Par Edward Oakden, ambassadeur du Royaume-Uni en Tunisie
La semaine dernière, j’ai été ravi de pouvoir inviter la Tunisie pour la première fois de son histoire au Sommet mondial de l’éducation qui aura lieu à Londres du 28 au 29 juillet 2021. Moins de 70 jours séparent le Royaume-Uni et le Kenya de l’organisation conjointe de cet évènement amplement reconnu. L’objectif est de lever 5 milliards de dollars pour le Partenariat mondial pour l’éducation (PME), le plus grand fonds international exclusivement dédié à l’éducation dans les pays en développement. Le Sommet vise à garantir que, alors que les pays se remettent de la pandémie du Covid-19, une proportion adéquate du budget total de chaque gouvernement est dédiée à l’éducation. Chaque pays s’engagerait à consacrer 20% du budget national à l’éducation (y compris l’enseignement supérieur et la formation professionnelle) : un objectif quasiment atteint pour la Tunisie. Cela arrive à un moment de défi sans précédent pour l’éducation mondiale: les fermetures prolongées et répétées des écoles au cours de l’année écoulée signifient que les résultats d’apprentissage se sont probablement détériorés dans la plupart des pays, Tunisie et Royaume-Uni inclus. Par ailleurs, la rétrogradation économique causée par la pandémie du Covid-19 signifie que les budgets de l’éducation sont susceptibles d’être soumis à une pression encore plus grande.
Le Sommet invitera les leaders mondiaux à améliorer l’accès à l’éducation pour les filles en particulier, car elles sont confrontées à des défis spéciaux pour obtenir une éducation de qualité, chose que la pandémie ne fait qu’aggraver. La pauvreté, les responsabilités domestiques et le mariage des enfants sont entre autres affectés. L’éducation des filles est particulièrement bénéfique pour la société. Dans le monde, un enfant dont la maman sait lire, a 50 % plus de chances de vivre au-delà de cinq ans et d’être vacciné, et deux fois plus de chances d’aller à l’école lui-même. Pour une seule année scolaire supplémentaire, les revenus d’une femme peuvent augmenter du cinquième, et 28 000 milliards de dollars pourraient être ajoutés au Produit interne brut mondial si les femmes jouaient le même rôle que les hommes sur le marché du travail. La recherche a en outre montré qu’une meilleure égalité entre la femme et l’homme diminue la probabilité de conflit et/ou de différends dans une société à raison de 37%.
En marge de la réunion du Groupe des Sept (G7) au Royaume-Uni ce week-end, plusieurs engagements ont été annoncés pour gérer au mieux la fin de la pandémie et pour reconstruire les économies globales. Les pays membres ont convenu de fournir un milliard de doses l’année prochaine afin que le monde entier soit suffisamment vacciné, et donc immunisé. Redynamiser nos économies en faisant avancer des plans de relance qui favorisent un commerce plus libre au sein d’un système commercial réformé, une économie mondiale plus résiliente et un système fiscal mondial plus équitable qui inverse le nivellement par le bas. Le G7 approfondira son partenariat actuel avec l’Afrique, portant le soutien du Fonds monétaire international (FMI) à 100 milliards de dollars dans le monde. Parmi les engagements figure aussi la protection de la planète terre en soutenant une révolution verte qui crée des emplois, réduit les émissions nocives et cherche à réduire la hausse des températures mondiales à 1.5 degré Celsius (°C). Il a aussi été clairement annoncé que l’éducation des filles est une ultime priorité de la communauté internationale pour la période à venir, notamment en soutenant un objectif visant à scolariser 40 millions de filles supplémentaires et avec au moins 2¾ milliards de dollars pour le PME, dont un don du Royaume-Uni d’une valeur de 600 millions de dollars.
A l’horizon 2025, un tiers de plus des filles âgées de 10 ans devront apprendre à lire (voir Education Action Plan lancé par Premier ministre Boris Johnson le 12 mai 2021). Et c’est pourquoi, en tant qu’ambassadeur britannique en Tunisie, je souhaite travailler en étroit partenariat avec le gouvernement tunisien pour garantir que chaque enfant en Tunisie puisse réaliser son plein potentiel. D’énormes progrès au niveau de l’éducation ont été réalisés en Tunisie au cours des dernières décennies. En Tunisie, presque tous les enfants achèvent l’école primaire, les filles ont souvent de meilleurs résultats scolaires que les garçons, et le taux de participation des femmes dans l’enseignement supérieur est l’un des plus élevés au monde. Le pays reste prêt à relever certains autres défis. Par exemple, un grand nombre de filles et de garçons, en particulier à l’intérieur du pays, continuent d’abandonner l’école avant l’âge de 16 ans, 65% des enfants de 10 ans en Tunisie (filles et garçons) ne sont pas capables de lire et de comprendre un texte adapté à leur âge (source : Banque mondiale, 2019), les femmes ne représentent que 24 % de la population active (la moyenne pour les pays à revenu intermédiaire est de 49 %), les femmes sont deux fois plus susceptibles d’être au chômage que les hommes, l’écart salarial entre hommes et femmes de 19 %, et les taux de violence à l’égard des femmes et des filles sont élevés (une femme sur trois est victime de violence domestique). Les confinements dus à la pandémie peuvent probablement aggraver les constats susmentionnés.
