La persistance de politiques vieilles de plusieurs décennies envers les zones socialement et économiquement marginalisées et la poursuite de la même attitude de développement à l’égard du bassin minier n’ont conduit à aucun changement… La poursuite du sit-in signifie que les mécanismes capables de calmer la colère et de rétablir la paix sociale ont été perdus, ou presque…
Après le 25 juillet, bien que la visite simultanée du Président de la République, Kaies Saied, aux délégations minières ait donné un espoir sans précédent à des milliers de citoyens de cette région, elle est également devenue une cause de confusion, compte tenu notamment du sit-in continu des demandeurs d’emploi au siège de la Compagnie des phosphates de Gafsa (CPG) et de la fermeture de toutes les zones de production dans la ville de Redeyef.
Cette situation nous amène à nous interroger sur l’utilité de la visite et les véritables changements au sein de la région, où la fréquence des manifestations, sous leurs différentes formes, a augmenté et les blocages des activités minières ont été parmi les principales réactions violentes de protestation contre ce qu’ils considèrent être la discrimination et l’exclusion exercées par l’Etat. Partant de ce constat, le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (Ftdes) vient de publier une note de synthèse pour mettre le point sur ce qui doit être fait pour résoudre la crise car, malgré les changements, cette dernière n’a pas diminué.
Le même cercle vicieux…
La visite du Président de la République à la ville de Redeyef et son examen de la situation sociale, le changement ultérieur dans la scène politique, ainsi que le démantèlement des sit-in et la reprise de l’activité phosphatée dans le reste du bassin minier (Om-larayes, Metlaoui, Mdhilla)…, tout cela n’a rien changé pour les militants de Redeyef, qui tiennent toujours les mêmes revendications par les mêmes tactiques de protestation pour exprimer leur rejet de la marginalisation et de l’exclusion.
En effet, après une visite effectuée au mois de décembre 2021 par l’équipe du Ftdes au siège d’Al-Wezana à Redeyef où se concentre l’unité de production de phosphate, et un groupe de sit-inneurs, le constat demeure toujours aussi inquiétant ; les signes de frustration et de désespoir étaient clairs sur leurs traits, malgré leur forte adhésion à leurs revendications et leur rejet catégorique de toute solution provisoire.
« Amara Malki, 49 ans, marié et père d’un enfant de deux ans, sans emploi et l’un des manifestants, estime que le démantèlement du sit-in n’aura lieu qui si une solution radicale est trouvée. Il insiste sur le fait que toutes les méthodes de négociations utilisées par les anciens fonctionnaires ne sont plus efficaces devant l’insistance des protestataires d’exiger leur droit au travail, surtout qu’ils ne dépassent pas les 60 personnes…
Pour ce père de famille chômeur, les méthodes d’atermoiements adoptées durant les quatre ans depuis le début du sit-in leur ont fait perdre confiance dans les ‘’fausses promesses’’… Et bien que le sit-in ait été interrompu à plusieurs reprises et les comptes rendus lors des différentes réunions avec les représentants de l’autorité aient été révisés, ils sont tous restés lettre morte et n’ont abouti à aucun résultat, créant une rupture de la confiance dans les fonctionnaires et dans les moyens de dialogues ce qui les a poussés à insister sur la poursuite du sit-in et à rejeter toutes les méthodes de négociations avec l’autorité », souligne le document.
Et donc, même le changement politique opéré au lendemain du 25 juillet 2021 n’a pas gommé leur frustration puisque les protestataires dénoncent toujours la classe politique qui s’enlise dans ses batailles internes sans se rendre compte de la misère sociale et économique dans laquelle vivent des milliers de personnes dans cette région… Aujourd’hui, malgré les changements cités, les sit-in n’ont pas diminué.
Que faire pour désamorcer la crise ?
Après le 25 juillet, le gouvernement a été formé, mais les sit-in et les protestations n’ont pas encore disparu. Les protestations contre les choix économiques ne se sont pas arrêtées dans cette région, ni la demande de développement et d’emploi. « Alors que le gouvernement n’est pas en mesure de relever le plafond des revendications sociales, l’adoption de réformes globales, la prise en compte sérieuse des revendications populaires et la recherche de solutions pour apaiser la situation sociale sont des étapes importantes pour éviter de nouvelles pertes économiques, notamment en raison de la fermeture continue des zones de production de la CPG, qui porte un coup à l’un des piliers économiques du pays », ajoute le document.
Face à cette situation et en vue de rétablir l’activité minière et briser les tensions sociales dans la région, le Ftdes a souligné que la fermeture de la CPG est inacceptable en tant qu’unique artère économique de la région puisque presque toutes les activités économiques sont liées à l’activité de la CPG. Pour ce faire, le Forum a appelé à la nécessité d’entamer un dialogue sérieux avec les chômeurs et de mettre fin à la rupture entre eux et les autorités régionales et centrales qui se sont étendues au cours des derniers mois.
Par ailleurs, l’usage classique visant à briser les sit-in sans trouver des solutions ne pourra aboutir à aucun résultat tangible. Pour parvenir à un changement positif dans la région, il est impératif que les conventions entre les chômeurs et l’autorité soient activées, outre le changement des politiques de développement et des politiques opérationnelles, ainsi que la diversification du tissu économique dans le cadre d’une vision globale de développement coupée de la fragilité de l’emploi.