
• Des milliers de tonnes de résidus de broyage automobile en provenance d’Italie ont été acheminées illégalement vers des pays africains, dont la Tunisie, depuis le mois d’avril 2019, selon le député suspendu Mejdi Karbai.
• Le réseau mafieux «Ndrangheta calabraise» impliqué dans cette affaire.
• Le ministère de l’Environnement (encore et toujours) dans le box des accusés.
• Deux anciens ministres de l’Environnement mis en détention. Ce poste serait-il devenu une responsabilité à risques?
Le député dont les activités sont gelées, Mejdi Karbai, du parti Attayar vient de jeter un pavé dans la mare en dévoilant cette semaine une autre affaire qui ne fait qu’assombrir encore plus le tableau environnemental et confirmer une triste réalité que personne n’ignore. Des réseaux mafieux ont profité de la dernière décennie pour faire du pays un dépotoir à ciel ouvert. Les délégations spéciales post-révolution et la nouvelle expérience des collectivités locales ont permis l’émergence de conseils municipaux au service de la politique et contribué au renforcement de ces réseaux. Il a fallu l’affaire des déchets importés d’Italie pour mettre en évidence l’existence de tels réseaux qui opéraient sur notre territoire en toute impunité et parfois avec la complicité de certains décideurs qui se trouvent aujourd’hui derrière les barreaux.
Une affaire peut en cacher une autre
Les services de la Douane tunisienne ont donné un sacré coup de pied dans la fourmilière et précipité l’arrestation du ministre des Affaires locales et de l’Environnement, Mustapha Aroui, son chef de cabinet, plusieurs hauts cadres de divers départements, ainsi qu’un très haut gradé de la Douane dans le cadre de l’Affaire des déchets italiens. En tout, une quinzaine d’arrestations enregistrées a déclaré le porte-parole du Tribunal de première instance de Sousse 1, Jabeur Ghnimi. Mais comme une affaire peut en cacher une autre, voilà que le député suspendu, Majdi Karbai, s’appuyant sur un extrait d’un document rapporté le 11 novembre 2021 par le tribunal de Calabre au Sud-Ouest de l’Italie, lève le voile sur une nouvelle affaire, non moins grave impliquant, en premier lieu, le ministère de l’Environnement.
Selon le député suspendu, une nouvelle affaire a été démantelée par les unités sécuritaires italiennes (Carabinieri) incriminant la Ndrangheta calabraise (un réseau mafieux) dans le commerce prohibé de résidus de broyage des véhicules hors d’usage.
Dans sa déclaration à une radio privée, le concerné ajoute que ces déchets ont été acheminés vers un port situé à 50 km de la capitale Tunis à partir d’avril 2019 jusqu’au mois de juin de la même année, c’est-à-dire celui de Bizerte, et ce, avec le concours du ministère de l’Environnement de cette période, selon ses dires. Ces déchets sont destinés à des pays africains dont la Tunisie, fait-il encore savoir.
Le spectre hideux de la corruption
A ce titre, il est à souligner que selon la législation en vigueur dans les pays de l’Union européenne, «les déchets issus de l’industrie automobile nécessitent un traitement spécifique et font tout d’abord l’objet d’un tri. Ils sont ensuite stockés avant d’être transportés vers un centre de traitement.
A la charge du garage ou de l’atelier, leur élimination doit s’effectuer par le biais d’une filière légale, via un prestataire agréé, de façon à éviter tout risque de pollution». On ne badine pas avec l’environnement du côté de la rive nord de la Méditerranée, mais cela n’est malheureusement pas le cas pour ce qui est des pays africains.
Toutefois, derrière cette affaire se cache en réalité le spectre hideux de l’hydre de la corruption qui gagne toujours du terrain, comme en témoigne la mise en détention jeudi 11 novembre de Chokri Belhassen (ancien ministre de l’Environnement) et du député Mohamed Salah Ltifi pour suspicion de contrebande de déchets de cuivre, sur ordre du parquet du Pôle judiciaire économique et financier.
A cet effet, la troisième brigade relevant de la Garde nationale de l’Aounia a été chargée d’enquêter sur une suspicion de crime douanier relatif au change et un délit de faux et usage de faux. Déjà deux anciens ministres de l’Environnement sont mis en détention. Ce poste serait-il devenu à risques?
Depuis le 25 juillet dernier, plusieurs ministres, hommes d’affaires et hauts responsables ont été impliqués dans des affaires de corruption et mis en détention. Les locaux de l’Instance nationale de lutte contre la corruption ont été évacués et fermés par la force publique et son président a été assigné à résidence jusqu’au début du mois d’octobre dernier.
Avec le scandale des affaires de déchets ayant conduit à l’arrestation d’anciens ministres, un grand pas a été franchi depuis le 25 juillet dans la lutte contre l’impunité certes, mais il semble bien que le pays fait aujourd’hui face au crime organisé transnational qui a notamment permis la banalisation de la corruption à toutes les échelles.Du pain sur la planche pour le nouveau gouvernement.