En particulier, de nombreux enfants, garçons et filles, risquent de ne pas retourner à l’école ou de l’abandonner définitivement. Je pense qu’il est essentiel de tout faire pour que cela ne se produise pas. Certaines mesures visant à retenir ou ramener les enfants à l’école et pour s’assurer qu’ils ne prennent pas de retard dans leur apprentissage ont donné de bons résultats dans d’autres pays. Cela inclut l’adaptation de la façon dont les enseignants dispensent les cours, peut-être en regroupant les classes par capacité de lecture plutôt que par âge, et en se concentrant sur les compétences en lecture et en calcul, la fourniture des aides sociales aux enfants les plus marginalisés et la généralisation des cantines scolaires, et l’intensification de la mobilisation communautaire et du soutien à l’éducation par le biais des campagnes de retour à l’école.
Le Covid-19 a causé beaucoup de dégâts, mais la pandémie offre également des opportunités uniques de reconstruction. Le Sommet du mois de juillet est une occasion unique pour assurer que la génération actuelle d’enfants s’épanouit et acquiert les compétences et la confiance nécessaires pour créer un monde plus vert, plus sain, plus sûr et plus prospère. Le Royaume-Uni, en tant que plus grand donateur du PME et membre actif de son Conseil, soutient l’adhésion imminente de la Tunisie à ce fonds vital. Le Sommet est un forum incomparable pour partager les meilleures pratiques, c’est un important véhicule de plaidoyer en faveur de l’éducation, ayant déjà contribué à la scolarisation de 160 millions d’enfants supplémentaires et au doublement de la scolarisation des filles dans les pays dans lesquels il travaille depuis sa création en 2002.
Nous sommes également impatients de poursuivre notre travail avec les partenaires techniques et financiers en Tunisie au cours des prochaines années. L’ambassade britannique à Tunis a soutenu la formation des enseignants et le renforcement des capacités du personnel éducatif à travers Teaching for Success Tunisia, un projet pluriannuel mis en œuvre par le Centre culturel britannique (British Council). Ce projet a équipé les enseignants de techniques pour aider les élèves à développer les compétences de vie dont ils auront besoin pour le marché du travail, telles que la communication et le travail en équipe, l’éducation numérique et l’esprit critique. Le Royaume-Uni a également financé la création d’une nouvelle génération d’écoles de la deuxième chance par l’intermédiaire de l’Unicef, donnant aux jeunes qui ont abandonné l’enseignement public la possibilité de poursuivre leur apprentissage et de développer leurs compétences pour l’emploi et a cofinancé un projet en partenariat avec la Banque mondiale axé sur l’amélioration des résultats d’apprentissage, en particulier en matière d’alphabétisation au niveau préscolaire et primaire. Nous avons aussi mené deux campagnes d’éducation, qui visaient à rétablir la confiance des élèves et des parents dans le système éducatif après la pandémie.
On a également soutenu les efforts du ministère de l’Education pour régler les différends et conflits au sein des établissements d’enseignement et pour promouvoir la paix et la stabilité sociale.
Le Royaume-Uni continuera à coopérer avec le gouvernement tunisien pour aider tous les enfants à recevoir une éducation de qualité, nous sommes engagés à faire en sorte que leurs rêves puissent devenir réalité, même (mais aussi surtout) dans les contextes les plus difficiles.
En lui remettant l’invitation officielle au Sommet mondial de l’éducation, Son Excellence Monsieur Fethi Sellaouti, ministre de l’Education, a souligné ce qui suit:
« Nous sommes ravis de la coopération bilatérale entre nos deux gouvernements dans le domaine de l’éducation et du soutien jusque-là apporté par le PME. Le ministère de l’Education est engagé à explorer au mieux les opportunités offertes par l’adhésion au PME, en particulier dans le contexte particulier auquel l’éducation est confrontée dans le cadre de la pandémie. Le gouvernement tunisien s’engage à faire en sorte que chaque enfant, fille ou garçon, ait accès à une éducation adéquate et de qualité. L’adaptation de l’éducation aux besoins du marché du travail reste au centre de nos priorités et nous sommes prêts à collaborer avec tous les intervenants pour améliorer l’employabilité des jeunes Tunisiens ».
E.O.