notre tâche.

Certains officiers se sont fort bien investis dans cette mission de pacification, et l’exemple de feu le Colonel (Lt à cette époque) Hamida Ferchichi, qui en est la meilleure illustration: il a réussi très vite à apprendre la langue la plus parlée de la province, le tshiluba, lui permettant ainsi de se passer des services d’un interprète dans le but d’être en communion directe avec la population. Il a été très efficace et a obtenu, en très peu de temps, des résultats dignes d’éloge. Trois mois ont suffi à la brigade pour ramener la paix et la sécurité à la province et le «Prince du Kassai», le Colonel Lasmar, déclara Luluabourg, ville ouverte, c’est-à-dire ville pacifiée. Les Congolais (autorités et population) ont compris que nous n’étions là que pour les aider à s’administrer, à gérer leurs propres affaires et à se gouverner eux-mêmes.

La population a recommencé aussitôt à s’adonner à ses occupations normales; la police et la gendarmerie à reprendre du service et les bourgmestres (maires) à s’occuper de la gestion de leur ville.

Nous avons déploré la perte de quelques hommes dont le sergent-chef Belkhairia qui a été porté disparu.

Le commandement des Forces de l’ONU a été surpris par la rapidité avec laquelle nous avions accompli la mission qui nous a été confiée avec des résultats aussi flatteurs et surtout en pacifiant, très rapidement, cette province, du reste beaucoup plus vaste que notre pays. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles,devant les problèmes de sécurité qui commençaient à devenir sérieux dans la capitale du Congo, Léopoldville, il décida en octobre 1960 de permuter la Brigade tunisienne avec la Brigade ghanéenne pour lui confier la mission du maintien de l’ordre et de la sécurité dans cette capitale de plusieurs millions d’habitants. Il voulait en même temps éloigner la Brigade ghanéenne de Léopoldville pour l’empêcher de s’impliquer davantage dansles affaires congolo-congolaises, le Ghana ayant, dès le départ, pris fait et cause pour le Premier ministre Patrice Lumumba.

Quelle anecdote gardions-nous de notre séjour au Kassai ?

Cette fameuse boutade de feu le Commandant Charchad, commandant le 9e Btn qui, après de longs moments de discussions et de palabres avec des soldats congolais qui tenaient un barrage et qui empêchaient le passage de la colonne, arrêta net la discussion et leur lança: «Maintenant, je vais me taire et les mitrailleuses vont parler !» et ajoutant l’acte à la parole, il traversa à pied le barrage et toute la colonne de véhicules le suivit, les Congolais éloignant aussitôt les obstacles du barrage pour laisser le passage.

Cette mésaventure de notre camarade le Lt Kamel Ben Baderqui, parti en mission de Luluabourg à Port Franqui pour y amener deux officiers, a reçu l’ordre de rentrer rapidement. N’ayant pas pris d’escorte avec lui, il quitta Port Franqui en fin d’après-midi et il devait faire, dans la brousse, près de quatre-vingts kilomètres de pistes, les routes asphaltées n’existant pas à ce moment-là.

Comme il ne pouvait pas faire de la vitesse, étant donné l’état de la piste et la nuit tombée, il trouva, à un certain moment, la route barrée par un tronc d’arbre. Descendu pour le dégager, il a été aussitôt encerclé par des villageois qui l’ont ceinturé, l’ont délesté de son pistolet et l’amenèrent au chef du village qui enferma le salaud de blanc. Personne ne parlant français, il lui était difficile de s’explique avec ce chef local. C’est seulement après plus de deux heures de détention qu’une jeune congolaise, connaissant quelques mots de français, a bien essayé de faire l’interprète auprès du chef du village qui le libéra aussitôt et lui rendit son arme. Notre camarade Ben Bader l’a échappé belle !

