Il y a quelques jours, le tonituant cheikh Mohamed Hentati, qui était l’invité de l’émission Al Ekhtiar sur Ettassia TV, affirmait avoir « des preuves » que Béji Caïd Essebsi était mort par empoisonnement et qu’Ennahdha serait derrière cet « assassinat ». Des déclarations qui ont jeté un pavé dans la mare dans un contexte où le Chef de l’État, Kaïs Saïed, ne cesse de multiplier les déclarations sur des comploteurs et des traîtres qui envisagent des scénarios d’assassinats ciblant sa personne et ses proches collaborateurs.
La dernière en date fut l’interception d’une conversation téléphonique évoquant un complot dont la date a été même définie au cours de cette communication dont le contenu a été intercepté par le ministre de l’Intérieur, Taoufik Charfeddine. Une enquête a été diligentée par le parquet suite à ces affirmations.
Déjà en août 2020, une enquête avait été ouverte suite à un rapport réalisé sur la base d’informations fournies par un individu qui a affirmé avoir été approché pour mettre du poison dans le pain de la boulangerie qui fournit le palais présidentiel. Mais qui a rapidement été classée pour « manque de preuves ».
Ensuite, c’est au tour de l’affaire dite du « courrier empoisonné » de faire son apparition. Et c’est le cabinet présidentiel lui-même qui a donné des éléments détaillés, par le biais d’un communiqué rendu public sur la page officielle Facebook de la présidence de la République.
Toutefois, le ministère public près le Tribunal de première instance de Tunis a indiqué dans un communiqué rendu public le vendredi 29 janvier 2021, et publié par l’agence de presse TAP, avoir demandé un rapport du ministère de l’Intérieur concernant la prétendue lettre empoisonnée et que le rapport de la police scientifique qui lui a été adressé ne fait état d’aucune présence de matière suspecte toxique, stupéfiante, dangereuse ou explosive.
Les révélations du Cheikh Hentati
Mais cette fois-ci, les révélations du Cheikh Hentati, un personnage qui a souvent maille à partir avec la justice, ont provoqué un séisme politique puisqu’elles ont été étayées par des personnalités proches du défunt Béji Caïd Essebsi.
En effet, Hafedh Caïd Essebsi, fils aîné du défunt en exil volontaire en France, a affirmé lors de son intervention téléphonique mercredi 29 décembre, dans l’émission Rendez-vous 9 sur Ettassia TV, qu’il détient de réelles présomptions permettant de privilégier la piste de l’empoissonnement de son père. « Mon père me disait à moi et à ma sœur qu’on lui aurait greffé une “bombe” dans l’estomac », a-t-il indiqué. « J’avais exprimé des doutes sur les circonstances suspectes du décès de mon père, et ce, en dépit de l’encadrement et des efforts fournis par le personnel médical de l’Hôpital militaire de Tunis », a-t-il ajouté. Il a, à cet effet, qualifié de « positive » l’ouverture d’une enquête au sujet du décès de son père.
Pour lui, il est grand temps que « le peuple tunisien ainsi que ma famille connaissent la vérité sur le décès de mon père ». Il explique les raisons qui auraient conduit à cet acte par le refus de Béji Caïd Essebsi de promulguer le texte relatif à révision de la loi électorale et s’étonne qu’il soit « subitement tombé malade trois mois avant les élections législatives et présidentielle ».
Il est à rappeler que ce n’est pas la première fois qu’une thèse sur un probable acte d’assassinat ciblant de hautes personnalités soit évoquée.
En effet, la députée de Nidaa Tounes Fatma Mseddi avait appelé le 31 juillet 2019, lors de la séance plénière à l’ARP, à la publication du rapport médical sur les causes du décès de l’ancien Président. « Les Tunisiens veulent savoir et en avoir le cœur net. Le Président est-il mort d’une mort naturelle ou a-t-il été empoisonné ? Pour ma part, je soupçonne un empoisonnement car, peu avant sa mort, le Président avait réclamé la vérité autour de l’appareil sécuritaire d’Ennahdha », a-t-elle martelé à l’époque.
Cela dit, Mondher Belhadj Ali, ancien dirigeant de Nida Tounès, est revenu lui aussi, le 12 octobre 2021 sur Shems FM, sur les circonstances du décès de Béji Caïd Essebsi en 2019, affirmant que ce dernier avait été empoisonné et que le Palais de Carthage, à cette époque-là, était infiltré. Il a ajouté qu’il n’était pas convaincu de la thèse d’une mort naturelle, imputant indirectement un acte d’assassinat aux nahdhaouis. « Deux semaines avant qu’il ne tombe malade, Béji Caïd Essebsi m’avait révélé son intention de mener une bataille contre l’appareil secret d’Ennahdha », a-t-il affirmé. Mais malgré les propos de Belhaj Ali qui ne disposait d’aucune preuve tangible, le ministère public n’avait bronché.
Notons aussi que le journal Al Chourouk avait rapporté, le 23 mars 2018, que le ministère de l’Intérieur avait reçu des documents mettant en garde contre l’assassinat d’Ali Laarayedh, de Houcine Abassi et de Béji Caïd Essebsi.
Le journal Al Chourouk avait rapporté que le ministère de l’Intérieur avait reçu 23 documents émanant de la CIA et plusieurs autres agences de renseignements.
Ces documents, qui mettent en garde contre l’assassinat d’Ali Lâarayedh, Houcine Abassi, Béji Caïd Essebsi, Mustapha Ben Jaafar et Hamma Hammami informaient également que des actes de terrorisme étaient prévus en Tunisie, et notamment dans un centre commercial à La Marsa. Quoi qu’il en soit, la ministre de la Justice a remis au procureur général près la Cour d’appel de Tunis une demande d’ouverture d’une enquête sur les circonstances du décès de Béji Caïd Essebsi, a souligné mardi 29 décembre Habib Torkhani, porte-parole de cette juridiction, et ce conformément aux dispositions de l’article 31 du Code de procédure pénale.
Le président Béji Caïd Essebsi est décédé le 25 juillet 2019 à l’âge de 92 ans. Il avait été hospitalisé dans la nuit du 24 à 25 juillet en soins intensifs, selon la présidence de la République. Il s’était éteint le jour où le pays commémorait la proclamation de la République en 1957.