Les acteurs du secteur avicole sont à bout. Leur filière souffre de différents maux difficilement surmontables surtout en cette période de crise sanitaire. Ils proposent que l’Etat les aide à travers la refonte du système du quota et l’appui des exportations.
Les producteurs d’œufs se révoltent. Ils déclarent vendre leur production à perte. Cette situation est causée principalement par la majoration monstrueuse des coûts de production. Les prix de vente des œufs imposés par l’Etat ne couvrent pas les frais occasionnés par l’achat de l’alimentation des poules pondeuses et des médicaments nécessaires à leur santé.
La filière avicole constitue l’un des piliers de la sécurité alimentaire de la Tunisie. Le secteur occupe une place stratégique dans l’économie, vu son volume de production national des viandes blanches qui constituent pour les Tunisiens un substitut aux viandes rouges dont les prix sont devenus inabordables face à la chute vertigineuse du pouvoir d’achat.
Difficultés d’approvisionnement en matières premières
Une enquête menée par l’Iace en partenariat avec l’Utap sur la filière avicole, et qui a porté sur un échantillon de 319 éleveurs, a fait ressortir que 95.29% des acteurs sondés ont vu la commercialisation de leur production sur le marché diminuer pendant la période du confinement. 92% des éleveurs ont confirmé l’impact négatif de la crise pandémique sur les prix de leurs produits. 83% des éleveurs souffrent de problèmes de stockage. Les résultats du sondage ont montré que 62.41% des acteurs ont des difficultés d’approvisionnement en matières premières et 38.83% souffrent de la pénurie de la main-d’œuvre et ont eu recours à l’assistance des membres de leurs familles durant la période du confinement. Quant aux perspectives d’évolution et du développement de la filière, 19% des acteurs sondés ont mis l’accent sur la nécessité de développer l’infrastructure générale du secteur : les abattoirs, les techniques de congélation, les équipements…, 15% des acteurs visent à innover leurs méthodes de production pour satisfaire aux conditions sanitaires et environnementales et 12% songent à se spécialiser dans la filière des volailles bio.
Augmentation des cours mondiaux des matières premières
L’équilibre de la filière a été maintenu, avant 2012, par l’adoption du régime de quotas. La libéralisation anarchique, qui a eu lieu en 2012, a entraîné la perturbation de la chaîne de production à cause de la désorganisation des circuits d’approvisionnement et de commercialisation. La surproduction et la distorsion du marché ont été les causes principales de la faillite de plusieurs éleveurs qui se sont retrouvés face à des contraintes financières avec les banques et l’obligation de vendre leurs produits à des prix moindres que leur coût de production.
La filière serait également confrontée à l’augmentation des cours mondiaux des matières premières notamment le soja et le maïs de 60 %, entre juillet 2020 et juillet 2021, à cause de la demande accrue sur ces matières du géant chinois. Mais, d’un autre côté, les prix des volailles, bien qu’ils augmentent, ne peuvent plus suivre le rythme de l’augmentation des intrants par souci de protection du pouvoir d’achat tunisien. La dépréciation du dinar tunisien face aux monnaies étrangères a considérablement approfondi la crise. Et même avec le retour au régime des quotas en 2016, la filière n’a pu rétablir son équilibre. L’attribution des quotas par les autorités de tutelle a été caractérisée par le manque de transparence et d’équité.
La refonte du système du quota
Tous les acteurs du secteur sont d’accord sur l’importance de l’exportation et la refonte du système du quota. Parmi les pistes proposées par les professionnels du secteur, le recours à l’agrément européen et au marché africain pour pouvoir exporter l’excédent de la production. Ils ont insisté dans ce cadre sur l’importance du rôle de l’État et sur sa réactivité dans la mise en place d’un système d’incitation à l’export et le démantèlement de toutes les entraves qui brident l’écoulement des produits tunisiens sur les marchés internationaux. Aussi, le maintien du système du quota pour lutter contre la distorsion du marché tout en procédant à sa réhabilitation pour mettre un terme aux agissements et aux pratiques commerciales déloyales qui diminuent son efficacité.
Et pourtant, l’Etat a choisi la solution de facilité afin de contourner les problèmes. Et au lieu de se pencher sur les difficultés et de les traiter de façon sérieuse, en étudiant les possibilités d’aider le secteur sans trop toucher au pouvoir d’achat du consommateur, en pensant, par exemple, à fournir, ou à subventionner la matière première pour les producteurs, le ministère du Commerce a fui le sujet, et a décidé de recourir à l’importation d’œufs.
L’Etat semble ignorer qu’il aggrave, ainsi, encore plus, le déficit de la balance commerciale du pays et qu’il occasionne une fuite considérable de devises.
Le ministère du Commerce a appelé les producteurs d’œufs destinés à la consommation à s’engager à approvisionner continuellement le marché et à respecter les prix comme convenu, à l’heure où les professionnels entrent en conclave pour résoudre les problèmes liés aux défaillances de l’approvisionnement. Le ministère a fixé des quotas maximum pour le conditionnement des œufs ne dépassant pas 15% de l’ensemble de la production avec une marge de bénéfice aux alentours de 10 millimes l’unité, durant chaque étape de vente en gros et en détail à partir du 21 décembre 2021.