L’utilisation abusive de l’eau, ressource qui se raréfie, pourrait avoir des conséquences néfastes sur l’économie dans son ensemble, si ce n’est déjà le cas. Cette alerte n’est pas récente. Depuis quelques années, la Tunisie fait face à un grand défi : la pénurie d’eau. Et pour cause, en plus du réchauffement climatique, on enregistre une consommation excessive de cette ressource rare, une succession de périodes de sécheresse, la croissance démographique et urbaine, le développement des activités économiques… Tout cela fait que la demande est de plus en plus importante aussi bien pour l’alimentation en eau potable que pour l’irrigation…
Aujourd’hui, la soif de l’économie nationale en or bleu est telle que, malgré la pénurie, la forte demande, tirée par de grands secteurs, ne cesse de croître. De fortes demandes qui se chevauchent par moments. L’heure est venue d’en payer le prix, à défaut de trouver immédiatement des solutions au manque d’eau, principal intrant dont la pénurie peut conduire les grands secteurs de l’économie nationale à l’étranglement. Des experts ne cessent de formuler des recommandations, d’alerter et d’appeler à la prise de mesures rapides face à la menace réelle du stress hydrique dans le pays.
D’après l’expert Mohamed Nabli, une certitude s’impose : la demande en eau est en croissance continue alors que la ressource semble plafonner. « C’est une situation de tension qui interpelle le politique et, à l’horizon 2050, le risque de pénurie nécessitera de concilier rationalité économique et équité sociale, développement et préservation du milieu ».
Selon les indicateurs, l’indice de consommation est actuellement de l’ordre de 50 %, sur la base de « retours d’eau », du fait des pertes au niveau de l’approvisionnement total, estimées à 425 millions m3/an à raison de : 320 millions m3/ an pour l’eau agricole, 69 millions m3/an pour l’eau potable, et 36 millions m3/an pour l’eau industrielle.
L’’expert affirme que « sur une telle base, pour des ressources en eau naturelles renouvelables potentielles de 4800 Mm3 / an, des prélèvements estimés à 2725 Mm3 / an, des retours d’eau évalués à 425 Mm3 / an, les disponibilités en eau seraient actuellement de l’ordre de 2500 Mm3 / an. Ces disponibilités limitées invitent à un examen plus approfondi de la question d’autant plus que moins de 50% de cette ressource bénéficient d’une salinité inférieure à 1,5 g / l ».
Gestion de la demande en eau
La gestion de la demande en eau exige à la fois une réduction des « inutilisations » d’eau prélevée et les « mauvaises utilisations », c’est-à-dire les « gaspillages » du point de vue aussi bien physique qu’économique. « Il s’agira, en effet, de lutter contre les « surconsommations », d’adapter au mieux les demandes aux conditions des offres et de favoriser les demandes les plus valorisantes. Cela implique de faire des économies d’eau à chacune des étapes du transport, du stockage et de l’usage, favoriser la « réutilisation », planifier l’allocation sectorielle des ressources suivant des critères socioéconomiques qui influent la demande en eau ». Selon l’expert, la pénurie structurelle se manifeste lorsque la demande en eau excède l’offre disponible du fait d’une surexploitation non contrôlée. L’expert Salah Hannachi, pour sa part, considère que le pays souffre aujourd’hui d’un stress hydrique croissant et grave. Il souffre également d’inégalités régionales et sociales de développement et d’accès à l’eau. « Le transfert régional et l’emploi irrationnel de l’eau économique n’obéissent pas à une logique de rendement et de coût intégral réel. Les coûts mal calculés engendrent des subventions croissantes jusqu’à devenir insoutenables, rappelant les subventions insoutenables à l’énergie », indique M.Hannachi.
Ces déséquilibres représentent des risques graves et des obstacles majeurs à la dynamique de développement économique durable et équilibré du pays. Ils représentent aussi des menaces à la paix sociale et à la solidarité et l’unité nationales.
D’après l’expert, « la notion d’efficacité est essentielle au niveau de la stratégie pour le choix du « mix technologique », pour la gouvernance et la gestion. Elle est aussi essentielle à la gestion de l’infrastructure de transport, de distribution et de consommation finale de la ressource eau. De même est-elle essentielle pour l’audit hydrique, comme pour l’audit énergétique ».