Aujourd’hui, le président du parti Ennahdha semble totalement déphasé et n’arrive plus à admettre la réalité. Il tente le tout pour le tout et prend, semble-t-il, de gros risques pour desserrer l’étau dans un premier temps et se repositionner ensuite, multipliant à cet effet les tours de passe et les déclarations, soufflant le chaud et le froid, allant jusqu’à proférer des menaces susceptibles de déstabiliser le pays.
La Tunisie sans l’hégémonie du parti islamiste, c’est mieux, s’accorde à dire aujourd’hui la majorité des observateurs et pour cause, les dirigeants nahdhouis, avec à leur tête un octogénaire qui s’accroche à la présidence de ce parti depuis les années 90, n’ont pas retenu la leçon et ont sombré dans la particratie. L’intérêt général du pays ne comptait pas depuis le début et l’alliance entre Ennahdha, Qalb Tounes et la coalition El-Karama pouvait imposer son diktat en toute liberté.
En dépit de la fronde de plusieurs jeunes ayant abouti à la publication d’une pétition signée par 100 membres dudit parti qui marque leur «fed-up» et leur refus de constater que Rached Ghannouchi continue à botter en touche sur la question du Congrès d’Ennahdha, ce dernier, appuyé par un noyau dur avec à sa tête le président du Conseil de la choura, Abdelkarim Harouni, a toujours ignoré les critiques et les mises en garde se rapportant à la situation implosive à l’intérieur du parti.
Faisant la sourde oreille aux appels lancés aussi bien par les membres de son parti que par ses compagnons de route à l’instar de Lotfi Zitoune, et malgré la vague de démissions qui a secoué le parti, l’éternel président du parti Ennahdha semblait vivre dans un autre monde, comme par ailleurs ce fut le cas pour d’autres présidents qui ont mis la Tunisie à genoux et refusé de quitter le pouvoir.
Les sondages faisant écho de son impopularité auprès des Tunisiens n’ont pas suffi pour le mettre en garde. Pour rappel, et selon le sondage effectué par Sigma Conseil en mai dernier, 77% des Tunisiens ne font pas confiance au président de l’ARP qui a fait l’objet d’une motion de censure initiée par le bloc démocrate. La victoire en demi-teinte de Ghannouchi suite au vote contre cette motion avait pourtant sonné le glas pour ce dernier.
Pendant ce temps-là et du haut de son perchoir à Carthage, Kaïs Saïed multipliait les mises en garde et les avertissements sans hésiter à dévoiler ce qui se trame contre la Tunisie. La tentative de son assassinat, les réunions secrètes visant à déstabiliser le pays reviennent comme un leitmotiv dans ses discours et choquent les Tunisiens. De l’autre côté, de la Kasbah et de l’ARP, la banalisation de ce genre de discours scandalisait les Tunisiens sur fond d’enquêtes ouvertes, sans suite et sans résultat qui finissent généralement aux oubliettes.
Revenu en Tunisie en 2011 après tant d’années d’exil, accueilli en fanfare par ses partisans à l’aéroport, Ghannouchi et ses partisans n’ont pas su profiter du changement pour ancrer la démocratie dans le pays et exaucer les vœux des jeunes qui ont conduit la révolution.
Au demeurant et dix ans après, la Tunisie s’apparente à un pays en ruine sur tous les plans. Tous les observateurs pointaient du doigt les tentatives d’ingérence de pays étrangers, notamment après la prise du pouvoir des Frères musulmans en Egypte.
Une victoire qui a donné des ailes et du tonus aux nahdaouis en Tunisie. Rien ne pouvait plus les arrêter. Mais le rêve n’a pas trop duré et c’est le retour à la case départ avec l’arrivée au pouvoir de Abdelfattah Al-Sissi. Ils ont dû déchanter mais Ghannouchi ne désespérait pas pour autant avec l’appui d’autres pays bien favorables à la montée des islamistes en Tunisie et surtout de partis populistes. Aujourd’hui, le président du parti Ennahdha semble totalement déphasé et n’arrive plus à admettre la réalité. Il tente le tout pour le tout et prend, semble-t-il, de gros risques pour desserrer l’étau dans un premier temps et se repositionner dans un second temps, multipliant à cet effet les tours de passe et les déclarations, soufflant le chaud et le froid, allant jusqu’à proférer des menaces susceptibles de déstabiliser le pays.
Au sein de son parti, les critiques fusent, la colère gronde, les dissensions ne sont plus un secret et l’autorité du cheikh est au plus bas. La demande de son départ est sur toutes les langues, mais Ghannouchi a la peau très dure.
Condamné à la peine capitale au temps de Bourguiba et acculé à fuir le pays durant le règne de Ben Ali, il vit aujourd’hui son dernier quart d’heure, entre la peur de subir la colère du peuple et le rêve de reconquérir un terrain qui lui est désormais aussi hostile qu’au moment de son retour en 2011 à Tunis.