La Brigade tunisienne qui a été relevé par la Brigade Ghanéenne commença son mouvement vers le 12 octobre sur des bateaux et des péniches en utilisant les cours d’eau et essentiellement le grand fleuve Congo. Le voyage durera une semaine et l’arrivée à Léo eut lieu le 19 octobre. Son déploiement dans la capitale congolaise qui a débuté le 20 octobre se poursuivra pendant quelques jours encore.

Le commandement militaire de l’ONUC de la place de Léopoldville est passé sous l’autorité effective de la Brigade tunisienne à compter du 11 novembre 1960 à 12 heures.

Quant à la nouvelle mission de notre Brigade, elle s’annonçait complexe car la situation dans la capitale congolaise était assez particulière. En effet, une atmosphère changeante et équivoque régnait dans la ville de Léo. Presque chaque jour, étaient signalés des troubles ou manifestations dans la cité autochtone, à l’aérodrome et souvent même dans la ville européenne. Des attentats ont été commis et les arrestations continuaient. Les troupes de l’Armée nationale congolaise, fortement armées, faisaient des patrouilles en ville en jeeps, ou sur des auto-blindées. La gendarmerie et la police installaient des barrages sur les routes et arrêtaient les véhicules en vue de la vérification des pièces d’identité. La situation était donc tendue. Il était certain que notre mission ne serait pas de tout repos.

Le commandant de la Brigade tunisienne fit paraître, le 22 novembre 1960, son ordre d’opération n° II par lequel il informa ses subordonnés de la situation générale qui prévaut dans la capitale, du renforcement de la Brigade par le régiment soudanais implanté sur place, de la mission et du secteur de responsabilité de chacun des bataillons.

Etant donné l’immensité du pays et du fait du manque de réseau routier couvrant tout le territoire, il était essentiel et capital que l’ONUC disposât de l’infrastructure de transport nécessaire au ravitaillement logistique de ses troupes. Celui-ci ne pouvait être qu’aérien. C’est la raison pour laquelle tous les aérodromes ont été aussitôt occupés par les Forces des Nations unies.

La Brigade assurait son installation, à Léopoldville, en même temps qu’elle remplissait sa mission, délicate, de maintien de l’ordre et de la sécurité dans cette grande métropole ceinturée par des cités autochtones où vivent des centaines de milliers de Congolais dont une grande majorité avait fui la brousse pour s’installer auprès de la «civilisation ! de la richesse ! et de l’indépendance !»

Bien que la ville européenne soit relativement calme, les cités indigènes, surchauffées par les leaders politiques qui pullulaient, étaient en ébullition permanente: cette situation était souvent provoquée par les rumeurs de toutes sortes qui circulaient bien et par l’excès d’alcool, rendant l’ambiance explosive à tout moment.

Les hommes politiques au Congo où se manifestaient ouvertement des dizaines de partis plus ou moins représentatifs ne facilitaient pas notre mission. Leur alliance d’aujourd’hui sera défaite le lendemain pour se reconstituer le surlendemain. L’ANC, voulant aussi imposer ses points de vue et s’impliquer dans la vie politique du pays en vue de se positionner comme arbitre, jetait de l’huile sur le feu.

Cette situation atteignit son paroxysme lorsqu’en fin novembre 1960, un groupe de militaires de l’ANC encercla, avec des troupes appuyées par deux automitrailleuses, la résidence de l’ambassadeur du Ghana, celui-ci venant d’être déclaré persona non grata.

Les militaires congolais s’étaient présentés chez lui pour l’arrêter et, d’après eux, dans le but de l’expulser. Bénéficiant de l’immunité diplomatique, sa résidence était mise sous la protection des Forces de l’ONUC comme certaines autres ambassades. Un détachement tunisien assurait sa garde.

Devant l’insistance des éléments de l’ANC qui voulaient arrêter l’ambassadeur coûte que coûte, et après de longues heures de palabres, et suite au refus du détachement tunisien de leur laisser la voie libre, les Congolais ont ouvert le feu sur nos éléments.

