Par Noura Bensaad *
Le 25 juillet 2021 au soir, dans une adresse solennelle au peuple, le Président de la République déclare avoir eu recours à l’article 30 de la Constitution pour suspendre temporairement les activités du Parlement, lever l’immunité de tous les députés et révoquer le chef du gouvernement en attendant d’en désigner un nouveau. Kaïs Saïed a justifié ces décisions exceptionnelles en vue, a-t-il ajouté, d’assurer la paix du pays, de l’Etat et du peuple. Pourtant, l’article 80 ne prévoit ni le gel du Parlement et la levée d’immunité parlementaire de ses députés, ni le limogeage du chef de gouvernement. Et depuis, ici et ailleurs, des questions et discussions tournent autour de l’interprétation de cet article au vu de ces décisions : doit-on, oui ou non, parler de coup d’Etat constitutionnel ? That is the question.
L’annonce du Président de la République a été comme un séisme et, dans ce pays parfois étonnant qu’est la Tunisie, cette annonce a été suivie, quelques minutes plus tard, par une liesse populaire aussi soudaine que spontanée : malgré le couvre-feu, un grand nombre de citoyens se sont précipités dans la rue pour exprimer leur joie et leur soulagement à coups de klaxons et de youyous. Le Président ne pouvait attendre d’assentiment plus efficace. Cela, tout le monde le sait.
Il en faudrait des articles et des livres pour dire tout le mal qu’Ennahdha a pu faire au pays et au peuple depuis son arrivée au pouvoir. Le parti islamiste a cette faculté assez extraordinaire de corrompre absolument tout ce qu’il touche. Mais ce n’est pas de cela que je veux parler ici mais plutôt d’une des conséquences – il y en a tant −, de cette corruption : celle de la peur des mères dont on parle si peu ! Car il faut les écouter ces femmes, surtout celles du petit peuple, pour entendre leur inquiétude ou leur douleur. Parce qu’elles sont les mères de jeunes hommes et de jeunes femmes qui ont envie de vivre mais qui se savent condamnés, de par leur condition sociale, à un avenir fermé. Alors, malgré leurs maigres ressources, elles leur donnent, autant qu’elles peuvent.
Un jour, j’ai parlé avec l’une de ces mères que je vois trimer, en se privant parfois du nécessaire, comme des soins de santé, pour donner à son fils. Et je lui ai demandé : «Ce n’est pas une bonne chose de te priver pour gâter ton fils. Pourquoi le fais-tu ?» Alors elle m’a fait cette réponse à laquelle je n’ai pas pu répliquer : «Si je ne lui donne pas cet argent, il va se laisser entraîner dans un trafic de drogue par des jeunes du quartier ou bien il va tenter de s’embarquer en clandestin pour traverser la mer».
Cela a commencé sous l’ère de Ben Ali. Combien sont-elles ces mères qui ont pleuré sur le destin dramatique ou tragique de leurs fils, parfois aussi leurs filles, emprisonnés ou morts noyés en tentant la grande traversée ? Ou qui ont disparu après le 11 janvier 2011 parce qu’Ennahdha les a envoyés combattre en Libye ou en Syrie ? On peut me rétorquer, c’est parfois ce que je pense ou dit moi-même, que ces jeunes peuvent bien aller travailler, dans les chantiers par exemple, pour subvenir à leurs besoins. Mais on sait la dureté de ce travail, et il faut compter aussi avec l’influence d’une culture hédoniste et d’une société de consommation qui poussent à vouloir plus qu’on ne peut avoir.
J’ai parlé des mères parce que je le suis moimême. Mais il y a aussi l’inquiétude ou la peine des pères. Il y a de cela quelques semaines, alors que je me trouvais à attendre en même temps que d’autres aux portes d’une administration pour obtenir un papier, j’ai entendu deux hommes discuter, cela arrive souvent, en patientant on parle de soi et du pays, et l’un d’eux a prononcé ces phrases qui résument à elles seules la situation du pays et de son peuple : «Récemment, j’ai demandé à ma fille : comment vois-tu ton avenir? Elle m’a répondu : je le vois hors de la Tunisie.»
Alors oui, on peut continuer de débattre de l’article 80 pour savoir s’il y a eu coup d’Etat constitutionnel ou seulement un coup de force, mais à côté de cela, il faudrait rouvrir bien grand les portes du Parlement, non pas aux députés qui ont failli à leur devoir, mais aux citoyennes et citoyens afin qu’ils disent, racontent, leurs déboires et leurs peines.
N.B.
(*) Écrivaine
Henda Kahaou
2 août 2021 à 18:48
Petit peuple
Je tiens à préciser que d’après le Dictionnaire de l’académie française l’expression « Le petit peuple » est employée pour désigner le bas peuple, des gens de petite étoffe, des gens de basse condition. »
Dans de nombreux pays d’Europe, les créatures surnaturelles du folklore étaient désignés indirectement par différentes périphrases, avec des expressions comme « Belles gens », « Bon gens », « Petit peuple ». Dans les pays scandinaves, le terme désignait ainsi les petites créatures surnaturelles du folklore. Le terme « petit peuple » englobe tous les êtres humanoïdes imaginaires, généralement de petite taille : fées, lutins, trolls, gnomes, nains, elfes et assimilés.
Question : où se situe l’auteure de cet article?