Il est parti rejoindre le ciel comme un pâtre des étoiles. Mais on se souviendra de lui tant que son village, KEN, qu’il avait imaginé, dessiné et conçu, sera encore un témoin debout de son combat qu’il a mené durant plus de trente ans avec son âme sœur, Noura. C’est de Slah Smaoui qu’il s’agit. Cet agitateur culturel et pionnier du tourisme culturel en Tunisie, qui a sacrifié les plus belles années de sa jeunesse à combattre la laideur par l’esthétique. Il a transformé un village non reconnu par la tutelle touristique comme une résidence aux normes classiques, ni retenu par la tutelle culturelle en tant qu’espace artistique et refuge pour les amateurs de la nature et de la culture. Les prédateurs financiers l’ont traqué et menacé de l’expulser des lieux à plusieurs reprises. Mais il a défendu son projet jusqu’au bout et leur a tenu tête, engageant même une grève de la faim alors que son état de santé s’était fortement détérioré. Cet homme qu’on pleure aujourd’hui est entré dans la postérité. Son œuvre dont le visiteur pourra se réjouir comme une fresque ou un chef-d’œuvre, un tableau inachevé où les personnages et les fonds s’accordent harmonieusement, grâce à ses divers compartiments et ateliers consacrés aux métiers de l’artisanat, dont la fabrication du tapis, de la soie, de la céramique, outre un atelier de meubles traditionnels (chambres à coucher, salons et autres…), est un havre de paix où le granit bleu et l’ardoise se marient si bien avec le ciel bleu armoricain et la religiosité tranquille des habitants des villages ancestraux. Outre les constructions bioclimatiques, la nature, judicieusement remise à l’honneur, a mis à la disposition des éléments permettant d’élever des bâtiments bioclimatiques qui se trouvent aussi bien à leur place. Construire des maisons qui soient comme la naturelle floraison d’une contrée, voilà le but qu’il voulait atteindre, pour accueillir à volonté artistes, poètes et créateurs.
Car pour lui, le tourisme culturel n’a jamais été une simple question de vestiges antiques à décrypter mais un mode de vie qui nous ramène aux jouissances premières de la vie traditionnelle avec ses effluves, ses sonorités et ses couleurs. Slah a réussi en tant que visionnaire à nous léguer cet espace qu’il a jalousement conservé dans son écrin au prix de beaucoup de souffrances et de sacrifices. Il est parti avec beaucoup de rêves inassouvis mais sa mémoire restera à jamais gravé comme un exemple d’un homme rompu au labeur continu, père de projets gigantesques dans le tourisme, agitateur culturel avisé, stratège à la finesse révélée qui a tout au long de sa vie fait preuve d’audace, de justesse, d’anticipation et de courage.