Ce fut une longue fusillade sur nos troupes qui, usant du droit de légitime défense, ont riposté énergiquement. C’est l’incident le plus grave et le plus sérieux auquel les Forces de l’ONUC en général et les troupes tunisiennes en particulier ont eu à faire face au cours des six mois de présence dans ce pays. Cet incident malheureux sera tendancieusement exploité par les partis politiques anti-ONU. Il a fallu à la Brigade tunisienne, après les pertes subies par les Congolais (plusieurs morts et blessés dont le Colonel Nkokolo, le responsable militaire de Léopoldville qui a été tué), et un mort et sept blessés dans nos rangs (dont le Lieutenant Mahmoud Gannouni qui reçut plusieurs balles à l’estomac, ce qui a nécessité son évacuation sur la Tunisie dès que son état de santé l’eut permis), beaucoup de diplomatie, du sang-froid et assez de retenue pour calmer le jeu et gagner de nouveau la confiance de la population congolaise qui vivait dans une ambiance surchauffée.

Dans ses souvenirs rapportés dans son fameux livre Soldat de la Paix, le Commandant en Chef des Forces de l’ONUC, le Général Carl Von Horn, relate ce fâcheux incident comme suit:

* Un coup de téléphone du colonel Lasmar me rappela brusquement à la réalité. Le «Prince du Kassai» désirait savoir s’il ne perdait pas son temps à monter la garde autour de la résidence de l’ambassadeur ghanéen, M. Andrew Djin (ce qui, disait-il, constituait une menace positive pour ce qui restait de nos relations avec le régime de Mobutu). Nous savions tous le rôle de Djin en tant qu’éminence grise de Lumumba et en le déclarant récemment persona non grata, en même temps que M. Nathaniel Welbek, représentant personnel de Nkrumah, Mobutu ne nous avait causé aucune surprise. Mais je n’avais pas reçu d’instructions pour faire relever la garde autour de l’ambassade ghanéenne. Peut-être parce que j’avais l’esprit un peu brumeux — les médecins m’avaient donné une forte dose de sédatifs avant de partir — je pensai que le Royal (siège du représentant de l’ONUC) pouvait avoir changé ses ordres à la dernière minute et répondis à Lasmar que j’allais téléphoner pour m’en informer. Mais rien n’avait changé. Nos relations diplomatiques avec l’ambassade ghanéenne restaient entières, me répondit-on, et nous avions l’obligation de la garder. Je communiquai cette information à Lasmar et lui dis que, quelles que fussent ses opinions personnelles au sujet des activités de l’ambassadeur et de son personnel, nous devions veiller à ce qu’aucune faute de notre part n’amenât une rupture des relations officielles entre Accra et Léopoldville.

Je perçus le grognement de mécontentement de Lasmar mais je savais pouvoir compter sur ses Tunisiens pour exécuter mes ordres à la lettre. Je ne me doutais pas qu’ils allaient le faire jusqu’à la mort. Je n’appris pas, non plus, qu’on avait signalé, le matin même, un fait d’apparence sinistre : des crocodiles avaient été vus — en un point où ils ne paraissaient pas — dans le Congo, à peu de distance de l’ambassade ghanéenne. Au matin, je me trouvai devant une journée difficile, voire embarrassante. Le colonel Nkokolo, chef de l’ANC à Léopoldville, était mort. J’appris alors les évènements de la veille. Au coucher du soleil, les Tunisiens (qui sentaient quelque chose d’inhabituel dans l’air) avaient ouvert le feu sur un serpent, aperçu dans les jardins de l’ambassade. Il leur fallut, semblait-il, tirer longtemps; et ils n’avaient pas fini quand deux envoyés de Mobutu se présentèrent et demandèrent à parler à l’ambassadeur qu’ils venaient sommer de quitter le pays dans le plus bref délai. Les Tunisiens refusèrent de les laisser entrer; les envoyés menacèrent d’employer la force et la discussion s’éternisait quand les hommes de l’ANC ouvrirent le feu de buissons voisins. Une ruée sur l’ambassade s’ensuivit que les Tunisiens purent facilement repousser. Dès lors, la fusillade se poursuivit en dépit des efforts faits par des officiers des Nations unies pour ramener le calme. Bientôt, les soldats congolais essayèrent de s’installer dans l’hôpital principal de l’O.N.U.C. qui dominait l’ambassade. Ayant échoué, ils retournèrent combattre dans les jardins. Au matin seulement, pris de panique, ils refluèrent vers le  fleuve d’où ils ressortirent aussitôt, en bien mauvais état, devant  l’attaque des crocodiles.*

