Accueil Culture Artistes en résidence au Centre des Arts Vivants de Radès – Oeuvre de Mariem Barka: Dissection de l’affect

Artistes en résidence au Centre des Arts Vivants de Radès – Oeuvre de Mariem Barka: Dissection de l’affect

C’est son parcours de doctorante, la fébrilité de la recherche qui a opéré en elle un travail introspectif, où elle dit s’être rencontrée pour saisir les différents aspects et autres manifestations de son être le plus profond. De cette rencontre découle son projet élaboré lors de la résidence.

Chaque année, le Centre des arts vivants de Radès (Cavr) accueille trois artistes durant 11 mois mettant à leur disposition des ateliers individuels et une petite bourse pour les aider à se consacrer à un projet artistique de leur choix. La sélection des candidats se fait annuellement par une commission qui siège au ministère des Affaires culturelles, suite à un appel à candidature avec présentation d’un dossier et d’un programme de travail.

Les trois jeunes artistes, Siryne Eloued, Mouna Fradi et Mariem Barka, ont fait partie la promotion 2020/2021, leurs travaux de sortie de résidence ont été dévoilés, du 26 septembre au 2 octobre 2021, au Cavr dans le cadre d’une exposition intitulée «Oneiros», elles y ont présenté les traces de leurs pérégrinations artistiques.

Nous avons consacré une série de trois papiers pour présenter les travaux de ces dernières résidentes, que nous clôturons avec le projet «Monstre – monstruosité» de Mariem Barka.

Née le 26 avril 1990, Mariem a fait des études en arts plastiques, spécialité peinture à l’Institut supérieur des Beaux-Arts de Tunis (promotion 2013). Elle a enchaîné avec un master de recherche en arts visuels pour se consacrer par la suite à sa pratique artistique, présentant ses travaux dans le cadre d’expositions collectives, entre autres, au Palais Kheireddine à Tunis et au centre culturel de Sousse.

La jeune femme a étudié, pendant 5 ans, l’allemand, cela lui a ouvert les portes d’une résidence artistique à Salzbourg en Autriche, en 2017 et d’un stage à Osmodrama Gesellschaft für Olfaktive Kunst à Berlin en 2019. Dans cette même ville, elle a pris part, la même année, à une exposition de livres d’artistes. Mariem a participé à des séminaires et autres formations en France, en Égypte, en Allemagne et en Autriche.

Actuellement doctorante en 5e année, elle attend de soutenir sa thèse en sciences et techniques des arts à l’Institut supérieur des Beaux-Arts de Tunis (doctorat sur la pratique des livres d’artistes).

C’est son parcours de doctorante, la fébrilité de la recherche qui a opéré en elle un travail introspectif, où elle dit s’être rencontrée pour saisir les différents aspects et autres manifestations de son être le plus profond. De cette rencontre découle son projet élaboré lors de la résidence.

La jeune artiste a pris conscience des différentes formes qui l’habitent et qui la forment: «J’ai appris à travers la rédaction de ma thèse ainsi que dans la rédaction d’articles scientifiques à mieux me connaître. J’ai pu mieux me connaître aussi en apprenant une langue étrangère pendant cinq ans. Pour mieux dire : j’ai appris que le plus essentiel dans ce cheminement méthodologique, linguistique et poïétique est cette quête de soi, l’espace où je me suis retrouvée seule face à ma pratique, face aux livres…», note-t-elle.

Les heures interminables de solitude choisie, à fouiner dans les archives, à investiguer, à fréquenter bibliothèques et autres espaces, opèrent en elle un travail introspectif. Elle creusa dans les tréfonds de son être, dans les interstices de son affect et dans les petits recoins de son intime…». Comment tient toute cette volupté ficelée à l’intérieur de soi ?», s’est-elle alors demandée.

Se présente à elle l’indéniable constat qu’en chacun de nous, se cache un monstre… qui ne figure pas forcément un traumatisme, un souvenir frappant, une frustration ou autre fait choquant, dit-elle, mais plutôt qui relèverait d’une force mystérieuse, d’un élan de passions : «Ce monstre que je veux saisir, disséquer et analyser porte un message de force et d’amour pour ce que je fais. Il est la manifestation extrêmement dure, donnée aux sens par des objets concrets, des phénomènes physiques, et que l’on se plaît à goûter dans toute sa plénitude, mais auquel on est parfois obligé de résister…», explique-t-elle. 

De ces cogitations lui vint l’envie de transcrire cette figure monstrueuse qui la fascine et qu’elle veut saisir. Elle la capte, la laisse jaillir, la met au jour, en lui donnant forme, en explorant surtout, comme elle le souligne, son côté informel, ses transhumances, ses mutations…» La première idée qui m’est venue à l’esprit, c’était de dessiner des êtres fantastiques que je considérais comme formes. C’était le point de départ de mon aventure plastique. «Après, j’ai découvert que le monstrueux serait ce qui n’a pas de forme au sens d’une totalité définie et unique», note-t-elle dans ce sens. Cela a donné lieu, d’abord, à un premier jet de dessins exécutés au stylo rapido sur des petits formats faits de fragments et de détails de corps et de figures «étranges», hybrides alliant faune et flore, ou encore anthropomorphes, insectoïdes, filamenteux … Des parties qu’elle dérobe au «monstre», qu’elle dompte picturalement, et qui daignent se montrer sous certaines formes.

En creusant dans plus de subjectivité, ses dessins mutent, à l’instar du «monstre» qu’ils représentent et deviennent progressivement plus invasifs, se propageant dans des compositions labyrinthiques.

Son travail procède, comme elle le note, d’une autopsie affective. «C’était lors d’un confinement de deux mois, j’étais restée seule sans parler à personne, enfermant en moi différentes émotions. Tout ce qui me liait au monde était les réseaux sociaux. Cela m’a permis de découvrir un nouveau côté en moi que j’ai décidé de libérer à travers mes dessins.»

Une œuvre à découvrir. Bonne continuation !

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