• Les listes indépendantes remportent la majorité des sièges
• Le très faible taux de participation confirme le désenchantement des citoyens
• Le non-respect du principe constitutionnel de la consultation et de la concertation des citoyens, la mauvaise gestion ainsi que les agendas politiques, à l’origine de la débâcle des conseils municipaux.
C’est dans l’indifférence totale que se sont déroulées en décembre des élections municipales partielles à Hammam El Ghezaz, Menzel Hor, Sbikha, Hammam-Sousse et enfin à El Mourouj. Les résultats publiés ces derniers jours par l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie) étaient attendus. Ce fut un camouflet de plus pour certains partis politiques qui, niaisement et bizarrement, croyaient encore qu’ils ont un rôle à jouer après tant de déboires.
Les indépendants caracolent en tête
L’Isie avait fixé la date des élections municipales partielles à Menzel Kamel (gouvernorat de Monastir) pour le 31 octobre et à Menzel Horr, Hammam Laghzez et Azmour (gouvernorat de Nabeul), à Hammam-Sousse (Sousse) et à El Mourouj (Ben Arous) pour le 12 décembre.
A la commune d’El Mourouj où le président d’Ennahdha a personnellement appelé ses adhérents à participer massivement à ces élections, le parti a été surclassé par la liste indépendante El Mourouj Tourid” qui est arrivée en tête et a recueilli 43% des voix, s’octroyant ainsi 16 sièges. Ennahdha arrive en second lieu avec 1.943 voix et obtient 12 sièges. La liste indépendante “Mourouj Al Ghad” s’est octroyé 8 sièges (1.036 voix). Ennahdha n’a pu faire mieux au niveau de la commune de Sbikha (Kairouan). Selon les résultats annoncés par l’Isie le 13 décembre dernier, c’est la liste indépendante sous l’appellation « Intilaka » qui arrive en première place avec un taux de vote de 37% (9 sièges). Le parti Ennahdha n’a recueilli que 273 voix (un seul siège).
Le très faible taux de participation constaté à El Mourouj (7.1%) et au niveau des autres communes ne peut que traduire la non-satisfaction du citoyen et le manque de confiance à l’égard des nouveaux élus municipaux. La décentralisation et la démocratie participative ne furent qu’un leurre, un projet mort-né qui impose pour certains observateurs de la société civile la révision du code des collectivités locales et d’un système électoral à l’origine d’une difficile — voire impossible — cohabitation entre les membres des conseils municipaux.
Pour les élections municipales partielles dans la circonscription de Hammam El Ghezaz (Nabeul), c’est la liste indépendante al-Demna qui arrive en tête avec 206 voix, ce qui lui donne 4 sièges, alors qu’à Menzel Horr (Nabeul), une seule liste indépendante était en lice avec un taux de participation très faible. Sur 4.540 électeurs inscrits, 227 seulement ont daigné faire le déplacement aux bureaux de vote. Idem pour la commune de Hammam-Sousse où une seule liste indépendante s’est présentée (Hammam Sousse nous unit) et qui a obtenu 24 sièges. Sur 30.147 inscrits, l’Isie n’a recensé que 665 votants. C’est ce qui arrive quand le conseil municipal se met au service des agendas politiques et tourne le dos au citoyen.
Le « démissionnisme » sévit toujours
Le pouvoir local peine déjà à prendre forme pour multiples raisons dont le non-respect du principe constitutionnel de la consultation et de la concertation des citoyens, la mauvaise gestion ainsi que les agendas politiques. La démocratie par le bas a lamentablement échoué. Le locataire de Carthage avait déjà sa propre idée sur le fonctionnement des collectivités locales. Après le 25 juillet, il franchit le Rubicon et décide de supprimer le ministère des Affaires locales. Ses attributions sont transférées au ministère de l’Intérieur.
En octobre, lors d’un entretien avec le ministre de l’Intérieur au Palais de Carthage, le président Kais Saied met en garde: « Le Code des collectivités locales voté au Parlement a été élaboré sur mesure et ne les oblige pas à rendre des comptes ». Il poursuit : « Un Etat dans l’Etat est inacceptable ». Ainsi, rejoint-il plusieurs observateurs qui ont pointé du doigt l’absence de garde-fous dans le CCL.
Il va sans dire que certains maires n’ont pas compris que le principe de la libre administration n’est pas l’exercice d’un pouvoir politique et n’autorise pas une « légifération locale », comme ce fut par ailleurs le cas pour la commune du Kram où un fonds de Zakat, décidé unilatéralement par le maire en place, a créé la polémique. Le principe constitutionnel de la consultation a été bel et bien bafoué.
En 2018, le taux de participation générale aux élections municipales observées dans 350 communes, dont 86 nouvellement créées, a atteint 33,7%, selon l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie).
Un très faible taux qui ne peut s’expliquer que par le désenchantement de la population. Malgré une grande participation des partis politiques, ce sont les listes indépendantes qui ont surclassé les listes partisanes avec 2.367 sièges obtenus, soit 32,9% du taux de vote.
A l’approche des élections municipales qui auront lieu en 2023, le « démissionnisme » sévit toujours au sein des conseils municipaux et ne fait que les éloigner encore plus du citoyen, ouvrant la porte à d’interminables élections municipales partielles qui n’intéressent plus personne. L’Instance supérieure indépendante pour les élections a déjà annoncé que les municipales partielles de Chihia (gouvernorat de Sfax) sont prévues pour les 29 et 30 janvier 2022.