Malgré les consignes données, plusieurs membres des Nations unies, faisant preuve de nonchalance et de négligence, continuaient à s’aventurer dans les secteurs dont le commandement a déconseillé l’approche et qu’il a qualifiés de dangereux et de non sûrs, et essentiellement dans les cités indigènes et des voisinages immédiats des camps de l’ANC. Ils s’y rendaient pour différentes raisons et ils ont été l’objet de surprises désagréables et souvent pénibles. Certains ont été battus, d’autres ont été maltraités et emprisonnés et les plus chanceux ont été délestés de leur argent et de leurs biens. Ceux des membres des Nations unies arrêtés suite à ces nombreux incidents ne furent relâchés qu’à la suite de pénibles démarches et d’énergiques interventions de la part des dirigeants de l’ONUC auprès des responsables congolais.

De fâcheux incidents

Le Général Commandant en Chef Carl Van Horn, qui a gardé le commandement de l’Organisation de contrôle de la trêve en Palestine installé à Jérusalem et qui, du fait de son expérience, était venu au Congo faire démarrer cette nouvelle mission des Casques bleus, a été, sur sa demande, remplacé à la mi-décembre 1960 par le Lt Général Irlandais Sean Mac Eoin. Celui-ci trouva, à son arrivée, une situation assez explosive et les rapports avec la population et les autorités congolaises étaient tellement inquiétants, surtout à Léopoldville, qu’il adressa le 15 mars 1961, aux troupes des Nations-Unies, le message suivant:

« Je vous adresse ce message en raison des incidents qui se sont récemment produits en certaines localités et qui ont nui aux bons rapports qui existaient entre l’ANC et les troupes des Nations unies. Je déplore profondément ces incidents, comme je déplore la part de responsabilité qui peut en revenir à nos propres troupes. Je considère ces évènements comme extrêmement regrettables et j’estime que nous devons maintenant faire un effort particulier en vue d’améliorer les rapports que nous entretenons avec la population civile et l’armée. Nous sommes au Congo pour y aider, par tous les moyens en notre pouvoir, les autorités congolaises, l’ANC et la population civile à maintenir la paix jusqu’au moment où elles auront trouvé la solution de leurs problèmes. Telle a toujours été notre tâche. Elle demeure la même. Notre mission consiste avant tout à apporter ici une aide. Nous ne pourrons nous en acquitter que si nous faisons un effort pour aller vers les habitants du pays, pour les connaître et les comprendre, ainsi que les difficultés qui les assaillent. Nous avons par conséquent le devoir de nous efforcer de les connaître et de nous familiariser avec leurs problèmes, de vivre avec eux en contact aussi étroit et en aussi bonne intelligence que possible. Si nous comprenons bien cela, la tâche de coopération et d’aide, dont j’ai parlé plus haut, deviendra parfaitement simple.       

Tout incident de l’ordre de ceux dont j’ai parlé, tout malentendu, retardent le jour de l’achèvement de notre tâche, et, ce qui est plus grave encore, celui où l’entente règnera enfin au Congo. Des remarques qui précèdent, il vous sera facile de conclure que la responsabilité que nous assumons est peut-être la plus lourde qu’il soit aujourd’hui donné à des hommes de porter où que ce soit dans le monde. Il nous faut prendre pleinement conscience de l’importance de notre tâche. Si nous n’y parvenons pas, nous serons incapables de nous acquitter, dans l’esprit voulu, du mandat qui nous a été confié.       

