Depuis 2011, en Tunisie, le repli des exportations, la baisse des investissements, le recul de la production industrielle, l’amplification du déficit courant et du déficit budgétaire sont autant de facteurs qui ont impacté négativement la croissance économique, l’emploi et le pouvoir d’achat.
Avec la pandémie, notamment, la détérioration de ces fondamentaux, la position financière de l’Etat s’est trop fortement dégradée : le repli des revenus de l’Etat, l’augmentation considérable de l’endettement public a explosé. Et cela concerne aussi bien l’endettement extérieur que l’endettement intérieur.
Aujourd’hui, l’analyse de la viabilité de la dette publique selon les projections du FMI établit que la Tunisie présente un niveau excessif de risque et que sa dette extérieure est au seuil de l’insoutenabilité à court et moyen termes.
En outre, cette analyse sert de fondement aux mesures d’ajustement pour doser les instruments aux pays sur la manière où les ajustements peuvent être faits : augmenter les recettes (par la fiscalité), réduire les dépenses (via des coupes budgétaires, notamment de consommation publique et de dépenses courantes) ou bien, relancer (via l’investissement public d’infrastructure) pour accroître, le PIB. Deux protocoles de politique économique diamétralement opposés pour redresser la dérive récessionniste.
Or, les effets macroéconomiques de la dette sont pervers et versatiles. Certes, un large consensus est établi pour considérer que l’endettement public, notamment, dope la croissance économique et l’emploi. A court terme, le déficit public augmente la demande globale et impacte positivement l’activité, les revenus et le PIB.
A moyen terme, l’endettement public a un effet pervers cumulatif… La hausse du ratio de dette publique conduirait à un repli de la croissance, au-delà d’un seuil : il s’agit de l’effet de seuil de la dette. Ce que les pouvoirs publics, en Tunisie, redoutent le plus.
L’effet seuil de la dette publique se transmet via quatre canaux :
Le premier mécanisme, l’effet d’éviction : l’effet d’éviction de l’investissement privé productif, créateur d’emplois est le plus pernicieux. Si l’Etat s’endette de plus en plus, il devra trouver des financements intérieurs et/ou extérieurs pour assurer son budget.
Au financement intérieur, les agents privés vont prêter leur épargne à l’Etat, résultat des courses, cette épargne privée sera détournée au profit de l’Etat, et au détriment de l’investissement privé créateur d’emploi et de croissance économique. A moyen terme, la croissance économique sera affaiblie.
Le deuxième mécanisme, la hausse des taux de l’intérêt : l’Etat, par un endettement intérieur, va être en concurrence avec le secteur privé, pour collecter des fonds sur les marchés des capitaux. Cette concurrence s’exprime via le taux de l’intérêt qui aura tendance à augmenter suite à l’augmentation de la demande de fonds. La hausse des taux de l’intérêt aura, comme conséquence, un accoisement des charges financières des entreprises notamment, et une réduction des marges de profits et donc une tendance à la baisse des investissements productifs et d’emplois… Sans compter que la hausse des taux va décourager l’investissement privé (productif) et des ménages (construction de logements neufs).
Le troisième mécanisme, la hausse du niveau général des prix, l’inflation : à la hausse des charges financières correspondra celle des prix d’offre des produits industriels notamment. D’où des tensions inflationnistes qui vont impacter négativement le pouvoir d’achat des ménages et la demande de consommation privée.
Le quatrième mécanisme, la hausse des taux d’imposition : à l’accroissement de l’endettement de l’Etat, suivra celui des impôts nécessaires au paiement des services de la dette. La hausse de la fiscalité réduit à son tour le revenu et l’épargne privée… et donc celui de l’investissement privé, moteur de la croissance. Sans compter qu’un réajustement des taux de prélèvement, on introduit également de distorsions nouvelles dans l’économie.
La controverse sur la dette est présente dans tous les pays quel que soit leur niveau de développement économique. En outre, cette controverse se trouve amplifiée par une pandémie qui perdure.
Dans un pays en crise multiforme, l’actualité économique est ponctuée par les tenants et les aboutissants de la dette publique, en termes de soutenabilité et de financement, dont les effets sur la stabilité macroéconomique et, partant, sur le bien-être social, ne sont pas neutres.
Economistes et responsables politique, reconnaissent que la dette est incontournable pour financer le développement, mais qu’il existe un seuil au-delà duquel elle devient perverse pour l’économie.
En Tunisie, aujourd’hui, le débat lancinant reste ouvert sur les effets pervers du niveau insoutenable de la dette et la manière de la restructurer. Austérité ou Relance budgétaire en période de crise d’endettement ?
S’il existe une réponse pour laquelle tous les économistes s’accordent est qu’il n’existe pas de consensus sur les prescriptions et chaque cas est spécifique.
A suivre : la sortie de crise revisitée… (3)
De la stabilisation au redressement :
«L’approche mixte»