Le temps est venu pour mettre de l’ordre dans un département qui doit être au service d’une nation et ses citoyens.
Coup de balai dans la haute hiérarchie du ministère de l’Intérieur. Nomination d’un nouveau ministre de l’Intérieur en juillet dernier, limogeage de l’ancien directeur général des services spécialisés et désignation de nouveaux responsables à la tête de la direction générale de la Sûreté et de la direction générale de la Garde nationale ne laissent aucun doute sur les intentions du locataire de Carthage. Un geste sans équivoque qui sonne la fin de la récréation. Ceux qui n’ont pas hésité à mettre en péril la sécurité nationale pour servir leurs visées devraient tirer les conclusions qui s’imposent. Fini le temps des jeux de pouvoir dans l’enceinte de ce ministère régalien. La réouverture de dossiers classés top secret, en lien avec le terrorisme et les assassinats politiques pourrait être prochainement à l’ordre du jour. Révoqué puis assigné à résidence, l’ancien directeur général des services spécialisés, Lazhar Longou, est sorti par la petite porte. Avant cela, il s’est retrouvé au cœur d’une rude bataille entre la présidence de la République et celle du gouvernement. Sa nomination puis son congédiement n’ont pas étonné pour autant. La politisation de l’Intérieur a porté préjudice à son rendement, notamment après la nomination de ce dernier. Le clivant Lazhar Longou incarne à lui seul la mainmise des politiques sur la dame grise de « l’Avenue » qui attise toutes les convoitises. Aujourd’hui, l’inquiétude fait place à la satisfaction. Les directeurs généraux fraîchement nommés, le commissaire général Sami Hichri et le commandant Chokri Riahi à la tête de la Sûreté et de la Garde nationale (Dgsn et Dggn) font à peu près l’unanimité auprès des anciens de la maison. Ils ont joué un rôle clé pour rétablir la neutralité du ministère qui s’était retrouvé au cœur de terribles jeux d’influence.
L’ombre des assassinats politiques plane toujours
Sami Hichri a été à la tête de l’Ecole de police à Sousse puis à la Mutuelle des forces de sécurité, après une longue carrière passée dans des structures relevant de la présidence de la République, dans les années 90 et des services spécialisés à l’intérieur comme à l’extérieur du pays. Ce haut gradé à la compétence reconnue a été éjecté de la direction générale des services spécialisés (Dgss) après la révolution. Entre-temps, des partis politiques ont placé leurs hommes à des postes clés. La pieuvre est à l’œuvre. Les assassinats des deux opposants Belaïd et Brahmi et les attaques terroristes visant les militaires et les forces de l’ordre n’ont fait que confirmer les bruits qui couraient alors dans les couloirs de l’Intérieur. Les hauts responsables nommés à cette époque n’avaient ni l’expérience ni les compétences requises pour diriger des directions stratégiques et faire face aux dangers qui menaçaient le pays.
Le directeur général de la Sûreté nationale a été auditionné et relâché dans le cadre des deux affaires précitées. Le débat est clos, pour un moment. Dans les antichambres du ministère, la responsabilité notamment de l’ancien directeur général de la sûreté nationale, en raison de son manque de professionnalisme, n’était plus à prouver. Pire, son incompétence frise la complicité passive aux yeux de certains observateurs qui suivaient de près les affaires des assassinats politiques. En dépit du document communiqué par la CIA qui contenait une alerte et révélait un plan d’assassinat du député Mohamed Brahmi, l’ancien directeur général n’avait pas cru utile de prendre les mesures nécessaires pour éviter ce crime. A titre d’anecdote, une source digne de foi nous a confié que ledit responsable avait demandé si la traduction de la note secrète était «précise» ! Il avait cherché un bouc émissaire dans cette affaire sordide qui en dit long sur le chaos qui régnait au ministère, sur fond de luttes intestines et d’instrumentalisations politiques. Une colère sourde régnait dans les rangs des différents corps. De hauts cadres compétents forcément dérangeants ont été limogés, acculés à rester chez eux. Le passage du second d’Ennahdha, Ali Lâaryedh, à la tête du ministère l’avait hautement déstabilisé. Un mandat pour le moins troublant, entaché de très graves affaires dont les assassinats des leaders Belaïd et Brahmi et de l’ingénieur Mohamed Zouari par le Mossad sur le sol tunisien. Les services spécialisés et les renseignements généraux ont été pointés du doigt, « pour avoir failli à leur devoir ». Alors que les responsables politiques en ont été absous.
Une nouvelle liste est tombée
« Les intérêts avant tout», accuse un haut responsable encore en poste. « L’expérience, le professionnalisme et la neutralité n’étaient plus les critères à prendre compte», déplore-t-il. Un temps qui semble révolu, espère-t-on. De leur côté, les syndicats des différents corps, souvent en conflit ouvert, ont fait part de leur satisfaction quant aux récentes nominations. Les nouveaux responsables semblent jouir de l’estime générale.
Le Président Kaïs Saïed poursuit aujourd’hui une opération de grand nettoyage au bonheur de la majorité des corps de sécurité et d’une partie des Tunisiens. Le temps est venu pour mettre de l’ordre dans un département qui doit être au service d’une nation et des citoyens.
La nomination des nouveaux directeurs généraux s’inscrirait dans une volonté manifeste de placer l’Intérieur à l’abri des tiraillements politiques, après des années marquées, au mieux, par le chaos et l’amateurisme, au pire par une mise sous tutelle. Certaines sources bien informées n’excluent pas de nouvelles nominations qui concerneront les directions générales de la sécurité publique, des services spécialisés, des unités d’intervention, de l’inspection générale, du pôle de lutte contre le terrorisme. Au moment d’écrire ces lignes, une nouvelle liste est tombée.