A la date du 9 août, pas moins de 214 incendies se sont déclarés dans les forêts du Nord, dont 18 nocturnes. Environ 3.000 hectares sont partis en fumée. Pas de dégâts humains à déplorer. Le Centre national de protection des forêts à Radès est sur le pied de guerre.
Mardi dernier, un énième feu s’est déclaré dans une des forêts au Nord du pays. Dans le gouvernorat de Bizerte, deux incendies ont éclaté dans la soirée du 10 août. Le premier dans la ville de Ghar El Melh, le deuxième à Nadhour (Bizerte Nord). Les feux se sont propagés sur une superficie importante. A Aïn Draham, ville connue pour son patrimoine forestier, un incendie s’est propagé à 20 km plus loin, jusqu’à la ville de Fernana.
L’intervention des pompiers a été rapide et les feux ont été maîtrisés. La direction générale des forêts relevant du ministère de l’Agriculture rapporte qu’aucune vie humaine n’est à déplorer. Seulement avec cette nouvelle saison, l’écosystème, mis à rude épreuve, est devenu vulnérable. Les feux de forêt sont de plus en plus fréquents, détruisant sur leur passage des pans entiers de futaies et de bois qui font la richesse de la biodiversité tunisienne.
Le Centre national de protection des forêts à Radès est en état d’alerte et les gardes forestiers appuyés par les tours de contrôle, sur le pied de guerre, observent de près la situation, notamment dans les zones à risque. A la date du 9 août, 214 incendies se sont déclenchés, dont 18 nocturnes, dans plusieurs forêts depuis juillet dernier. Environ 3000 hectares ont été ravagés. A la même période, l’année dernière, 278 incendies sont recensés dont 71% instantanément maîtrisés. La superficie moyenne brûlée ne dépasse pas un hectare.
Augmentation des incendies depuis le 23 juillet
Zouhair Ben Salem, ingénieur à la direction générale des forêts, fait l’état des lieux. «Depuis le 23 juillet, plusieurs feux de forêt se sont propagés dans les régions de Jendouba, Kef, Béja, Nabeul et Kairouan, détaille-t-il. Grâce aux efforts des équipes d’intervention qui travaillent de concert avec les centres de protection forestière et les tours de contrôle, les départs de feu sont rapidement repérés et maîtrisés».
Dès le déclenchement d’un incendie, les interventions se doivent d’être rapides, pour en venir à bout, sinon il devient hors de contrôle. Les feux naissants sont maîtrisés par des camions-citernes, apprend-on. Une enquête est systématiquement ouverte pour en déterminer les causes. Si les pistes criminelles ne sont jamais écartées, force est de constater que les conditions climatiques extrêmes contribuent à en accentuer les risques. Avec les vagues de chaleur et une sécheresse persistante, les flammes se propagent sur de grandes surfaces. «Nous avons enregistré des températures très élevées au cours des deux dernières semaines. La chaleur et le sirocco contribuent à répandre rapidement les flammes en transportant des étincelles sur de grandes distances», fait observer Ben Salem. «Hier, nous avons assisté à Bizerte à un phénomène jamais vu, décrit l’ingénieur encore sous le coup de l’émotion, la vitesse avec laquelle le feu avançait était très grande et, d’un coup, le vent a changé de direction et les flammes ont commencé à avancer dans le sens contraire. Nous avons dû déployer de gros efforts pour maîtriser l’incendie et l’éteindre ensuite».
Les températures battent des records
Le feu qui a pris d’assaut la semaine dernière Sakiet Sidi Youssef, ville du Nord-Ouest, située à quelques kilomètres de la frontière algérienne, a été par contre difficile à maîtriser. L’objectif des autorités n’était plus de l’éteindre mais «de réduire la moyenne des superficies brûlées à moins d’un 1 hectare». Un objectif qui s’inscrit dans une stratégie nationale de protection des forêts contre les incendies. «Notre priorité est surtout de protéger les habitants des forêts dont le nombre s’élève à environ 1 million. Il est important pour nous d’insister sur le fait que les incendies n’ont fait aucune victime. Même les dommages matériels ne sont pas importants», se réjouit l’ingénieur.
Cette vague de chaleur qui a propulsé la Tunisie à la première place des pays les plus chauds d’Afrique, le 10 août, estelle une manifestation du changement climatique tant décrié par les spécialistes et les climatologues ? La réponse est oui, selon l’universitaire et président de l’Association tunisienne des changements climatiques et du développement durable, Zouheir Hlaoui. Les feux de forêt représentent un phénomène plus ou moins naturel. Les forêts doivent brûler pour qu’elles se régénèrent par la suite. Mais la sécheresse, les fortes températures rendent le bois facilement inflammable et donc contribuent à augmenter les risques d’incendie.
L’universitaire explique qu’il ne faudra pas non plus perdre de vue « les causes anthropiques », comme l’intervention de l’homme qui, pour diverses raisons, notamment pour exploitation, déclenche un feu de forêt.
Des études mettent en cause le changement climatique à travers le monde. La Tunisie n’étant pas épargnée, se trouve touchée comme le reste de la planète, par des phénomènes extrêmes, notamment des vagues de chaleur, des épisodes de sécheresse récurrents et de fortes pluies provoquant de grandes inondations. «En été, il est normal que l’on soit confronté à des vagues de chaleur. Cependant cette année, les températures ont battu des records.
C’est un phénomène exceptionnel du climat méditerranéen se caractérisant par la dichotomie hiver-été et par sa forte variabilité. Plusieurs études imputent ce phénomène, cependant, à des manifestations du changement climatique», affirme encore le climatologue, Hlaoui.
Les études préconisent 70 à 100 ans en moyenne pour reconstituer une forêt après un incendie et retrouver des arbres de 10 à 20 mètres de haut ! Préserver le patrimoine forestier national et l’ensemble du couvert végétal devient une priorité.
Photo : © Hsan Mrad