Par Brahim OUESLATI
Le processus pose de nombreux problèmes, d’ordre technique notamment. Sur le plan technique, bien que la Tunisie ait été le premier pays arabe et africain à se connecter à Internet en 1991, les infrastructures de base n’ont pas connu le développement nécessaire. Elle demeure à la traîne au niveau du haut débit fixe, et occupe la 157e place sur un total de 181 pays.
La consultation nationale annoncée par le Président de la République, Kaïs Saïed, devait s’ouvrir samedi 1er janvier 2022. Mais contre toute attente, il a été décidé de la reporter de deux semaines le temps d’expérimenter la plateforme électronique auprès d’un échantillon de jeunes choisis sur le volet par les bons soins des «organisateurs» et avec l’implication de quelques associations chargées de leur encadrement. On ne connaît ni les critères de choix de ces jeunes, ni encore mains l’identité des associations, même si le ministre de la Jeunesse et du Sport a précisé, dans le JT de la Watanya 1, qu’il s’agit notamment de l’organisation des scouts, notant au passage que 24 maisons de jeunes ont été mises à leur disposition, à raison d’une maison dans chaque gouvernorat.
De son côté, son collègue des Technologies et de la communication n’a pas révélé le nom et l’identité de la société qui a réalisé la plateforme numérique pour en mesurer la fiabilité et en savoir davantage sur son expérience dans le domaine.
L’objectif annoncé consiste, selon le Président de la République, à injecter davantage de «démocratie directe dans le système politique national». La consultation électronique, un procédé singulier, portera sur une trentaine de questions réparties sur six axes : la politique et les élections, l’éducation et la culture, l’économie et la finance, le développement et la transition numérique, le social et la santé. Elle vise à recueillir les suggestions des Tunisiens sur les réformes proposées par le Président Kaïs Saïed et serviront ainsi de base à la mise en place de nouvelles réformes constitutionnelle dont l’amendement de la loi électorale et qui seront soumises à un référendum le 25 juillet 2022.
«Ce mécanisme permettra de prendre connaissance des propositions du peuple, de ses attentes et de ses revendications… Nous ferons les réformes sur la base de la volonté du peuple et non de ceux qui l’ont escroqué», a-t-il souligné.
Problèmes techniques
Mais le processus pose de nombreux problèmes, d’ordre technique notamment.
Sur le plan technique, la Tunisie bien qu’elle ait été le premier pays arabe et africain à se connecter à Internet en 1991, les infrastructures de base n’ont pas connu le développement nécessaire. Elle demeure à la traîne au niveau du haut débit fixe, et occupe la 157e place sur un total de 181 pays. Elle est devancée par le Maroc, qui se positionne à la 132e place et la Libye (137), ainsi que l’Algérie (144), et ce, selon le classement mensuel Speedtest global index pour le mois de novembre 2021 (lire l’article de notre collègue Samir Dridi «Débit Internet en Tunisie : tout doucement le matin, pas trop vite le soir», La Presse du 2 janvier 2022). Pire encore, la Tunisie est classée 171e à l’échelle mondiale au niveau du réseau filaire avec l’Adsl, malgré le déploiement de la fibre optique par les opérateurs de télécommunication.
En plus, l’accès à Internet n’est pas également réparti sur tout le territoire national. La proportion des ménages connectés au réseau dépasse à peine les 50% (51,5%), selon un rapport de l’Institut national de la statistique (INS) publié en 2019. Sans compter, bien entendu, le taux d’analphabétisme qui demeure élevé chez les personnes âgées et dans certaines régions du pays.
Le nombre de personnes analphabètes en Tunisie s’établit, en effet, à plus d’un 1.742.000 personnes, sur une population de 11.700.000 habitants, selon le recensement général de la population et de l’habitat réalisé par l’INS en 2018.
Le gouvernorat de Jendouba vient, selon l’enquête, en tête du classement avec un taux d’analphabétisme de 31,6%, suivi du gouvernorat de Kasserine (30,2%) et Siliana (29,7%). L’enquête de terrain de l’INS a, également, noté que le taux d’analphabétisme général dans les zones rurales en 2018 est plus élevé que dans les zones urbaines (28,6% contre 13,4%).
La consultation suscite inquiétudes et appréhensions. L’on se demande déjà si elle va être ouverte à tous. Même si l’on promet que l’anonymat sera garanti, pour s’inscrire, les participants devront toutefois envoyer par SMS leur numéro de carte d’identité, pour éviter des infiltrations étrangères ou des doubles participations. Ils recevront ensuite un code secret leur permettant d’entrer sur la plateforme. L’Instance nationale de protection des données personnelles qui, semble-t-il, n’a pas été consultée, s’interroge sur le respect ou non de cet anonymat.