L’économie nationale tourne toujours au ralenti, contraignant certains secteurs à l’arrêt partiel ou total et mettant à nu les fragilités du tissu productif. Aujourd’hui, il est difficile pour les opérateurs de faire du business et de se projeter dans un environnement où les choix gouvernementaux sont dictés par les institutions financières internationales, d’une part, et l’évolution du virus et de ses variants, d’autre part, qui semblent prendre en otage l’économie, ce qui impose d’apprécier les prévisions avec beaucoup de réserves.
Le gouvernement actuel, à l’instar de ceux des années précédentes, semble tétanisé par l’ampleur des crises à gérer. La situation économique et financière en 2022 sera sans surprise. Elle confirme et prolonge les prévisions de détérioration de ses fondamentaux (PIB, déficit budgétaire, solde courant, dette publique…) de la décennie écoulée.
L’économie nationale peut-elle résister dans la durée à tous ces nœuds qui l’empêchent de s’oxygéner ? L’Etat pourra-t-il continuer à passer à la caisse internationale pour empêcher une hécatombe économique ? Pas sûr.
Il erre désormais sans direction, incapable de prendre les décisions idoines de réformes ni de développer des actions coordonnées des différentes institutions qui pourraient donner le sentiment qu’il a un plan et une stratégie de relance économique claire. Beaucoup d’actions sont annoncées sans moyens et sans cohérence d’ensemble.
Flou conjoncturel
La soudaine résurgence du virus à travers le variant Omicron tempère les espoirs de net rebond de l’économie en 2022. L’incertitude que fait planer le virus sur les chaînes logistiques et le risque d’une accentuation des tensions inflationnistes font craindre le pire. L’arrivée impromptue de ce variant semble déjouer les forecasts de croissance pour 2022. Pour dissiper le brouillard conjoncturel, la Tunisie réussira-t-elle à relancer son économie en 2022 ? Une économie impactée par deux années de crise sanitaire, comme l’ont été toutes les économies du monde, certes, mais le pays, qui a su limiter les dégâts causés par la pandémie, n’avait pas pu faire de 2021 la rampe de lancement de tous ses projets.
Il est clair que le planning de tous les chantiers des grandes réformes structurelles dépasse largement le cadre d’une seule année. Mais 2022 a une grosse part à y remplir. Non seulement parce que c’est en 2022 que tous les chantiers doivent impérativement démarrer, mais en plus, c’est sur cette année que compte le pays pour sortir du marasme et s’atteler, une bonne fois pour toutes, à la relance de l’économie et au retour à la normale de tous les secteurs sinistrés, voire totalement paralysés, par cette crise.
Les entreprises sous perfusion
Plus le coma économique est long, plus on assistera à de nouvelles crises, plus le travail sera douloureux. La Tunisie en est là aujourd’hui : on n’est toujours pas sorti du coma économique. Les entreprises publiques, les PME et les TPME, en l’occurrence, suffoquent et vivent sous perfusion, avec à la clé le risque de voir des centaines d’emplois partir en fumée.
Certains opérateurs économiques estimaient d’ailleurs à mille le nombre des PME qui devaient mettre la clé sous la porte. Dès lors, la priorité est la survie de ces entreprises dont les équilibres financiers sont aggravés par les impayés.
D’un autre côté, la Tunisie est contrainte aujourd’hui d’assurer les échéances de la dette et de ses charges, conséquence de choix de financements basés par le passé, d’une part, sur le recours à l’emprunt extérieur au détriment du développement et du renforcement de l’investissement et la création de richesse et, d’autre part, sur le contrôle de la sphère monétaire et financière. En effet, depuis des années, le pays a conçu des programmes de réformes, de stabilisation et d’ajustement économiques et monétaires, dictés par le FMI et la BM, dans le but d’agir sur les déséquilibres dont souffrait l’économie du pays, dont l’exécution n’a pas encore vu le jour.
Les défis socioéconomiques sont innombrables et le gouvernement doit agir sans répit en enclenchant les réformes sans tarder : modernisation de l’appareil administratif, numérisation, inclusion économique et sociale, diversification des partenariats internationaux, réactivation de l’appareil productif, faire face à la hausse de l’endettement, au creusement des déficits courants et à la faiblesse de plusieurs fondamentaux de l’économie nationale…
Des mesures de soutien dans la LF2022
Fatma Marrakchi Charfi, universitaire, avait précisé que les craintes se résument en trois axes : celles de voir le potentiel de croissance diminuer, de ne pas réussir à dégager un espace budgétaire suffisant pour concrétiser les différents programmes à mettre en œuvre par l’Etat et de ne pas réussir à redynamiser l’investissement privé, otage d’un climat des affaires morose et de problématiques structurelles (autorisation bloquant les investissements, systèmes de rente ne laissant pas de place à la concurrence). « Au-delà de la problématique de la stabilisation macroéconomique, il y a une réelle nécessité de relance, cette dernière ne doit pas compter uniquement sur le moteur des finances publiques, mais surtout sur ceux de l’investissement et de l’exportation ».
Dans le même contexte, Noureddine Hajji, directeur général d’EY Tunisie, souligne que la LF 2022 ne comporte pas des mesures favorisant la relance à proprement parler, mais quelques mesures de soutien aux entreprises exportatrices et celles exerçant dans le secteur du tourisme et de l’artisanat.
La relance de l’économie reste désormais tributaire de la stabilisation du système politique, de l’urgence de rétablir le fonctionnement normal des secteurs stratégiques (phosphate, agriculture). Il s’agit également d’atteindre un niveau de production respectable et de donner une bouffée d’oxygène aux finances publiques et d’espoir pour les négociations avec les bailleurs de fonds.