Je suis persuadé qu’il suffira de ce rappel de la mission qui est ici la nôtre pour qu’une amélioration générale se manifeste de façon immédiate dans les rapports que nous entretenons avec la population du pays tout entier. Je dois d’ailleurs ajouter que presque partout dans le pays, nos rapports ont été et demeurent excellents, et je voudrais dire à tous les officiers, sous-officiers et hommes de troupe toute ma gratitude pour l’excellent travail qu’ils ont accompli.     

Je dois cependant ajouter que nous ne pouvons nous permettre, pas même un seul instant, de relâcher notre effort. J’ai la certitude que, par leur bon exemple, leur discipline et leur bonne volonté, nos unités sauront s’acquitter pleinement de la tâche que nous devons accomplir ici. Bonne chance à chacun d’entre vous, Dieu vous bénisse». Lt Général Sean Mac Eoin

Afin de mettre un terme à ces fâcheux incidents qui ne contribuaient qu’à compliquer davantage une situation qui n’était déjà que trop confuse, le Commandement de la Brigade avait décidé de décréter, par l’Instruction Opérationnelle N°1 en date du 25 mars 1961, certains secteurs de la Ville de Léopoldville «zones sûres», «zones non sûres» et «zones dangereuses». Outre les quartiers et les cités indigènes qui étaient déclarés «zones non sûres», certains quartiers résidentiels et des cités européennes l’ont été aussi en raison soit de leur éloignement, soit de leur voisinage avec les camps de l’ANC ou des cités indigènes.

Tous les personnels de toutes les nationalités, civils et militaires, travaillant sous l’égide des Nations unies au Congo, sous quelque forme que ce soit, ont été avisés de cette note.      

Il y a lieu de préciser qu’en plus des missions opérationnelles, l’ONU employait plusieurs contingents dans les tâches administratives, logistiques, de communications, de santé et  de police militaire et on trouvait des contingents suédois, canadiens, pakistanais, indiens, norvégiens, malaisiens, indonésiens, libériens, irlandais, éthiopiens, égyptiens, marocains, maliens (sénégalais et soudanais), nigériens et des Ghanéens entre autres et Tunisiens bien sûr.

Des instructions claires et des consignes précises ont été données, par le Commandant de la Brigade tunisienne pour mettre tous les personnels devant leur responsabilité car la vigilance était de rigueur.

Les incidents se multiplièrent et les accrochages, plus ou moins graves, étaient de plus en plus nombreux.

C’est dans cette ambiance de méfiance, d’incertitude et de crainte des uns par rapport aux autres qu’au mois de janvier 1961 et alors que les officiers tunisiens se trouvaient au cercle mess de Binza en train de déjeuner que notre camarade le Lieutenant Khelifa Dimassi, officier des transmissions du 9e Bataillon, a reçu une communication de l’une de nos unités implantées en dehors de la ville de Léopoldville, à l’Université de Luvanium. Il a été avisé que le poste radio de l’unité était en panne et qu’elle ne pouvait, par conséquent, communiquer avec le poste de commandement.

Dans le souci de ne pas laisser nos hommes sans moyen de liaison, il termina rapidement son repas et, sans avoir pris d’escorte ni de chauffeur, prit sa jeep et fonça aussitôt vers cette unité.  En quittant la ville de Léopoldville, on est tout de suite plongé dans la brousse avec sa forêt très dense et sa végétation luxuriante.

Quelques kilomètres plus loin, il tomba dans une embuscade tendue, d’après des informations non confirmées, par des militaires de l’ANC (Armée nationale congolaise) qui l’auraient arrêté et l’auraient emmené avec eux. Nous n’avons jamais eu de ses nouvelles.

B.B.

(*) Ancien Sous-Chef d’Etat- Major de l’Armée de Terre, Ancien Gouverneur, Ancien Casque bleu au Congo et au Katanga.

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