Même si les décisions annoncées récemment par la présidence de la République paraissent, de prime abord, nécessaires pour encourager les gens à vacciner le plus tôt possible, elles restent, toutefois, contestées par les professionnels du secteur de la santé.
Avec la propagation du variant Delta, la pandémie du covid-19 connaît un regain et les chiffres annoncés par le ministère de la Santé restent approximatifs, voire en deçà de la réalité — question de moyens financiers et matériels —, mais qui reflètent quand même une situation à haut risque et alarmante. Elle est aussi complexe et inacceptable par des citoyens ‘’déconnectés de la réalité’’ covid-19. C’est que les consignes sanitaires ne sont pas toujours respectées, même si les gens comprennent que cela va à l’encontre des directives de la santé publique. Soit, les cérémonies de mariage se poursuivent, les plages sont pleines à craquer, cafés et restaurants quasiment occupés, transports en commun bondés…Tout le monde continue de vivre son quotidien, sans prendre soin de soi, à l’heure où le variant Delta se propage très rapidement depuis quelques semaines et est la cause de plus de 60% de nouveaux cas de cette maladie.
Un assouplissement bienvenu, mais…
Alors, la situation épidémiologique est changée graduellement avec le lancement des journées portes ouvertes de vaccination anti-covid : le nombre d’inscrits sur la plateforme evax.tn s’est élevé, à la date du 17 août 2021, à 5.245.686, alors que pas moins de 4.737.282 personnes ont été vaccinées depuis le démarrage de la campagne nationale de vaccination le 13 mars 2021. Et avec une affluence forte durant les deux dernières journées portes ouvertes, plus d’un million de citoyens, âgés de plus de 18 ans, ont été vaccinés, soit plus de 10% de la population en seulement deux jours. Ce ‘’succès’’ a incité les autorités concernées à alléger les mesures sanitaires qui devraient se faire de manière progressive.
Parmi les décisions annoncées à la date du 18 août 2021 par la présidence de la République, figure une qui nous touche particulièrement en ces temps-ci compliqués et délicats : ‘’Les personnes entièrement vaccinées contre le covid-19 sont autorisées à participer aux rassemblements familiaux, publics et privés dans les espaces ouverts en respectant les consignes sanitaires en vigueur’’. Cette décision et celle relative à l’allégement du couvre-feu étaient les bienvenues pour plusieurs d’entre nous, puisqu’elles vont donner une bouffée d’oxygène à une population quasidéprimée et brisée. Les artistes et les chanteurs ont, à leur tour, salué cette mesure puisqu’ils pourront désormais organiser des événements artistiques, des fêtes, des festivals… Dans ce même cadre, le membre du Syndicat des artistes tunisiens, Nour Chiba, vient de publier, sur sa page Facebook, un post dans lequel il a salué et remercié Mme Nadia Akacha, cheffe du cabinet du président de la République, d’avoir tenu ses promesses et allégé les mesures sanitaires.
Ces mesures controversées
Ces décisions, même si elles paraissent de prime abord importantes et nécessaires pour encourager les gens à vacciner le plus tôt possible, elles restent, toutefois, contestées par les professionnels du secteur de la santé qu’ils jugent déraisonnables au regard d’une situation épidémiologique incertaine et non stable. Pour le médecin et président de la Société tunisienne de pédiatrie (STP), Mohamed Douagi, et d’autres collègues, une telle mesure met la vie de millions de citoyens en danger, avec un peuple inconscient et irresponsable. Alors que pour Hichem Chaibi, médecin généraliste, il ne faut pas crier victoire avant qu’elle ne se réalise, faisant allusion au scénario français. « En France, avec plus de 60% de la population totalement vaccinées contre le covid-19 (plus de 40 millions), le problème n’a pas été résolu; le nombre de patients en réanimation a doublé durant les 15 derniers jours, passant de 900 à 1.900, et les décès covid, qui n’ont pas dépassé les 25 par jour depuis deux mois, ont atteint 111 à la date du 17 août 2021», compare-t-il. En Tunisie, enchaîne-t-il, on est à peine 10% seulement de la population entièrement vaccinée contre le covid19, et plus de 50% des personnes inscrites et convoquées le 15 août 2021 ne se sont pas présentées à la vaccination… « Certes, le pays passe actuellement par une accalmie et dès la prochaine rentrée scolaire, il va y avoir une recrudescence des cas graves, saturation des hôpitaux, manque d’oxygène… Que Dieu nous préserve de cette énième vague tant annoncée », déplore-t-il. Pour Dr Taieb Zouaoui, chirurgien généraliste, si l’arme est efficace, elle est aussi à double tranchant…Pour ce faire, il faut toujours continuer à respecter les mesures barrières sans prendre les choses à la légère. «Nous vivons dans l’attente de bonnes nouvelles qui tardent à venir et quand elles arrivent enfin, on continue à attendre encore… Tant que les prélèvements sont ciblés sur les personnes qui sont symptomatiques, il est important de connaître le nombre de ces tests, les personnes décédées sont-elles de nouvelles contaminées ou des patients qui ont séjourné en réa pendant plus d’un mois », s’interroge-t-il. Mais ce qui est certain, à l’en croire, c’est que le nombre d’hospitalisations pour covid dans les structures sanitaires a baissé à plus de 95%. « Ceci n’est pas un chiffre calculé, mais c’est ce que je vois dans les cinq cliniques où je me déplace », souligne-t-il.
Accélérer la vaccination des enfants
Par ailleurs, Dr Chaibi appelle à accélérer la vaccination chez les enfants, notamment les 12-17 ans. Et de poursuivre, « dans cette affaire, le gouvernement ne semble pas pressé par le temps. Les autorités concernées proposent de commencer progressivement; on assure la rentrée scolaire puis on vaccine le reste des élèves alors que plus on vaccine, plus le virus mute vers la population non vaccinée ». Pour ce faire, précise-t-il encore, les enfants sont aussi une population à prioriser, car plus on vaccine les tranches d’âge avancées, plus les infections affectent la population non vaccinée donc la plus jeune… « Dimanche dernier, on a fait une campagne de vaccination pour les 18-40 ans et donc les prochaines infections vont se retrouver en majorité chez la population de moins de 18 ans. D’où mon appel à les vacciner avant la rentrée scolaire», préconise-t-il, en conclusion.