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Détérioration du pouvoir d’achat: La responsabilité est collective

Devant la flambée inédite des prix (dans tous les domaines : médicaments, produits alimentaires, matériaux de construction, pièces de rechange automobile, etc.), chacun cherche le vrai responsable, le coupable désigné. On pointe, alors, les spéculateurs, les intermédiaires, la mafia économique et on en passe.

On oublie, toutefois, de se remettre en question. On oublie que la responsabilité incombe à tout le monde. Cette “épidémie” (c’en est, vraiment, une) est globale. Elle implique toute la société. Aussi bien le consommateur que ses différents vis-à-vis économiques.

La détérioration, sans précédent, du pouvoir d’achat du Tunisien est due à des facteurs complexes et le citoyen y a une large part de responsabilité. Ni lui ni ceux qui embrassent sa cause (associations ou organisations de défense, de conseil ou d’information des consommateurs) n’ont adopté les dispositions concrètes pour essayer de barrer la route aux profiteurs.

Que d’abus !

D’un côté, personne n’a été capable de changer quoi que ce soit dans ce paysage désorganisé et échappant à tout contrôle. D’un autre côté, les autorités officielles semblent prêcher dans le désert. Des opérations de contrôle sont menées, des amendes sont (nous dit-on) distribuées à tour de bras, des marchandises en quantités incroyables sont saisies, etc. Mais, paradoxalement, le phénomène s’amplifie et se généralise.

On se demande si c’est, là, la vraie stratégie. Les responsables ont beau faire des annonces les unes après les autres, la donne reste inchangée. Sur le terrain, le consommateur ne constate rien de palpable. La plupart des produits voient leurs prix augmenter sans cesse et les abus sont devenus le lot quotidien des acheteurs. A côté de ces pratiques, de nombreux marchands et commerçants (on ne parle pas, uniquement de produits de forte consommation) se livrent à des combines plus préjudiciables comme les fraudes sur la qualité et le poids, les marchandises contrefaites écoulées au prix fort ainsi que la vente conditionnée.

Autant d’abus qui restent impunis parce que les autorités sont incapables de mettre sur pied les moyens humains nécessaires ou parce qu’il y a d’anciennes pratiques qui persistent encore et qui empêchent d’arriver à des solutions radicales.

On comprend, donc, pourquoi la responsabilité dans cette situation n’est pas à mettre sur le compte d’une seule partie plutôt que sur une autre. Il est vrai que les profiteurs de tout acabit sont là et imposent leur loi. C’est eux qui tiennent les commandes et font la pluie et le beau temps.

La responsabilité des commerces de proximité

Pourtant, il est utile de ne pas perdre de vue un autre phénomène tout aussi invisible et insaisissable. Il s’agit des commerces de proximité. On entend par là, les petits commerces comme les épiciers, les hammassas, les libraires, les bouchers, les marchands de fruits et de légumes, les quincailleries et autres similaires. C’est dans cet univers que tout se trame, aussi. Ces gens sont pris dans l’engrenage ambiant et n’ont pas laissé l’occasion leur échapper d’entre les mains. Ils sont entrés dans la danse sans aucun scrupule. Nombreux sont ceux qui pratiquent des prix sans aucun lien avec la réalité du marché. A l’exception des articles connus ou soumis à la compensation, tous les autres connaissent des tarifs des plus vertigineux.

C’est à contre-cœur que des épiciers vendent du pain ou de l’huile subventionnée (si elle est disponible). La marge bénéficiaire est très minime. Ils préfèrent l’huile vendue à 5 dinars et plus le litre qui leur permet de gagner jusqu’à l’équivalent d’une bouteille subventionnée. L’essentiel des gains est fait sur des produits comme les boissons, les jus, les dentifrices, les savons…

Si ces petits commerçants acceptent d’écouler des produits compensés, c’est tout simplement pour continuer à retenir une clientèle résignée et sans défense.

Le boucher, quant à lui, n’en fait qu’à sa tête. C’est lui qui fixe les tarifs. C’est lui qui décide de tout sans avoir de compte à rendre à qui que ce soit. Le vendeur d’œufs et de volailles se bouche les oreilles et ne veut rien entendre concernant les tarifs officiels fixant les prix des œufs et de la viande blanche.

Le libraire du coin, lui aussi, s’en donne à cœur joie et pratique des prix hors de tout entendement. Un simple stylo n’est pas à prendre en dessous de 700 millimes, voire plus. Un stylo qui s’assèche au bout de quelques jours. Ceci sans parler des nouvelles pratiques qui émergent aujourd’hui entre ces libraires et certains enseignants du primaire au secondaire en passant par le préparatoire.

En effet, de plus en plus d’enseignants se mettent d’accord avec un libraire proche de l’établissement scolaire pour vendre des cours, des exercices ou des supports de cours ! Sous forme de copies, ces documents sont confiés aux libraires qui les remettent aux élèves contre une somme d’argent. Certes, l’argent sera empoché par le libraire et l’enseignant. Ce qui est très grave, c’est que les prix de ces outils sont très élevés. Parfois ils atteignent le double du prix d’un manuel scolaire.

Dans le temps, de tels travaux étaient réalisés dans l’établissement scolaire. Sans contrepartie matérielle.

Une lutte perdue d’avance ?

Dans ce cas est-il concevable d’user de telles pratiques ? Comment peut-on laisser ce phénomène se développer sans réagir ? La question est posée.

Mais pour revenir au fond du problème des prix et de la cherté de la vie, il y a tout à parier que les divers acteurs ne sont pas près de lâcher prise. Augmenter les prix au rythme que l’on sait est le moyen le plus court et le plus rapide pour s’enrichir aux dépens du pauvre citoyen. Ce dernier n’ayant aucun moyen de défense. Sa passivité est telle qu’elle laisse le champ libre devant tous les profiteurs et les voleurs pour le plumer davantage et aggraver sa situation. Cette passivité est d’autant plus dramatique que le consommateur tunisien est incapable d’autodéfense. Il se laisse mener, facilement, par le bout du nez.

Sinon, comment comprendre son attitude devant des produits exotiques comme les bananes, les kiwis, l’ananas, etc. A-t-on besoin de les acheter ? Car, de ce fait, on offre aux commerçants de ces produits des occasions pour s’enrichir davantage. Tout le monde sait que c’est une hémorragie de devises inutile. Mais le mystère est toujours là.

L’opacité continue à caractériser toutes les pratiques commerciales et les solutions (radicales !) tardent à venir. Décidément, on a l’impression que de ce côté-là, il n’y a que la loi des commerçants qui marche. L’Etat serait-il, déjà, out ?

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