La question de l’eau ne se pose plus en été, uniquement. Elle est devenue chronique. C’est une évidence d’affirmer ces vérités qui disent que notre pays est en crise et manque de ressources hydriques. Les pénuries sont de plus en plus aiguës et les solutions, s’il y en a, tardent à se concrétiser.
Mais, il faudrait, à notre sens, aborder des sujets de grande importance qui ont trait à la situation actuelle par laquelle passe notre pays. Si on est arrivé à ce point critique, c’est qu’il y a eu énormément d’accumulations tout au long de ces années. Et, notamment, après 2011. Tout le système, ou presque, a commencé à péricliter.
Parmi les raisons invoquées, il y a, bien sûr, le déficit pluviométrique qui entraîne un taux bas de remplissage des barrages. Mais face à ces raisons naturelles, il existe d’autres explications plus ou moins logiques qui méritent une grande attention. L’eau, chez nous, est très mal exploitée. Il y a un grand gaspillage aussi bien au niveau domestique qu’industriel ou agricole.
L’usage que nous faisons de l’eau, dans les foyers, se caractérise par une inconscience totale de l’importance de cette matière. La sensibilisation est défaillante sur ce point. On continue à utiliser de très grandes quantités d’eau pour laver sa voiture, prendre son bain, arroser son jardin, voire, son gazon.
Des ouvrages hors normes
Par ailleurs, il ne faut pas oublier le phénomène des puits anarchiques. Officiellement, on parle de près de 12.000 puits réalisés en dehors de tout cadre réglementaire. C’est ce qui a permis d’aggraver la situation, déjà, critique des nappes phréatiques. A cela s’ajoute un autre fléau qui n’est pas des moindres et qui consiste en les branchements illégaux sur les conduites de la Sonede. Ces branchements occasionnent des pertes énormes tant au niveau du débit qu’au niveau financier.
Les auteurs de ces actes sont facilement repérables. Il suffit, simplement, de réagir et d’appliquer la loi. Ces réseaux créés illégalement servent à alimenter des vergers et des champs ou à procurer, de façon illicite, de l’eau à certaines personnes. La nappe phréatique est, également, surexploitée par ces sociétés qui sont spécialisées dans la mise en bouteille des eaux. Aujourd’hui, plusieurs dizaines de ces sociétés opèrent sur le sol tunisien. C’est à croire que notre pays s’est transformé en un pays hautement aquifère.
Cette suractivité des sociétés de mise en bouteille d’eau dite de source ou naturelle ne manque pas de soulever de nombreuses questions. La Tunisie est-elle, vraiment, un pays aussi riche en ressources hydriques pour permettre à de telles sociétés de proliférer de la sorte ? Y a-t-il une stratégie derrière pour contrôler ce flux incessant de sociétés qui nous imposent, de plus en plus, leurs prix ? En effet, au cours de cette décennie, les prix d’une bouteille de 1.5 litre se sont multipliés par 5 et plus. Ce qui n’obéit à aucune logique. Doit-on encore autoriser d’autres sociétés à voir le jour ? Ce serait contre toute logique.
Autres questions !
D’autres questions, tout aussi cruciales, restent en suspens. On se demande, aussi, pourquoi l’eau potable n’est plus tellement potable. La connexion entre cette réalité et la multiplication de ces sociétés est-elle une simple coïncidence ? Et, justement, sur ce point, qu’est-ce qui empêcherait la Sonede d’améliorer la qualité de l’eau de robinet pour la rendre plus potable ?
De plus, on voit l’émergence de nouveaux autres “guerbaji” (chez nous : vendeur d’eau). A ces sociétés d’eau minérale ou conditionnée on assiste à l’ouverture de centaines de boutiques dans tous les quartiers qui vendent de l’eau de la Sonede au prix de 100 millimes le litre (ils ont augmenté le tir après l’annonce de la hausse des tarifs par la société des eaux).
Ces nouveaux commerçants ont profité de la manne pour s’équiper d’appareils de purification de l’eau de robinet pour la revendre, ensuite, aux clients. Ce commerce est florissant. Pourtant (comme les vendeurs de ce qu’on appelle “mlawi” et autres plats à base de produits subventionnés) l’eau provient du réseau de la Sonede et est payée au tarif domestique. Mais l’usage commercial qui en est fait doit être pris en compte. Or, d’après ce que l’on voit, il n’y a aucune réaction de la part des autorités. On laisse faire, comme si de rien n’était. A notre avis, ces commerçants doivent être traités comme des gens exerçant un métier qui doit être soumis à des règles. Les tarifs ne doivent pas être les mêmes que ceux appliqués aux simples citoyens. Autrement dit, leur facture doit refléter l’usage commercial qui est fait de l’eau.
Concernant, les mesures à mettre en œuvre pour améliorer nos ressources, elles sont connues par nos experts. Tous les problèmes ont été identifiés, mais c’est leur concrétisation qui a pris du retard. L’absence d’une volonté politique et d’une gouvernance efficace n’a fait que compliquer les problèmes.
L’entretien et la maintenance d’un réseau de près de 50.000 km n’est pas une mince affaire. Surtout que plus de 20% de ce réseau sont âgés de plus de 40 ans. Les casses et les fuites ne sont pas toujours réparées dans les meilleures conditions.
En outre, l’Etat est appelé à réactiver ses programmes de lacs collinaires et de retenues des eaux pluviales. Sans parler des barrages.