Accueil A la une Démarrage des travaux du Congrès mondial de la Biodiversité de l’UICN: Notre maison brûle, notre planète en flammes

Démarrage des travaux du Congrès mondial de la Biodiversité de l’UICN: Notre maison brûle, notre planète en flammes

Par notre envoyé spécial à Marseille, Chokri BEN NESSIR


Alerte rouge. Il n’y a pas une planète pour la nature et une autre pour les humains. Il n’y a qu’une seule planète et elle est fortement menacée. Cyclones tropicaux, tornades, foudre et orages de grêle, inondations, incendies et pandémie, l’année 2021 nous a réservé un lot de phénomènes climatiques extrêmes, dont plusieurs ont été meurtriers pour les humains et destructeurs pour la biodiversité. L’intensité de ces phénomènes pourrait à l’avenir être renforcée par l’augmentation de la température de la planète. Mais même si ces évènements ne devraient pas être plus fréquents, ils seront plus intenses, estiment les scientifiques. Mais pour rajouter une couche d’épouvante, la biodiversité de notre planète disparaît à un rythme galopant et se dégrade à vue d’œil.  En moins d’un demi-siècle, les deux tiers  des  populations de mammifères, d’oiseaux, d’amphibiens, de reptiles et de poissons ont disparu. Les pays arabes et de l’Afrique du Nord seront exposés à ces phénomènes extrêmes et porteurs de tous les dangers si rien n’est fait.

A cet effet, une délégation tunisienne de haut niveau composée de hauts cadres du ministères de l’Environnement, des représentants du WWF, d’ONG et d’associations spécialisée dans le plaidoyer pour les causes environnementales, ont pris part aux travaux du congrès d’une façon active et remarquée. Cette forte participation découle du fait qu’après le One Planet Summit biodiversité qui s’est tenu à Paris en janvier, le Congrès mondial de la biodiversité de l’Uicn, est la principale étape internationale avant la COP 15 de Kunming qui devrait aboutir à un accord mondial ambitieux sur la préservation de la biodiversité. 

Une grande mobilisation

Les acteurs gouvernementaux, les ONG, les autorités locales, les scientifiques et les spécialistes de par le monde ont débarqué à la cité phocéenne qui abrite le congrès avec à cœur d’identifier les initiatives à poursuivre ou à mettre en œuvre pour que la relance post-Covid soit verte, pour que la mobilisation mondiale en amont de la COP15 soit à la hauteur du défi de la protection de la biodiversité, et pour que les liens entre nature, climat et santé humaine soient pleinement reconnus.

Cérémonie

Après une série de discours prononcés par Zhang Xinsheng, président de l’Uicn, par Audrey Azoulay, directrice générale de l’Unesco, par Benoît Payan, maire de Marseille, et en ligne par Li Keqiang, Premier ministre de la République populaire de Chine, et David Ige, gouverneur de l’État d’Hawai, Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, a modéré une session interactive présidée par le président Emmanuel Macron en présence de Sebastião Salgado, photographe documentaire social et photojournaliste brésilien, de Frans Timmermans, vice-président exécutif de la Commission européenne, de Mahamadou Issoufou, ancien président du Niger, de Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne, et de Gilbert Fossoun Houngbo, président du Fonds international de développement agricole.

Kyriakos Mitsotakis, Premier ministre de la Grèce, et Charles Michel, président du Conseil européen, ont aussi donné leurs points de vue sur les synergies biodiversité-climat. La vedette du cinéma américain Harrison Ford, a pour sa part livré un message fort à l’adresse de la communauté international pour s’engager davantage dans le combat pour la sauvegarde de la nature et des populations autochtones.

« Nous avons du retard »

A l’ouverture des travaux, le président de la République Française, Emmanuel Macron, a déclaré que « Nous avons du retard sur la biodiversité. On doit le rattraper. C’est pour moi le caractère vraiment vital de ce que nous sommes en train de décider. On doit donc bâtir de nouvelles méthodologies. On doit réussir à éveiller toutes les consciences et on doit mieux mesurer et tracer des perspectives et une planification commune ».

Pour sa part, le président de l’Uicn, Zhang Xinsheng, a indiqué dans son intervention que « Les scientifiques disent que l’état de l’environnement et de l’écologie peut se dégrader en affectant toutes les formes de vie et c’est un signal fort qu’ils nous envoient pour sauvegarder les bénéfices que nous apporte la nature et faire face au risque sinon nous en paierons le prix. Les générations futures nous jugeront », a-t-il mis en garde.

« Il nous faut donc nous doter des instruments nécessaires pour un avenir durable qui soit efficace lors de cette décennie. Nous devons corriger les déséquilibres et devons reconnaître la valeur de l’égalité de genre dans nos sociétés. Notre cadre pour la biodiversité post- 2020 doit être universel et nouveau et nous permettre de nous transformer. Il doit apporter aussi et soutenir une relance économique qui respecte la nature, qui soit juste et inclusive », a-t-il renchéri. « La tâche est immense mais je reste optimiste. Je suis certain que des mesures importantes seront prises pour protéger la nature et ma confiance vient de l’engagement que je sens dans cette salle lors de ce congrès de la nature à Marseille », a-t-il conclu.

