L’arrestation de l’homme d’affaires Mehdi Ben Gharbia constitue-t-elle le prélude d’une nouvelle ère qui mettra fin à une justice à double vitesse longtemps soumise à l’interférence du pouvoir politique et pointée du doigt par le locataire de Carthage à maintes reprises ? Indubitablement, depuis le 25 juillet dernier, la donne a changé.
Mehdi Ben Gharbia, homme d’affaires, ancien ministre et député à l’Assemblée des représentants du peuple dont les activités ont été suspendues, a été placé en garde à vue ce dimanche 17 octobre sur décision du ministère public près le Tribunal de première instance de Tunis pour des soupçons de fraude fiscale et de blanchiment d’argent suite à un interrogatoire marathon aux locaux de l’unité centrale de lutte contre les crimes économiques et financiers relevant de la Garde nationale. Il a été transféré à l’hôpital au terme des longues heures d’audition, selon son avocat Ahmed Souab.
Au moment où l’on est encore au stade de l’enquête judiciaire assortie d’une mise en garde à vue durant cinq jours, Ben Gharbia clame toujours son innocence et dit qu’il est victime d’une campagne de diffamation et de diabolisation ciblant sa personne. Son comité de défense a fustigé dans un communiqué rendu public des «irrégularités procédurales» graves.
L’arrestation de l’homme d’affaires en question constitue-t-elle le prélude d’une nouvelle ère qui mettra fin à une justice à double vitesse longtemps soumise à l’interférence du pouvoir politique et pointée du doigt par le locataire de Carthage à maintes reprises ? Indubitablement, depuis le 25 juillet dernier, la donne a changé.
Perquisition des domiciles et entreprises de Ben Gharbia
D’après la déclaration de l’avocat Ahmed Souab, le ministère public avait autorisé la perquisition des domiciles et entreprises de son client le samedi 16 octobre. Il a fait savoir que ces perquisitions ainsi que l’audition de ce dernier ont été marquées par des irrégularités procédurales qui ont rendu impossible tout contact entre Ben Gharbia et ses avocats, selon ses dires.
Dans un communiqué, le comité de défense de l’homme d’affaires a exposé les «violations» enregistrées lors de l’audition, ce qui les a acculés à quitter la caserne de l’Aouina en signe de protestation. Le comité a souligné que les perquisitions ont été effectuées sans la présence d’avocats de Ben Gharbia, qualifiant d’illégale sa détention et concluant qu’il a été la cible d’une «campagne calomnieuse, politisée et soutenue par des parties influentes». Il a rappelé à ce titre que Mehdi Ben Gharbia avait déjà subi un interrogatoire de 15 heures le 30 septembre dernier et que les récentes perquisitions n’ont rien livré et n’ont pas conduit à la saisie de documents ou autres éléments susceptibles de confirmer les soupçons portés à son encontre pour blanchiment d’argent et fraude fiscale.
Ben Gharbia se dit victime d’un chantage
Depuis le drame familial qui a secoué sa vie, Mehdi Ben Gharbia est devenu la cible de plusieurs rumeurs se rapportant sur son implication présumée dans des affaires de corruption, de contrebande et même de trafic d’organes. Il est diabolisé, lynché et accusé de tous les maux. Son nom est cité même dans le meurtre de la jeune Rahma en 2020! En dépit de la plainte qu’il dépose à l’encontre du colporteur de ces fausses informations, il s’étonne de voir que c’est lui qui est auditionné dans le cadre d’une affaire de corruption le 28 septembre dernier.
La présence de la police à proximité de son domicile avant son arrestation l’avait poussé à réagir et partager une vidéo sur les réseaux sociaux, dans laquelle il nie tout en bloc, rappelle qu’il a procédé à la déclaration de ses biens dans les règles de l’art, qu’aucune plainte n’a été déposée contre lui et qu’il reste à la disposition des autorités judiciaires. Pour conclure, il dit qu’il est victime d’un chantage.
Mais ce n’est pas la première fois que Mehdi Ben Gharbia est accusé de suspicion de corruption. En avril 2017, le Pdg d’une compagnie aérienne cargo tunisienne avait aussi accusé Tunisair de favoritisme au profit d’une société appartenant à un membre du gouvernement (Il s’agit en l’occurrence de Mehdi Ben Gharbia et de sa société privée spécialisée dans le fret aérien) enfreignant ainsi les règles de la concurrence. Cette accusation avait été relayée par Hamma Hammami lors d’un passage télévisé sur une chaîne privée à la même date.
Ben Gharbia n’a pas été inquiété pour autant et l’enquête judiciaire ouverte à ce propos a été close sans qu’il ne soit auditionné ou accusé.
Sa désignation en tant que ministre chargé des Relations avec les instances constitutionnelles et la société civile et des Droits de l’homme en juin 2017 avait provoqué le courroux de Yassine Brahim (ancien ministre et ancien président du parti Afek Tounès). Et pour cause, ce dernier avait accusé Ben Gharbia d’être «mêlé à des affaires de corruption». Des accusations qui sont restées sans suite.
Membre de l’Assemblée nationale constituante de 2011, puis de l’ARP (2014/2016 et en 2019), Ben Gharbia, originaire de la ville de Bizerte, est passé durant son parcours politique du parti Ennahdha à la fin des années 80 au Parti démocratique progressiste (PDP) à Tahya Tounes puis a rejoint le bloc social, démocrate. Sa double vie de politique-homme d’affaires n’a pas été un long fleuve tranquille puisqu’il a connu la prison à la fin des années 80 en raison de son appartenance au parti Ennahdha.
Il a entamé sa carrière professionnelle au début de l’année 2001 avec la reprise d’une société spécialisée dans le fret aérien et créé et développé par la suite d’autres entreprises.
L’interférence entre les deux mondes (affairisme et politique) n’a fait qu’accentuer les rumeurs autour de la présumée impunité dont il jouissait après la révolution et notamment avant le 25 juillet dernier.