En Tunisie si vous êtes jeune et que vous avez des ambitions et parvenez à faire bouger les lignes de l’ordre établi, vous courez droit vers la prison. Il n’est pas permis dans ce pays de donner forme à ses rêves. En effet, l’information qui a circulé sur l’arrestation d’un jeune Tunisien épinglé pour avoir disposé d’un portefeuille de la monnaie numérique Bitcoin sur son smartphone illustre parfaitement que nous sommes en déphasage avec les mutations technologiques et économiques qui s’opèrent dans le monde. Et il semble qu’on a fait le choix bête et délibéré de rester à la traîne des pays au lieu de saisir au vol les opportunités offertes par la révolution technologique.
En effet, à l’heure où nous continuons de traquer les jeunes qui se sont lancés dans l’univers des cryptomonnaies pour se tracer un nouveau chemin vers le travail, une grande bataille se déroule entre des entités géostratégiques pour imposer ces monnaies sur les places financières. Ainsi, le Venezuela s’est déjà doté, en 2018, d’une cryptomonnaie de banque centrale — le petro — et Facebook lance Labra. C’est que les États, au lieu de combattre les monnaies numériques, comme c’est le cas en Tunisie, se sont lancés dans la course de l’émission d’une propre monnaie digitale basée sur le principe de la technologie du blockchaine. Mieux encore, on multiplie partout les initiatives en matière de monnaies numériques de banques centrales (Central Bank Digital Currency – CBDC). Au grand dam des Tunisiens, le vide législatif fait en sorte qu’on ne peut utiliser en Tunisie la cryptomonnaie, sans courir des poursuites judiciaires. Pourtant, la BCT envisage le lancement d’une monnaie numérique. Que voulez-vous ? C’est hallucinant, mais c’est vrai. L’utilisation de la cryptomonnaie est sanctionnée par la loi, qui ne parle pas de monnaie digitale mais qui, par la force de l’interprétation, associe cette monnaie à deux délits, à savoir l’infraction au Code de change sur les devises étrangères et le blanchiment d’argent. Le pire c’est que les nouveaux analphabètes de l’ubérisation économique continuent à jeter nos fils en prison et à briser leurs rêves.