Une longue histoire

Audrey Azoulay, directrice générale de l’Unesco, est revenue sur la longue histoire organique, fraternelle qui lie depuis 1948 les Nations unies et l’Unesco à l’Uicn et qui arrive aujourd’hui à un moment particulièrement critique parce que « nous le savons, nous nous retrouvons dans un contexte d’alerte rouge », a-elle assuré. « Notre planète est littéralement en flammes quand elle n’est pas sous les trombes d’eau, sous les déluges comme encore hier sur la côte Est des Etats unis ». « Le dernier rapport mondial lancé à l’Unesco par la France en 2019 soulignait déjà que l’extinction de la biodiversité n’était plus une menace mais un processus bien installé », a-t-elle révélé.

« Nous devons donc entendre comme un même phénomène autant l’alarme des mégafeux que le silence des oiseaux qui s’installe dans nos campagnes dans nos forêts et aussi surmonter l’apathie quand ce n’est pas le déni face à la tragédie sous les mers qui se joue notamment autour des grands récifs coralliens et avec cet effondrement qui menace non seulement la survie humaine qui est en jeu mais c’est aussi la beauté, la poésie, la diversité du monde qui risquent de s’évanouir. C’est une régression qui sera tragique pour l’humanité si nous ne réagissons pas parce que la diversité du vivant, c’est aussi la diversité du langage, c’est aussi la diversité des cultures, c’est aussi le monde de la création ».

La Chine s’engage

Dans le même sillage, le Premier ministre chinois Li Keqiang a appelé la communauté internationale à promouvoir « la construction d’un monde magnifique dans lequel l’humanité et la nature vivent ensemble en harmonie ». Selon M. Li, au cours des dernières années, le gouvernement chinois a attaché une grande importance à la protection de l’environnement et au développement durable. « En tant que grand pays avec une population de 1,4 milliard d’habitants, la Chine respecte la nature, se conforme à la nature, protège la nature et soutient le concept de civilisation écologique dans le processus de réalisation de la modernisation socialiste », a-t-il noté. Pour lui, il est nécessaire de prendre en compte « de manière exhaustive les différents éléments de l’écologie naturelle, de renforcer la protection des océans, des forêts, des prairies et des zones humides, ainsi que d’améliorer la restauration des zones de protection des espèces sauvages menacées et des corridors écologiques ».

Les îles en première ligne

Quand à David Ige, gouverneur de l’État d’Hawai, « Hawaï et les autres îles océaniques se trouvent en première ligne de la crise climatique ». « La culture de conservation qui imprègne nos valeurs autochtones dans une relation avec l’environnement naturel sont une source d’inspiration et de progrès.  Nous devons déterminer le bon cap à suivre pour notre terre insulaire », a-t-il insisté.

Benoît Payan, maire de Marseille, a présenté la fabuleuse biodiversité de la ville et les menaces qui pèsent sur elle. « Avec nos 57 km de littoral, nos îles, nos massifs et notre parc national à la fois terrestre, marin, insulaires et périurbain, Marseille déploie une biodiversité exceptionnelle. Ici, dans ces paysages somptueux, se cache une biodiversité incroyable de plusieurs milliers d’espèces mais dont des centaines d’entre elles sont menacées. Acteurs associatifs entrepreneurs, collectivités, gouvernements, organisations internationales, nous sommes convoqués à agir sur le défi majeur de notre temps, la protection de la nature, la protection du vivant et les villes du monde sont en première ligne sur les questions de préservation de la biodiversité », a-t-il souligné.

Selon ses affirmations, l’indice général d’abondance des espèces méditerranéennes a décliné de 20 % en vingt ans et en particulier dans les écosystèmes aquatiques.

« Nous sommes devenus les gardiens d’un jardin qui se meurt », a-t-il lancé en cri de détresse.

Une décennie déterminante

Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, a affirmé que « la décennie qui s’ouvre sera déterminante pour le climat et la biodiversité, pour garantir les conditions de notre survie et celle des générations futures. Ce congrès, qui doit classer les enjeux liés à la protection des écosystèmes au cœur de la réflexion sur l’après Covid-19 et après le One Planet Summit de janvier et à quelques mois avant la COP 15,  prend un sens particulier car tous les pays doivent faire preuve d’ambition et de responsabilité pour obtenir un nouveau cadre stratégique mondial en faveur de la biodiversité ». Elle n’a pas caché que la France a « des attentes très fortes à cet égard » car cette décennie sera cruciale, que ce soit pour le climat ou pour la biodiversité. « Le congrès mondial pour la nature, c’est l’occasion de mobiliser la communauté internationale en faveur de la préservation de la biodiversité et cette cérémonie d’ouverture doit jouer un rôle important en ce sens d’autant que nous approchons de la cop 15 qui doit nous permettre d’enrayer la perte de la biodiversité et nous mettre sur une trajectoire crédible d’ici à 2030 pour atteindre l’objectif clair de vivre en harmonie avec la nature d’ici à 2050 », a-t-elle conclu.

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