En ces temps de crise, la diaspora tunisienne, forte de son attachement à son pays d’origine, est venue à la rescousse d’une économie en récession. Mais comme tout investisseur raisonnable, elle reste frileuse face aux risques d’investissement liés à l’instabilité et au manque de vision. Dès lors, des mécanismes de mobilisation comme le Diaspora Mobilisation Act sont nécessaires pour pallier toutes les lacunes. Oula Tarssim, responsable au sein de l’agence allemande de coopération internationale pour le développement (GIZ), nous parle succinctement de l’importance de la contribution de la diaspora à l’économie nationale.
Comment évaluez-vous la contribution de la diaspora tunisienne au développement économique et social de la Tunisie ?
Les chiffres de 2019 et surtout de 2020 qui ressortent de l’étude sur “la Contribution socio-économique de la diaspora”, initiée par l’agence allemande de coopération internationale pour le développement (GIZ), reflètent bien le niveau de contribution de la diaspora à l’économie nationale. A titre d’exemple, les transferts de fonds des Tunisiens résidant à l’étranger représentent l’équivalent de 32% des réserves en devises de la Tunisie en 2020. C’est une contribution importante, notamment en comparaison avec les chiffres du secteur touristique dont l’apport, en termes de réserves en devise, a fortement décliné en 2020. D’ailleurs, c’est grâce aux transferts de fonds des TRE que les réserves en devises ont été maintenues à un niveau stable dans une année de crise. Et c’est ce qui met en relief l’importance de la contribution des TRE à l’ensemble de l’économie.
Cette contribution est néanmoins jugée faible par rapport au vrai potentiel de la diaspora ?
Il est vrai que quand on regarde les chiffres, on peut en déduire que la contribution effective est relativement faible par rapport au potentiel que représente la diaspora. Mais il faut également prendre en considération le contexte tunisien. Aujourd’hui on parle de près de 1,5 million de Tunisiens Résidents à l’étranger dont une bonne partie est hautement qualifiée. Parallèlement, on voit qu’en Tunisie, il y a un manque de visibilité par rapport aux opportunités. Il y a un déficit d’incitations et des freins qui persistent. L’enjeu, donc, est de regagner la confiance de la diaspora. Il faut dire que sans stimulation, on a déjà une contribution assez importante. Si on ajoute à cela une stratégie gagnant-gagnant comme par exemple le «Diaspora Act Mobilisation», on voit que le potentiel est beaucoup plus important. On peut aller, avec notre diapsora, au delà des 32% des réserves en devises et dépasser le 1,7% de taux d’investissement par rapport au PIB. C’est là le potentiel. Avec une stratégie, un mécanisme, des approches qui sont inclusives et participatives, où la diaspora participe activement, on peut maximiser sa contribution.
Est-ce que vous considérez que la diaspora tunisienne est toujours attachée à la Tunisie même dans ce contexte d’instabilité politique, sociale et économique ?
Je crois que les chiffres montrent bien cet attachement au pays. En dépit du déficit des mécanismes de mobilisation de la diaspora, on voit qu’il y a, d’ores et déjà, une contribution très importante. Cette contribution se base sur l’attachement. Par contre, pour pouvoir aller au-delà et passer à un niveau supérieur, il faut compter non seulement sur l’attachement mais compter sur d’autres facteurs palpables. La diaspora, en tant qu’investisseur, est rationnelle. Elle soupèse les risques et fait du benchmarking. Il faut, donc, faire et offrir plus pour la convaincre.