La marée humaine qui a pris d’assaut les rues du pays la nuit du 25 juillet, bravant le couvre-feu et enfreignant les mesures sanitaires pour exprimer sa joie et son adhésion totale aux mesures prises par le Chef de l’Etat, attend des actes concrets qui rassurent que le pays est déjà engagé sur la voie du changement.
De leur côté, la communauté internationale, les pays frères et amis, qui prennent en compte la colère des Tunisiens, souhaitent le rétablissement le plus tôt possible de l’Etat de droit et le retour au fonctionnement normal des institutions.
Pour sa part, le parti Ennahdha et ses satellites, qui cherchent à sortir la tête de l’eau, ne cessent de crier au coup d’Etat et appellent à la rescousse partisans, acteurs de la société civile et ONG internationales pour reprendre les rênes du pouvoir législatif et exécutif.
Chacun a donc des attentes ou des revendications. Et le délai de trente jours fixé par le Président, conformément à l’article 80 de la Constitution, est visiblement trop court pour engager les réformes souhaitées ou pour déclencher une nouvelle dynamique politique ou sociale.
Pourtant, la pression de la rue est toujours de mise. Les citoyens s’interrogent sur le nom du nouveau locataire de la Kasbah et ceux des nouveaux membres du gouvernement. Ils veulent connaître la liste des personnes interdites de voyage, des affaires instruites en justice. Ils veulent être rassurés sur le paiement des salaires et des pensions. Ils attendent des annonces qui soulageraient leurs souffrances telles que la baisse des prix des produits de base. Ce sont des citoyens impatients car on leur a tout pris durant ces dix dernières années : leur dignité, leurs rêves, leurs espoirs, leurs joies. C’est pourquoi ils veulent rompre avec cette vie qui fut une longue souffrance qui ne finissait jamais ponctuée de douleur, de désespoir, d’humiliation.
C’est pourquoi, de part et d’autre, le facteur temps est important dans cette période. Et les premières décisions dans les premiers jours constitueront pour l’opinion nationale et internationale une idée sur le chemin dans lequel est engagé le pays. Certes, il est difficile de satisfaire les aspirations populaires sans érafler les attentes des pays démocratiques. Mais le Président de la République doit être l’artisan du nouveau virage démocratique, le vrai, qui ne laisse aucune place au doute et à l’incertitude. Pour y parvenir, les priorités doivent être bien définies pour ne pas décevoir les Tunisiens et pour ne pas laisser dans le flou ses opposants et la communauté internationale. C’est pourquoi une feuille de route claire doit servir de boussole pour calmer les ardeurs et apaiser les tensions. Elle doit être axée sur la promesse de l’égalité des droits économiques et sociaux et présenter une nouvelle étape sur la voie de la démocratie et du respect des droits de l’Homme. Pas question de perdre son temps dans des rencontres futiles ou dans la mise en œuvre d’idées aussi compliquées qu’inopérationnelles. Monsieur le Président, c’est ici et maintenant.